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21/11/2003
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Entre l’Afrique du Sud et la France, la nouvelle alliance stratégique ?
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(MFI) La visite d’Etat en France à la mi-novembre du président sud-africain Thabo Mbeki a permis de souligner les fortes convergences politiques et économiques entre les deux pays. Leur alliance stratégique, qui paraissait difficile à nouer voici encore quelques années, pourrait avoir de fortes implications pour l’Afrique dans son ensemble.
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Thabo Mbeki et ses interlocuteurs français ont mis l’accent lors de la visite à Paris du président sud-africain (17-19 novembre) sur une volonté commune de développer les relations politiques et économiques. Paris et Pretoria se sont beaucoup rapprochés depuis deux ans et se veulent parmi les plus ardents défenseurs du Nepad, le Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique, destiné à permettre le décollage du continent.
Un des parrains du Nepad, avec ses homologues d’Algérie, d’Egypte, du Nigeria et du Sénégal, le président Mbeki a accueilli en juin 2002 le premier sommet de l’Union africaine qui a succédé à l’OUA et a fait du Nouveau partenariat le fer de lance de son action. Il n’a pas manqué de trouver un écho favorable auprès de Jacques Chirac, qui préside le G8 depuis le sommet d’Evian en juin 2003 et qui passera le flambeau en juin 2004 au président américain George W. Bush.
Convergences diplomatiques
Les deux pays se sont trouvés sur la même longueur d’onde à propos de l’Irak et montrent le même souci de donner un rôle plus important à l’Onu. Ils sont aussi d’accord sur le processus de retour à la paix en RDC, au Burundi, en Côte d’Ivoire ou au Soudan. Une certaine méfiance de la part de la France vis-à-vis de l’Afrique du Sud, soupçonnée notamment de soutenir le Rwanda dans le conflit en République démocratique du Congo, semble désormais dissipée. Paris et Pretoria ont envoyé des troupes sur le terrain sous l’égide de l’Onu et se sont prononcés pour le retrait des troupes étrangères et le renforcement des forces de maintien de la paix. Ils ont œuvré ensemble pour faciliter un règlement pacifique au Burundi.
Le président sud-africain s’est lui-même déjà rendu trois fois en France en 2003 avant cette visite d’Etat : pour les accords de Marcoussis sur la Côte d’Ivoire, pour le sommet franco-africain et à l’occasion du G8, à Evian. Cette présence, aux côtés du secrétaire général de l’ONU a été considérée par les autorités françaises comme un soutien à leur politique africaine – laquelle « reste fidèle aux partenaires francophones mais se veut ouverte à l’ensemble des pays du continent ».
« Nous partageons les mêmes valeurs et les mêmes objectifs sur beaucoup de problèmes », a déclaré le président Mbeki devant les hommes d’affaires français, citant notamment la position française à propos de la RDC ou de la République centrafricaine. Auparavant, aussi bien au palais de l’Elysée qu’à l’Assemblée nationale, il avait rendu hommage à Jacques Chirac pour « vouloir œuvrer à nos côtés pour le renouveau de l’Afrique », la Renaissance africaine étant, on le sait, un des leitmotiv du chef d’Etat sud-africain. « Les relations entre la France et l’Afrique du Sud n’ont jamais été meilleures et plus solides qu’à l’heure actuelle. J’ai l’intime conviction que c’est parce qu’elles reposent sur des valeurs et des intérêts communs, ainsi que sur des sentiments de solidarité humaine et sur une coopération mutuellement bénéfique », a indiqué Thabo Mbeki, ajoutant que les « relations politiques qu’entretiennent nos deux pays ont acquis une nouvelle qualité et maturité ».
Une coopération économique à développer
L’Afrique du Sud, malgré ses problèmes internes hérités en grande partie de l’époque de l’apartheid, reste l’économie la plus riche de l’Afrique et représente 24 % du PIB du continent et 40 % de celui de l’Afrique subsaharienne. La France n’est toutefois que son cinquième fournisseur, malgré la présence en Afrique du Sud de 70 filiales de sociétés françaises. Le président Mbeki n’a pas caché qu’il souhaitait des investissements français accrus dans son pays, en particulier des petites et moyennes entreprises. Dans ce contexte, il a souhaité que la commission économique bilatérale joue un rôle plus actif pour identifier de nouvelles opportunités.
« La France devient chaque jour un peu davantage l’un de nos principaux partenaires économiques internationaux. La coopération dans d’autres domaines progresse aussi, nous aidant en cela grandement dans notre combat pour éradiquer le legs de l’ancien système criminel de l’apartheid », a déclaré Thabo Mbeki.
Ironisant sur ceux qui prédisaient des rivalités entre les deux pays sur le sol africain, il a affirmé qu’au contraire ils devaient « travailler encore plus étroitement ensemble », y compris au niveau des entreprises, afin de relever les nombreux défis du Nepad. Le groupe français Alcatel a annoncé à l’occasion de cette visite un nouveau projet innovant, en coopération avec la Vodacom sud-africaine et la PME franco-sénégalaise Manobi, pour fournir avec des technologies avancées – des terminaux GSM et l’internet – des services aux producteurs agricoles des communautés rurales sud-africaines, comme cela est déjà le cas au Sénégal. Ce projet pourrait être étendu à d’autres pays d’Afrique australe.
Alcatel a également annoncé qu’elle va vendre 30 % de ses parts dans sa filiale Alcatel-Afrique du Sud à un nouveau partenaire local dans le cadre du programme BEE, le programme d’émancipation économique de la population noire. « L’Afrique du Sud a des technologies comparables à celles des pays développés qui pourraient profiter, en partenariat avec nous, au reste du continent », soulignent des hommes d’affaires français. Évoquant des projets dans des secteurs comme celui de l’énergie, vitale pour l’Afrique, le président Mbeki a souhaité que des entreprises françaises participent aux côtés de leurs homologue sud-africains à la mise en œuvre d’un vaste projet de production et de transport d’électricité à partir de la RDC (barrage d’Inga) vers le reste du continent africain. Il a bien sûr plaidé tout au long de sa visite en faveur du Nepad, soulignant qu’il fallait renverser le processus de marginalisation de l’Afrique. Il a ajouté que l’objectif ultime de cette initiative africaine consistait « à changer la nature et l’architecture du système de gouvernance international et la perception qu’on a de l’Afrique ».
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Marie Joannidis
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