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06/08/2004
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France-Afrique : la politique de sécurité en question
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(MFI) Quelle politique étrangère la France a-t-elle mené en Afrique en matière de sécurité, depuis les années soixante ? Comment celle-ci a-t-elle évolué ? Quelles orientations se profilent pour demain ? Faisant suite à un colloque organisé en 2003 à l’Assemblée nationale, un ouvrage collectif, intitulé La politique de sécurité de la France en Afrique, regroupe plus d’une trentaine de contributions de militaires, diplomates, universitaires et journalistes autour de ces questions.
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La décolonisation, survenue dans les années soixante, n’a pas marqué la fin de la présence militaire française sur le continent africain. Au contraire, comme le fait observer Pierre Pascallon, universitaire, c’est le temps de l’« "activisme militaire" du "gendarme français" ». Cette période d’engagement direct de la France, jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix, va ensuite laisser place à une phase de « désengagement », dû à une moindre importance stratégique de l’Afrique suite à la fin de la Guerre froide et à la chute du mur de Berlin, mais aussi au traumatisme engendré par l’intervention au Rwanda.
Dans le prolongement de la doctrine dite « ni ingérence, ni indifférence », mise à l’honneur sous le gouvernement du Premier ministre Lionel Jospin, un nouveau concept de coopération militaire a été initié en 1998 lors du Sommet Afrique-France du Louvre. Ayant pour objectif clairement affiché « d’aider les Etats africains à mettre en place eux-mêmes des organisations régionales et sous-régionales de sécurité et de maintien de la paix, avec l’appui de la France », le Renforcement des capacités de maintien de la paix (Recamp) repose sur quatre principes fondamentaux. Ainsi, le multilatéralisme de la participation (justifié par la nécessité de coordonner les programmes des puissances impliquées en Afrique), l’ouverture à tous les Etats africains (francophones, anglophones, lusophones…), la transparence des contributions (absence de clause secrète) et la non-permanence des forces constituent l’essence même du Recamp. En conséquence, la France a progressivement allégé sa présence en Afrique. Dans sa contribution sur « La nouvelle coopération France-Afrique en matière de sécurité », Doudou Salla Diop, ambassadeur du Sénégal en France, fait remarquer qu’on peut tirer « un bilan plutôt négatif de cette politique dans ce qui a été qualifié de "pré carré" africain depuis la fin de la Guerre froide. Les crises, coups d’Etat et guerres n’ont jamais été aussi nombreux dans le continent ».
Après le « ni… ni », « accompagner sans dicter »
La fin de la cohabitation en 2002 a marqué une nouvelle étape dans la politique étrangère française en matière de sécurité. Le maître-mot semble dorénavant être « accompagner sans dicter ». En juin 2003, Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, déclarait : « L’Afrique a besoin de nous comme nous avons besoin d’elle, y compris pour notre propre sécurité. » On a ainsi pu parler de « réengagement », notamment avec la mise en place des opérations Licorne (en Côte d’Ivoire – septembre 2002) ou encore Artémis (en République démocratique du Congo – juin 2003). Trois principes majeurs encadrent désormais la politique de sécurité de la France en Afrique : appuyer les pouvoirs légitimes, respecter la souveraineté nationale et l’intégrité des frontières et, enfin, appuyer les médiations africaines.
Au-delà de ces nouvelles orientations, quelles modifications peuvent être envisagées ? A court et moyen termes, les spécialistes insistent sur la nécessité de repenser la coopération militaire en soutenant les mécanismes de prévention des conflits, notamment la promotion de « la bonne gouvernance, arme préventive contre les conflits », comme le prône Ibrahima Signate (journaliste, politologue). Il s’agirait aussi d’appuyer davantage les initiatives lancées dans le cadre de l’Union africaine (UA) ou du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) en matière de paix et de sécurité. A long terme, des projets plus sociaux pourraient être envisagés, comme le propose le général Jean-Paul Monfort. Ainsi, pourquoi ne pas tenter de démobiliser les combattants par l’insertion professionnelle ? A l’image du Service militaire adapté (SMA), créé il y a près de quarante ans en France, il préconise de soutenir des projets permettant aux combattants locaux d’acquérir une expérience professionnelle sous l’uniforme, assurant ainsi leur réinsertion sociale et professionnelle.
On note également les contributions du journaliste Philippe Leymarie sur « L’évolution de la politique militaire française suite au traumatisme de l’après-Rwanda », de sa consœur Marie Lesure sur l’Ecole du Désert née en 1997 à Djibouti, de Jean-Pierre Petit, de l’Institut prospective et sécurité de l’Europe, sur « La problématique des conflits en Afrique », ou encore du professeur Charles Zorgbibe qui plaide « Pour une charte africaine de la diplomatie et du maintien de la paix ».
La politique de sécurité de la France en Afrique, sous la direction de Pierre Pascallon, éd. L’Harmattan, mars 2004, 474 pages, 38 euros.
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Florence Leroux
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