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23/07/2004
Le 60ème anniversaire du débarquement des Alliés en Provence :
Anciens combattants d’Afrique : hommage symbolique, pensions dérisoires


(MFI) Pour commémorer le 60ème anniversaire du débarquement des Alliés en Provence, le président français Jacques Chirac a invité, les 14 et 15 août prochains, vingt chefs d’Etat et plusieurs dizaines de vétérans africains. Un geste qui n’efface pas l’injustice vécue par les anciens combattants d’Afrique et du Maghreb, dont les pensions, malgré une récente revalorisation, restent bien inférieures à celles de leurs frères d’armes français.

« En 1944, des jeunes de 18, 20, 25 ans se sont jetés sur les plages de Provence pour que la France regagne la liberté et la démocratie », déclarait début juillet à Toulon (sud de la France) le ministre délégué aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachera. Et d’évoquer notamment les Sénégalais, Africains d’Afrique occidentale et équatoriale, Tunisiens, Mauritaniens, Marocains ou Algériens qui « sacrifièrent leur vie » sous le drapeau français. A l’époque, ils étaient plus de 170 000 dans cette armée d’Afrique, soit 40% de l’effectif total. Entre 1942 et 1945, 40 000 furent tués, 72 000 blessés.
En signe d’hommage, le ministre a souhaité que les 14 et 15 août prochains, les Provençaux « tendent la main » et « disent merci » aux vétérans du débarquement de Provence. Lancé le 15 août 1944, dix semaines après celui de Normandie, il a associé des centaines de milliers de soldats français, qu’ils fussent de métropole ou de l’Empire, américains et britanniques.
Paris dit souhaiter « marquer avec éclat » ce 60ème anniversaire. Aussi le président Jacques Chirac a-t-il invité les chefs d’Etat de 22 pays, dont vingt d’Afrique : Algérie, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Etats-Unis, Gabon, Guinée, Comores, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Afrique du Sud, Royaume-Uni, Sénégal, Tchad, Togo et Tunisie.


Deux cents vétérans invités sur le Charles de Gaulle

« Nous faisons venir à nos frais plusieurs dizaines d’anciens combattants d’Afrique et du Maghreb », a indiqué le préfet Jean Dussourd, secrétaire général de la mission 60ème anniversaire. Quelque 200 vétérans seront notamment invités à une grande cérémonie en mer, le 15 août, sur le porte-avions Charles de Gaulle ancré en rade de Toulon et 300 autres sur le bâtiment Jules Verne de la Marine nationale.
Ces témoignages de reconnaissance, dont s’honoreront sans doute les anciens combattants africains, ne sauraient occulter l’injustice qu’il ressentent d’être traités, depuis des décennies, comme des soldats de seconde catégorie. Le 26 décembre 1959, à l’aube des indépendances, la loi dite de « cristallisation » gèle les pensions des militaires des anciennes colonies françaises. Depuis, l’écart n’a cessé de se creuser entre eux et leurs frères d’armes français. Aujourd’hui, alors que la retraite annuelle du combattant s’élève en France à 417 euros, elle est divisée par deux pour un ancien combattant de Djibouti, par quatre pour un Sénégalais et par douze pour un Marocain. « Une discrimination indigne d’un pays qui se veut la patrie des Droits de l’homme », déplore le colonel Pierre Bovy, vice-président délégué de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants.
Cette association compte parmi celles qui, de longue date, luttent aux côtés des intéressés pour qu’ils recouvrent leurs droits, apportant aussi des aides immédiates aux plus démunis. Les autorités françaises ont longtemps fait la sourde oreille. Jusqu’à ce qu’en novembre 2000, le Conseil d’Etat rende le fameux arrêt Diop, du nom d’un ancien sergent-chef sénégalais qui avait déposé plainte. La plus haute juridiction administrative française qualifie alors l’inégalité de traitement entre anciens soldats français et étrangers de « discrimination fondée sur la nationalité ».


