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20/02/2004
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RDC : le long chemin vers la paix en Afrique centrale
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(MFI) La reconstruction politique et économique de la République démocratique du Congo (RDC), essentielle au retour d’une paix durable dans la région des Grands lacs et en Afrique centrale en général, a été au centre de la tournée européenne en février 2004 du président congolais Joseph Kabila.
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Le retour de la paix en RDC est officiellement souhaité par tous les protagonistes. Cependant, il reste encore à définir la nature et les objectifs d’une conférence internationale, prévue en principe en novembre prochain. Le président Kabila, qui s’était déjà rendu à Washington où il a également reçu un très bon accueil, a souligné à Paris, première étape de sa tournée européenne, sa volonté de mener à bien le processus de transition et de réconciliation devant permettre la tenue d’élections en 2005.
Concernant la conférence, il semble s’être désormais rallié à la position de la France qui estime qu’elle doit porter à la fois sur l’Afrique centrale et la région des Grands Lacs, avec comme point central la RDC et ses neuf voisins.
Intitulée pour le moment « Conférence internationale sur les Grands Lacs », cette réunion ne prévoyait pas la présence, comme participants du « premier cercle », de pays voisins comme l’Angola ou le Congo Brazzaville mais incluait un pays comme le Kenya. Les discussions préparatoires ne sont pas encore très avancées et la réunion ministérielle préliminaire initialement prévue pour mai/juin devrait finalement précéder le sommet lui-même en novembre en Tanzanie.
Un malentendu au départ sur l’intitulé de la conférence
Cette conférence placée sous l’égide de l’Onu permettra, si elle se tient à cette date, de discuter de la RDC mais aussi du Burundi, également engagé dans une réconciliation nationale après un conflit sanglant, et surtout de la sécurité régionale et de la coopération économique entre les pays de la région.
« Nous avons un problème régional. Il ne faut pas se laisser monter les uns contre les autres par les marchands de canons et les trafiquants. Puisque on a tous un problème commun, il vaut mieux en parler en commun », souligne un observateur diplomatique africain qui estime qu’il y a eu malentendu au départ sur l’intitulé de la conférence qui ne doit pas porter uniquement sur les grands Lacs mais sur l’Afrique centrale en général. « Il faut régler le problème de la RDC, qui constitue le problème central, et non pas se réunir pour parler simplement des conséquences du génocide de 1994 au Rwanda. Tous les sujets devront être sur la table », ajoute-t-il.
Le représentant de l’Onu chargé du dossier, le Sénégalais Ibrahima Fall, ne s’est pas encore clairement prononcé sur le sujet. Mais les Congolais paraissent à présent d’accord sur le fait qu’ils doivent s’y impliquer plus activement et qu’il faut recentrer les discussions sur deux sujets primordiaux : la sécurité collective et la coopération économique. Cela serait, selon certains, « la manière polie de dire non à l’ingérence militaire et au pillage (des ressources de la RDC) ». A Paris, on estime effectivement que les Congolais ne s’étaient pas assez intéressés à l’organisation du sommet, laissant les Rwandais occuper le terrain. Quant à l’Afrique du Sud, qui s’est rapprochée ces derniers temps de Paris, en particulier concernant le rejet de l’intervention militaire américaine en Irak, elle laisse faire pour le moment Ibrahima Fall.
« Il faut bloquer le cercle vicieux de l’insécurité »
En fait, les Congolais étaient restés circonspects, redoutant que cet exercice ne serve avant tout à légitimer la présence de militaires étrangers et à donner une couverture à l’exploitation illicite des ressources du Congo, vidant ainsi la conférence de son sens. « Ce qu’il faut bloquer, c’est le cercle vicieux de l’insécurité qui permet le pillage et du pillage qui finance l’insécurité », souligne un diplomate.
Les Congolais pour leur part reconnaissent en privé que le danger d’un dépeçage du pays, surtout à l’est, existe toujours malgré le retrait officiel des troupes étrangères, en particulier rwandaises et ougandaises. « Le vrai problème c’est qu’il y a 284 habitants au km2 au Rwanda et seulement 26 au Congo. Cela constitue effectivement un problème car il y aura toujours des chocs s’ils ne trouvent pas un modus vivendi et un système de relations régionales politiques qui ne soit pas conflictuel », affirme un expert européen.
Les progrès sur le Burundi ont eu des effets bénéfiques sur le processus de paix en RDC car ils ont ôté des arguments sécuritaires au Rwanda. Quant à l’Ouganda, il reste surtout préoccupé par le problème de l’insécurité dans le nord du pays où le LRA continue à sévir.
