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19/03/2004
Paul Kagame, austère, secret et tacticien

(MFI) A 46 ans, l’ancien exilé tutsi en Ouganda, ex-chef des rebelles du FPR, est devenu en septembre 2003 le premier président rwandais élu au suffrage universel ; avec 95 % des voix. Dix ans après le génocide, Paul Kagame revendique une politique autocratique pour « unir et réconcilier les Rwandais ».

L’anglophone Paul Kagame parle-t-il le français ? Certains affirment qu’il refuse de pratiquer une langue qu’il maîtrise très bien, d’autres - dont lui-même - assurent qu’il le parle mal. Il prendrait des cours, dit-on. Cette question serait anodine si elle n’illustrait les rapports tendus que son président entretient depuis longtemps avec la France et la francophonie, en même temps que sa volonté de s’en éloigner et de tourner davantage son pays vers l’océan Indien et l’Afrique du Sud.
La première fois que Kagame fait l’effort de s’exprimer en public dans la langue de Molière, c’est le 12 septembre 2003 dans un stade de Kigali, lors de son discours d’investiture. Délaissant un instant le kinyarwanda, la langue officielle du pays, il prononce quelques phrases fustigeant ceux qui l’accusent d’utiliser politiquement le génocide pour asseoir un régime autoritaire et museler l’opposition. Une allusion à nombre d’ONG et de médias français, mais aussi, plus largement, à la politique de Paris, jugée de longue date favorable aux Hutus, notamment à l’ancien pouvoir génocidaire de Juvénal Habyarimana.


Che Guevara et Mao

Les mauvaises relations entre Kagame et la France datent probablement d’octobre 1990. A 33 ans, il revient des Etats-Unis, où il suit un stage d’officier, pour prendre la tête du Front patriotique rwandais (FPR), mouvement rebelle marxisant qui vient de lancer, depuis l’Ouganda où il a ses bases, une offensive contre le régime Habyarimana. Chef de guerre austère, secret, autodidacte et bon tacticien, Kagame a lu les grands classiques révolutionnaires, Che Guevara et Mao. Il partage la vie de ses soldats, les mène au combat et fait régner une discipline de fer, n’hésitant pas à éliminer les recrues trop tièdes et les « espions ».
Mais l’opération échoue à quelques kilomètres de Kigali, après que la France, la Belgique et le Zaïre sont intervenus en faveur du pouvoir hutu. Les trois capitales francophones voient en lui un adversaire dangereux, il est l’homme de Yoweri Museveni, le leader ougandais proche des Américains.
Deux ans plus tard, en 1992, Kagame tente toutefois de venir plaider sa cause à Paris. Reçu à l’Elysée par Jean-Christophe Mitterrand, conseiller de son père pour les Affaires africaines, puis au Quai d’Orsay, il est interpellé un peu plus tard à son hôtel et incarcéré sous l’accusation de « terrorisme ». Il est libéré douze heures après sans un mot d’excuse.
A cette époque, les extrémistes hutus prennent de plus en plus d’influence auprès d’Habyarimana. Cette période trouble, ponctuée de combats, d’exodes, de massacres de Tutsis et de Hutus modérés se prolonge jusqu’à l’attentat contre Habyarimana le 6 avril 1994, qui marque le début du génocide. Occupées à cette folie meurtrière qui dure cent jours, les Forces armées rwandaises (FAR) n’opposent guère de résistance aux troupes de l’armée patriotique rwandaise (APR), bras armé du FPR.


L’« homme fort » du nouveau régime

Paul Kagame prend Kigali le 4 juillet, mettant un terme au génocide. « La guerre est finie », proclame-t-il. Alors que les Hutus fuient par centaines de milliers, notamment vers le Zaïre, il cède à la pression internationale et accepte la création, par l’armée française, d’une « zone humanitaire sûre » dans le sud-ouest du Rwanda. Non sans accuser Paris d’avoir monté cette opération (baptisée « Turquoise ») pour protéger les auteurs du génocide.
Voici donc Paul Kagame, l’enfant chassé en 1960 avec ses parents vers l’Ouganda lors des premières persécutions anti-tutsies, à la tête d’un pays traumatisé, perclus de haines et de blessures, parsemé de charniers (près d’un million de morts). Même s’il semble se contenter du poste de vice-président à côté du Hutu Pasteur Bizimungu, il devient également ministre de la Défense du gouvernement d’union nationale et chef d’état-major. Il est dès lors unanimement considéré comme « l’homme fort » du nouveau régime rwandais.


Lutter sans relâche contre « le divisionnisme ethnique »

Que va-t-il faire de ses pouvoirs ? D’abord, sur le plan intérieur, reconstruire et pacifier le pays, remettre l’économie en marche, rétablir l’ordre, au besoin de façon musclée, lutter sans relâche contre « le divisionnisme ethnique » et traquer les auteurs du génocide, dont il veille à tenir une liste régulièrement à jour. En avril 2000, il se fait élire président par un Parlement aux ordres et remplace Bizimungu contraint à la démission. Le 25 août 2003, il est réélu au suffrage universel avec 95 % des suffrages, un score qui fait polémique. Le tout puissant FPR recueille 73 % aux législatives.
Sur le plan extérieur, Kagame est obsédé par la sécurité des frontières, en particulier avec l’immense République démocratique du Congo (RDC). Dans la région-est de ce pays, les troupes rwandaises pourchassent impitoyablement les miliciens extrémistes hutus (Interahamwe) qui s’y sont réfugiés, commettent des exactions et, selon de nombreuses sources, massacrent des dizaines de milliers de civils et couvrent le pillage des ressources naturelles de l’ex-Zaïre. Aujourd’hui, Paul Kagame, qui dément tout pillage, affirme ne plus entretenir un seul homme en RDC, tout en se disant prêt à contrer une éventuelle offensive de « revanchards » hutus.
Admirateur du modèle autoritaire de développement des dragons asiatiques, Kagame se méfie de l’Occident et de son passé colonialiste. Son inspirateur est désormais Mahathir Bin Mohamad, l’ancien Premier ministre malaisien, un homme à la poigne de fer connu pour ses diatribes anti-occidentales.


Philippe Quillerier

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