Une augmentation minime

Cette décision marque un tournant. La France va-t-elle enfin réparer ? Il faudra attendre le printemps 2004. Paris consent à débloquer, en période de restrictions budgétaires, 150 millions d’euros pour revaloriser les pensions et les retraites des Tirailleurs, Tabors, Spahis et autres Goumiers de… 20 % seulement. Certes, il s’agit là d’un minimum, corrigé à la hausse par la parité entre le pouvoir d’achat français et celui du pays concerné, certains ayants droit se voyant augmenter de plus de 150 %. Certes, cette mesure est accompagnée d’un rattrapage du manque à gagner des quatre années précédentes.
Mais la hausse reste dérisoire, quand on l’applique à des sommes jusqu’à 10 ou 12 fois inférieures aux pensions françaises. Au Sénégal, cela fait 15 euros de plus par mois.

Les anciens combattants, les associations ont décidé de ne pas en rester là. Des plaintes sont en cours d’examen, de nouvelles actions sont envisagées. Les prochaines commémorations en Provence seront l’occasion d’attirer l’attention sur le sort de ces quelque 50 000 soldats encore en vie. Mais l’espoir est mince. « Il est probable que ce jour là, les autorités se contenteront de distribuer des médailles », ironise le colonel Bovy.

Philippe Quillerier


« Les anciens combattants africains doivent être traités comme nous »

(MFI) Le colonel Pierre Bovy, vice-président délégué de l’Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, dénonce l’injustice faite aux anciens combattants d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, et se bat pour que leurs retraites et pensions soient revalorisées.

MFI : Où en sont vos actions en faveur des anciens combattants africains ?

Colonel Pierre Bovy : Ayant vécu 20 ans en Afrique, j’ai été confronté directement à ce problème à leurs côtés. J’y suis très sensible. Cela fait longtemps que nous, les anciens combattants français, nous protestons auprès des autorités, qu’elles soient de gauche ou de droite, contre cette injustice, afin qu’elle soit réparée. Nous estimons qu’un Africain doit avoir la même retraite du combattant et la même pension d’invalidité qu’un ancien combattant français. C’est par centaines de milliers que la France a employés ces combattants africains, c’est par dizaines de milliers qu’ils sont morts dans les différents conflits auxquels nous avons eu à faire face au cours du siècle précédent. Il doit en rester environ cinquante mille, ce qui est peu par rapport au total de quatre millions d’ayants droit et d’ayants cause (veuves, orphelins, et ascendants) qui sont inscrits à l’Office national des anciens combattants (Onac). En plus de cela, ils ont malheureusement contre eux une espérance de vie nettement inférieure à la nôtre. Ce qui fait que dans dix ans, ils auront tous disparu. Si on traîne les pieds ainsi, c’est peut-être ce qu’on veut…

MFI : Vous pensez qu’il y a du cynisme de la part de la France ?

P. B. : Nous avons été les premiers à oser le dire. Cela apparaît dans toutes nos motions. Celles-ci sont reprises à l’Assemblée nationale et au Sénat, ce qui nous satisfait et prouve que notre travail est considéré. Mais cela ne suffit pas, bien sûr. Ce sur quoi nous insistons, c’est précisément cette espérance de vie, qui est nettement moindre qu’en France, et qui fait qu’hélas, le problème sera résolu dans quelques années. Le combat cessera faute d’anciens combattants…

MFI : Il y a eu quelques progrès, tout de même…

P. B. : Il faut se féliciter, c’est vrai, de quelques avancées. Car au début, on était allé très loin dans la lâcheté vis à vis d’eux. En effet, normalement, en France, les textes font que vous touchez la retraite du combattant à partir de 65 ans, du moment que vous avez la carte du combattant. Or ces anciens combattants, qu’ils soient d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb, n’avaient pas droit à la retraite à 65 ans, même « cristallisée », c’est-à-dire gelée au niveau de 1959. Rien ! Il y a deux ou trois ans, on a levé ce qu’on appelait cette forclusion, et maintenant ils touchent leur retraite, même si elle est « cristallisée ». Ensuite, l’année dernière, le nouveau gouvernement a fait pas mal de promesses. Mais rien n’est venu. Et puis finalement, cette année, il y a eu une avancée importante, avec un rappel de quatre années pour les retards et des augmentations. On va rajuster leur retraite à tous points de vue, aussi bien la partie ancien combattant que la partie simple retraite de militaire de l’armée française. Car certains, même en n’ayant jamais été ancien combattant, ont été militaires dans l’armée française. Alors on a décidé de réajuster toutes les retraites, y compris celle du combattant et les pensions d’invalidité, en comparant les coûts de la vie et les pouvoirs d’achat chez eux et chez nous, grâce à un calcul assez complexe.
On est même allé plus loin dans le réajustement, car dans certains pays, le calcul leur aurait défavorable. On a donc décidé que, quel que soit le résultat, l’augmentation ne pouvait être inférieure à 20 %.