« Ce qui n’empêche pas des intérêts ougandais et le Rwanda de soutenir en cachette des milices congolaises dans l’Ituri ou dans les Kivu », souligne un diplomate en poste à Kinshasa qui estime que la partie congolaise doit, elle aussi, respecter ses engagements concernant le désarmement des Maï Maï ou des Interahamwe (Hutus rwandais extrémistes considérés comme les auteurs du génocide).
Les bailleurs de fonds ont promis en décembre 2003 un soutien financier de 3,9 milliards de dollars à la RDC pour la période 2004-2006. Mais les opérations de désarmement et de réinsertion des anciens combattants n’avancent pas très vite en raison notamment des conditions très strictes imposées par la Banque Mondiale - qui gère le dossier - pour le décaissement des fonds engagés. « Les Maï Maï, par exemple, sortent de la forêt mais il n’y a rien pour les accueillir et ils n’ont plus qu’à repartir d’où ils sont venus », explique un témoin.
Marie Joannidis
Mobilisation de fonds pour la RDC et le Burundi
(MFI) La communauté internationale s’est mobilisée pour accompagner les processus de paix en République démocratique du Congo (RDC) et au Burundi en promettant quelque 4 milliards de dollars d’aide à Kinshasa et plus d’un milliard à Bujumbura. Dans les deux cas, les fonds devraient être décaissés sur une période de trois ans à partir de 2004.
Cette aide répond aux progrès politiques importants accomplis par les deux pays avec le soutien de l’Onu et des Africains, notamment l’Afrique du Sud.
Les bailleurs de fonds sont très impressionnés par la rapidité avec laquelle le président congolais Joseph Kabila et son équipe ont réussi à stabiliser une économie en ruine après trois décennies de mauvaise gestion sous la dictature de Mobutu Sese Seko et un conflit sanglant qui a dévasté le pays.
Les efforts de la RDC ont été récompensés par un appui financier du FMI et de la Banque mondiale et une réduction de l’ordre de 80% de la dette extérieure, soit quelque 10 milliards de dollars dont un milliard pour la France, dans le cadre de l’initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE).
Au cours de sa tournée européenne début février, Joseph Kabila a demandé une aide budgétaire pour le processus électoral qui devrait s’achever en juin 2005, chapitre qui a été un peu oublié. Il a aussi tenu à rassurer ses interlocuteurs quant à la continuité du processus de transition politique et des réformes économiques.
A Paris, où il s’est entretenu comme dans les autres capitales visitées – Londres, Berlin et Bruxelles – avec les responsables politiques et les dirigeants du secteur privé – il a lancé à ces derniers un appel à l’investissement dans son pays au vaste potentiel où tout reste à faire. Parlant devant les membres du Medef (le patronat français), réunis sous la présidence de l’ancien ministre de la Coopération Michel Roussin, il a insisté sur la volonté de son gouvernement d’assurer aux futurs investisseurs un cadre économique stable et fiable.
Les hommes d’affaires français ont écouté avec attention le chef d’Etat congolais mais restent méfiants, échaudés par les avatars du passé. Certains se demandent encore par quel canal entrer en RDC : par les seigneurs de la guerre qui trônent maintenant à côté de Kabila dans le gouvernement de transition, par les militaires rwandais ou ougandais, épinglés par les experts de l’Onu pour le pillage des ressources dans l’est, ou par Prétoria très intéressé par les ressources minières du pays et son potentiel énergétique lié notamment au barrage d’Inga?.
« Le mieux sera de passer directement par Kinshasa », affirme un observateur diplomatique sur place qui met en garde les hommes d’affaires français contre toute « frilosité », alors que leurs collègues d’autres pays paraissent prêts à courir le risque. « Le potentiel du pays est tellement énorme qu’il y a plus de monde que pour le Burundi et il y a des sous », ajoute-t-il.
La France a promis de fournir une aide budgétaire pour faciliter la préparation des élections et contribue à la réorganisation de la police et de la gendarmerie ainsi qu’à la décentralisation à hauteur de 50 millions de dollars par an. Elle a aussi promis l’annulation de dettes résiduelles de l’ordre de 690 millions de dollars à la fin du processus PPTE.
La Chine, la Belgique qui entraîne l’armée congolaise, les Etats-Unis et à présent la Grande-Bretagne sont avec la France parmi les principaux bailleurs de fonds de la RDC.
Marie Joannidis
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