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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

05/03/2004
Corne de l’Afrique (2) : état des lieux des conflits

(MFI) A l’occasion des grandes manœuvres diplomatiques dans la Corne de l’Afrique (1), un rappel de la situation dans les principaux pays concernés par les crises actuelles.

Soudan : après le Sud, un nouvel orage au Darfour

Selon Gérard Prunier, chercheur au CNRS, « la situation au Soudan est de loin la pire de la Corne de l’Afrique ». Dans ce pays, le plus grand d’Afrique, deux conflits se superposent.
L’un, vieux de 20 ans et sur le point d’être résolu, oppose le Nord, arabe et musulman, incarné par le gouvernement de Karthoum aux populations noires, majoritairement animistes, du Sud, menés par le SPLA (Sudan People’s Liberation Army). Malgré des dérives autoritaires et une faible représentativité, le SPLA continue à incarner l’espoir d’indépendance ou du moins d’égalité des peuples négro-africains. Cette guerre a fait 2 millions de morts et 4 millions de déplacés. 20 % des habitants du Sud sont décédés, tandis que 50 % ont dû fuir.
Les Américains exercent une forte pression pour obtenir rapidement un accord de paix. Comme le souligne Gérard Prunier, à l’approche des élections présidentielles américaines Georges Bush ne peut négliger les quelque 200 à 300 000 voix des membres de la Christian Coalition, qui militent en faveur des Sud-Soudanais. Ce lobbying, essentiellement dirigé contre la pratique de l’esclavage encore en vigueur au Soudan, recoupe les intérêts d’une partie la société noire américaine.
Les nouvelles relations entre les Etats-Unis et le Soudan s’inscrivent également dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Selon un autre chercheur, M.A. Pérouse de Montclos, « il existe une convergence d’intérêts entre les deux. Les Américains sont demandeurs d’information sur le terrorisme. Le Soudan quant à lui est à bout de souffle. Ce rapprochement lui permet de mettre de côté ses membres les plus radicaux, tout en lui redonnant une légitimité internationale ».
Vient enfin la question du pétrole, dont les puits se trouvent au Sud. Pour l’exploiter et mettre en place les infrastructures, il faut la paix. Toutefois, comme le souligne M.A. Pérouse de Montclos, « ce n’est pas l’unique raison des pressions américaines sur le processus de paix, car l’investissement des Etats-Unis, de la Norvège et de la Grande Bretagne date de 2002, alors que le pétrole a été exploité dès 1999. » Qui plus est, Karthoum a précisé lors de la visite de Dominique de Villepin au Soudan, qu’il n’offrirait pas le monopole d’exploitation aux compagnies américaines.
Depuis un an, un nouveau conflit, « prévisible » selon G. Prunier, s’est déclenché dans l’ouest du pays, dans la région du Darfour. L’origine du conflit n’est pas religieuse, les habitants du Darfour étant musulmans. Le SLA (Sudan’s Liberation Army) reproche au gouvernement de marginaliser cette région depuis l’indépendance, « de la maintenir dans une vie primitive ». Karthoum compte étouffer dans la violence cette rébellion, avec le concours de miliciens. Le Tchad, pays voisin où ont afflué une centaine de milliers de réfugiés, craint une extension du conflit sur son territoire.


Somalie : un processus qui tourne en rond

Les conférences qui se tiennent au Kenya mèneront-elles la Somalie sur le chemin de la paix ? Selon Gérard Prunier « nous en sommes à la 13 ou 14ème conférence depuis 1993. Le degré de fiabilité du résultat est donc faible ». Marc Antoine Pérouse de Montclos, chercheur à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), précise que « le processus de paix actuel concerne le Sud uniquement. Mais le Sud n’a pas d’interlocuteurs. Ce sont des seigneurs de la guerre qui viennent aux conférences de paix parce qu’ils y touchent des indemnités. La société civile n’est que très peu impliquée dans le processus de paix, alors on tourne en rond. »
La Somalie est en guerre civile depuis 1991. Après la chute du président Siad Barré, le pays bascule dans le chaos. Les grands clans, les chefs de guerre et la mouvance islamiste radicale se partagent le pouvoir. Pour faire face à la catastrophe humanitaire, les Nations Unies envoient une mission en 1992. Elle sera renforcée en 1993 par une opération militaire américaine, Restore Hope, au cours de laquelle 18 marines seront lynchés. Ce fiasco provoque le retrait des forces américaines, puis des derniers casques bleus en 1995.
Le pays est aujourd’hui divisé en quatre entités : la Somalie (région autour de la capitale Mogadiscio) ; le Somaliland au nord-ouest, qui s’est déclaré indépendant en 1991 (mais qui n’est pas reconnu par la communauté internationale) ; le Puntland au nord, autonome depuis 1998 ; et au sud le Jubaland. La guerre civile, qui dure depuis 1991, a fait 300 000 victimes (sur les 8 à 9 millions d’habitants). Un Somalien sur six a quitté le pays.


Ethiopie : bruits de bottes ou vraie crise ?

Depuis mai 2003, des « bruits de bottes » résonnent de nouveau à Badme. Ce petit bourg de 5 000 âmes, situé entre l’Ethiopie et l’Erythrée, est depuis 1998 un enjeu de taille entre les deux voisins. Il est à l’origine du conflit qui les a opposés de 1998 à 2000. Il a coûté la vie à 100 000 personnes et 3 milliards de dollars à l’Ethiopie. Il a laissé exsangues ces deux pays parmi les plus pauvres de la planète.
Avec les accords d’Alger du 12 décembre 2000, qui mettent un terme à ce conflit, une commission internationale neutre est créée. Elle est chargée de délimiter la frontière entre les deux pays, puis de procéder à sa matérialisation sur le terrain : les frontières n’avaient pas été définies lors de l’indépendance obtenue par l’Erythrée le 24 mai 1993, après 20 ans de rébellion contre le pouvoir central d’Addis-Abeba.
Le 21 mars 2003, la commission attribue Badme à l’Erythrée. Cette décision est « définitive et contraignante ». Pourtant, l’Ethiopie, qui la possédait de fait depuis la guerre de 1998-2000, refuse son application. Asmara, sûre de sa nouvelle légitimité, occupe le bourg le 12 mai. Addis-Abeba considère cette action comme une « provocation, une agression », puis une « invasion ».
Selon Gérard Prunier, « Il n’y aura aucune solution, ni guerre ni paix, car personne n’a intérêt à ce que la situation change. Les bruits de bottes sont rhétoriques, pour faire peur à la communauté internationale ». Pourtant, pour René Lefort , « la possibilité d’un incident fortuit ou provoqué par les va-t-en guerre de l’un ou l’autre pays risque de les entraîner tous les deux dans la même spirale incontrôlable qu’en 1998, avec des conséquences totalement imprévisibles. »

1) voir Corne de l’Afrique (1) : enjeux stratégiques et conflits
2) journaliste indépendant, auteur de Ethiopie : la révolution hérétique
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Karène Bassompierre

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