MFI : C’est tout de même bien mince, par rapport à vos revendications…

P. B. : Bien sûr. Le problème, c’est que lorsqu’on augmente de 20 % une somme très faible, ça ne donne pas grand chose…Par exemple, prenons les Tunisiens, qui sont parmi les plus désavantagés. Ils avaient la retraite du combattant, qui valait 10 % de la retraite du combattant français. Si on l’avait augmentée de 20 %, eh bien cela aurait fait 12 % seulement de la retraite française… Du coup, pour les Tunisiens on est allé jusqu’à 172 % ; un taux bien plus élevé, mais qui encore une fois ne donne pas grand chose au bout du compte.
En tout cas, tous les pays d’Afrique concernés seront augmentés, de Madagascar au Maghreb, d’au moins 20 %. Vous voyez que des mesures ont quand même été prises : cette augmentation et le rappel sur quatre ans. Il ont aussi la possibilité de faire réviser leur pension d’invalidité. Ils peuvent également faire transformer ces pensions en un pécule. Ces mesures ont commencé à être appliquées, au mois de mars dernier, en commençant par la Tunisie. Toutes les demandes sont prises en compte par nous, à l’Union fédérale, sans naturellement qu’aucune démarche de leur part soit nécessaire ; les instructions ont été données aux consulats et aux ambassades de France. Mais il reste encore beaucoup à faire !

Propos recueillis par Philippe Quillerier


Armée d’Afrique, les combattants de la liberté

(MFI) L’armée d’Afrique, composée de troupes levées par la France dans l’ensemble de son empire colonial, et plus particulièrement en Afrique du Nord, comptait à l’heure du débarquement en Provence, en août 1944, 173 000 Tunisiens, Marocains, Algériens, Africains d’Afrique occidentale et équatoriale. A leurs côtés se trouvaient 168 000 Français d’Afrique du Nord, 35 000 Corses et 20 000 évadés de France.
Les soldats « indigènes », qui évoquent aujourd’hui la bataille de Monte Cassino (Italie, janvier à juin 1944) ou le débarquement de Provence dont on va célébrer le 60è anniversaire (août 1944) ont formé un contingent important de l’armée d’Afrique, participant valeureusement à la libération de la France : 112 000 soldats sur les 214 000 de la première armée de Lattre (dont l’armée d’Afrique), 7 000 parmi les 18 000 soldats de la 2e DB du général Leclerc.
Dans la nuit du 14 au 15 août 1944, les commandos d’Afrique figuraient parmi les premiers éléments qui abordèrent la côte provençale, précédant de quelques heures la 1e Division française libre (DFL) du général Diego Brosset.
De nombreux Africains du nord trouvèrent la mort en Italie, en combattant sous les ordres du général Alphonse Juin, au cours de la bataille du Monte Cassino.
Les pertes africaines, entre 1942 et 1945, s’élèvent à 40 000 tués et 72 000 blessés, soit 18 % des effectifs.
Créés en 1857, les régiments de tirailleurs sénégalais, qui en réalité venaient de toute l’Afrique occidentale française, étaient constitués de « volontaires », recrutés souvent par des chefs de village. Au fur et à mesure de son expansion coloniale, la France avait formé de nombreuses unités composées d’autochtones, encadrés par des officiers français : tabors, goumiers, spahis algériens, tunisiens et marocains, tirailleurs sénégalais, annamites ou des unités cambodgiennes, malgaches. Ils furent quelque 180 000 à combattre en 1917 et 64 000 engagés dans les combats de 1939.
Huit régiments sénégalais ont pris part à la campagne de France en 1940, opposant dans les Ardennes une résistance farouche aux Allemands. Cette mission se solda par 16 000 tués. Les historiens estiment qu’un millier de Sénégalais ont été massacrés par les Allemands en mai-juin 1940.
Tirailleurs sénégalais, Marocains et Algériens participeront également à la guerre d’Indochine 1946-1954).
Si l’on totalise les deux guerres mondiales, 300 000 Maghrébins et Africains sont morts ou ont été portés disparus.




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