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30/04/2004
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Elargissement de l'Europe : le défi francophone
De la diversité culturelle en Europe…
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(MFI) La diversité culturelle et linguistique doit être préservée en Europe : tout en réaffirmant cette volonté au plan des principes, les pays francophones s’efforcent avec leurs partenaires européens de contrecarrer l’érosion du français et des autres grandes langues face à l’anglais dans les institutions de l’Union européenne.
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Depuis plusieurs années, la Francophonie a investi le terrain de la défense de la diversité culturelle face aux menaces d’uniformisation linguistique et culturelle. Combat qu’elle mène notamment sur plusieurs forums, en joignant ses forces à celles de l’Unesco pour définir un cadre de référence international, ou auprès de l’Organisation mondiale du commerce pour contrer la poussée américaine en faveur de la déréglementation. La perspective de l’élargissement européen fournit aussi matière à un effort d’urgence pour la réaffirmation du principe de diversité dans l’enceinte communautaire.
Première ligne de front : la défense des principes. C’est ce qu’a tenté de faire, en janvier 2003, l’Assemblée des parlementaires francophones réunie à Strasbourg en lançant un appel à « l’Union européenne en construction » pour qu’elle inscrive « la diversité linguistique et culturelle parmi ses valeurs fondamentales ». On songe notamment ici au projet de traité constitutionnel, auquel il était demandé de se prononcer sur « le régime linguistique » de l’Europe. Et en effet tout indique que l’adoption de la future constitution européenne est en passe de devenir un enjeu crucial de politique européenne, de nature à cristalliser tous les antagonismes sur l’avenir communautaire.
Mais l’élargissement européen a d’ores et déjà lancé la bataille des langues. Et au nom de la défense de la diversité, chacun s’avance avec quelques arrière-pensées : toute la difficulté est donc de faire admettre aux autres parties que le combat mené l’est réellement dans l’intérêt de tous. Ou du moins de quelques-uns… dans ce cas de figure, plus que l’espagnol ou l’italien, le principal allié du français est indubitablement l’allemand, lui aussi menacé dans son statut de principale langue de travail, face à l’anglais. La France et l’Allemagne entendent donc resserrer leur coopération linguistique, après avoir constaté l’effondrement dans l’un et l’autre pays des enseignements respectifs de leurs langues ; et ils sont ensemble pour pousser l’idée désormais très en vogue qu’il faut arriver progressivement à l’enseignement obligatoire, en Europe, de deux langues étrangères au lieu d’une. L’expérience montre que le français comme l’allemand ont tout à y gagner (1).
Cela dit, l’Europe est bien dans un système concurrentiel, et les francophones doivent fournir leur propre effort. Aussi, les Français de leur côté, ou en association avec les autres francophones concernés (Communauté française de Belgique et Luxembourg avec qui a été monté un plan pluriannuel) ont lancé de grandes manœuvres. Priorité : viser les usagers des mécanismes européens, à qui sont proposés des programmes d’apprentissage du français pour parer au plus pressé. Dans cette partie, c’est l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) qui joue le rôle de chef d’orchestre.
L’initiative, c’est déjà un signe encourageant, rencontre un bon accueil dans les pays promis à l’élargissement. « Il existe une véritable conviction parmi eux que le français est incontournable dans la gestion des affaires communautaires, souligne Stéphane Lopez pour l’AIF. Les diplomates et hauts fonctionnaires se mobilisent pour apprendre le français et je suis littéralement débordé de demandes de prises en charge qui montrent à quel point un public pourtant économe de son temps s’engage dans cet apprentissage. Comme ils le disent eux-mêmes, et en haut lieu, l’anglais est indispensable, mais aussi insuffisant. Le français est complémentaire. »
Quelle place pour les Européens en Francophonie ?
Cette approche semble cohérente, si l’effort est soutenu par une volonté politique, jugée « indéniable, incontestable » par l’ancien ministre français de la Coopération, Pierre-André Wiltzer. Et s’il est soutenu par des moyens tout aussi incontestables et indéniables… Or, dans le cadre francophone, il faut aussi convaincre les pays du Sud que les ressources – non extensibles – mises sur le projet européen valent l’enjeu. « C’est évident : si le français recule en Europe (et sur la scène internationale), la question se posera pour eux de savoir s’il vaut encore la peine d’apprendre le français », note-t-on au ministère français des Affaires étrangères.
Mais il faut peut-être aussi mettre un peu de cohérence dans la Francophonie elle-même : l’afflux, ces dernières années, de candidats européens à l’Organisation internationale de la Francophonie (2) a paru parfois d’un goût contestable, s’agissant de pays où l’usage du français reste ici et là du domaine de l’anecdote. Sans doute peut-on faire observer que les membres européens ont pour la Francophonie un intérêt qui outrepasse la stricte question linguistique : ils peuvent se reconnaître dans la défense de valeurs comme la promotion de la démocratie et les droits de l’homme, et montrent bien sûr une grande sensibilité à la question de la diversité culturelle. Une part de calcul a pu aussi intervenir, dès lors que la Francophonie apparaissait comme un marche-pied vers l’Europe. Toutes considérations qui ne suffisent évidemment pas à faire tomber les réserves…
Aussi reconnaît-on à Paris que la question se pose, de savoir s’il ne faudrait pas mieux faire le partage entre les pays désireux d’entrer de plain pied dans la Francophonie, et ceux qui se contenteraient de rapports culturels renforcés. Ensuite, et l’on revient à l’aspect linguistique, il serait bon « que les pays membres de la Francophonie acceptent de traduire dans les faits cette appartenance, notamment en accordant toute sa place au français dans leurs systèmes d’éducation », est-il souligné. Entendez bien qu’on n’est pas tout à fait dans cette situation.
Thierry Perret
(1) A noter aussi l’effort de réflexion, mené à l’initiative de l’AIF, sous la forme de "regards croisés sur les espaces germanophones et francophones" développé avec des partenaires variés (Autrichiens, Allemands, Belges, Luxembourgeois, Suisses), pour envisager l’avenir de la construction européenne à l’aune de ces grands ensembles linguistiques.
(2) Les pays européens membres de l’organisation internationale de la Francophonie : Albanie, Bulgarie, Lituanie, Macédoine, Moldavie, Pologne, Roumanie, Slovénie, République Tchèque.
L’élargissement en bref
(MFI) De 1987 à 1996, 13 pays ont déposé une demande d’entrée dans l’Union européenne : Chypre, Malte, 10 pays d’Europe centrale et orientale (Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) et la Turquie.
Chypre, la Hongrie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et les 3 États baltes adhéreront en 2004, tandis que l’Union européenne se donne pour objectif d’accueillir la Bulgarie et la Roumanie en 2007.
En ce qui concerne la Turquie, si en décembre 2004 le Conseil européen décide que ce pays satisfait aux critères politiques de Copenhague, l’Union européenne ouvrira, sans délai, des négociations avec lui.
Les principales étapes de l’élargissement
1993 : le Conseil européen de Copenhague définit les critères politiques et économiques d’adhésion.
1999 : le Conseil d’Helsinki décide d’ouvrir les négociations avec 6 autres candidats et confère à la Turquie le statut de candidat.
Octobre 2002 : le Conseil de Bruxelles ouvre la voie à l’entrée dans l’Union européenne, en 2004, de 10 pays candidats.
16 avril 2003 : signature du traité d’adhésion des dix nouveaux pays membres à Athènes, sous la présidence grecque.
1er mai 2004 : entrée officielle de 10 nouveaux pays dans l’Union européenne.
Juin 2004 : élections du Parlement européen dans les 25 pays de l’Union.
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