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03/09/2004
Kenya : la girafe de Baringo

(MFI) Septembre 1924-septembre 2004 : Daniel arap Moi a aujourd’hui quatre-vingt ans. Retour sur le parcours d’un homme qui a régné sans partage pendant vingt-quatre ans sur son pays, le Kenya.

Contre toute attente, en décembre 2002, l’opposition kényane rassemblée au sein de la National Rainbow Coalition a mis fin, dans le calme et par la voie des urnes, à vingt-quatre ans de régime Moi, sous les effets conjugués de la libéralisation de l’économie, de la société civile et de l’effondrement de l’Etat-KANU – du nom de la Kenya African National Union, au pouvoir depuis l’indépendance. L’universitaire kényan Musambayi Katumanga a brossé, dans Politique africaine, un portrait retraçant le parcours de l’homme qui, après avoir régné sans partage, tente, en ce 30 décembre 2002, « de se frayer un chemin au milieu de la foule hostile qui assiste à la cérémonie de passation des pouvoirs au nouveau chef de l’Etat, Mwai Kibaki ». Pour comprendre la longévité de Daniel arap Moi, l’universitaire retrace les étapes de la construction de son pouvoir hégémonique : culte de la personnalité, encadrement de la société, destruction des pôles économiques kikuyu puis criminalisation de l’État.
Né le 2 septembre 1924 dans le district de Baringo, devenu enseignant, Daniel arap Moi entre en politique en 1955. Après les premières élections du Kenya indépendant, en 1963, il dissout son parti, la Kenya African Democratic Union, pour rejoindre la KANU. Le leader de celle-ci et président du pays, Jomo Kenyatta, le nomme en récompense ministre puis, en 1967, vice-président. Approuvée par les Britanniques pour le soutien qu’il peut porter à leurs intérêts agricoles dans la Rift Valley, sa nomination est mal acceptée des Kikuyu, principaux alliés de Kenyatta dans le Kiambu, sa région natale, et qui ont collaboré avec les Anglais durant la rébellion mau-mau, rappelle Musambayi Katumanga. D’origine Nandi, Moi est méprisé par les cercles proches du chef de l’Etat. Patient, il arpente le pays, présidant les Harambee, ces cérémonies où la population contribue financièrement aux projets communautaires. Sa modestie et sa simplicité le rendent très populaire. L’opposant Jaramogi Odinga le compare à une girafe : lente, mais qui voit loin.


Populiste à l’intérieur, il soigne son image à l’extérieur

En 1978, Daniel arap Moi succède à Kenyatta, qui meurt dans son lit. Il s’emploie à rassurer les Kikuyu, promettant de suivre les pas de Kenyatta. Il nomme Mwai Kibaki vice-président. Et prétend pardonner les offenses. En fait, il s’assure le contrôle de l’Etat et de la société civile. Il s’attaque à la Gema, la puissante association de Kiambu, accusée d’avoir récolté les fonds des paysans sans leur donner les terres dues en échange. Il restitue celles-ci lui-même aux wanantchi (citoyens). Unique protecteur de l’intérêt national, il s’attèle en particulier à la scolarisation. Populiste, « le grand Daniel dont la foi dépasse les montagnes » est un pragmatique, estime M. Katumanga. Président de l’action, il incarne « l’amour, la paix et l’unité », maîtres-mots du nyaoïsme, la doctrine officielle… Parallèlement, il élimine tout rival potentiel. « Seul et vrai professeur en politique », il profite de la Guerre froide. Il obtient des Etats-Unis une aide financière cruciale pour consolider son pouvoir et ses polices secrètes. Il passe à l’extérieur pour un Prince de la paix, présidant même un sommet de l’Organisation de l’Unité africaine à Nairobi au début des années quatre-vingt.
En 1982, il modifie la constitution, rendant illégale toute opposition, poursuit Katumanga. Il cherche à se débarrasser de Mwai Kibaki mais la répression ne touche pas la seule élite. Pendant plus de dix ans, près de 2 000 personnes sont arrêtées – dont 500 meurent ou sont portées disparues. Tandis que les classes dirigeantes se livrent à une prédation effrénée des biens publics, la liberté d’entreprise est étouffée. Suivent une série d’élections truquées (1988, 1992 et 1997), où le pouvoir s’oppose aux leaders religieux et aux juristes. La mobilisation contribue à rétablir le multipartisme, en 1991. Et son régime finit par perdre la confiance des Occidentaux. L’irrépressible envie de changement fera le reste en décembre 2002.

Antoinette Delafin


Pour en savoir plus :

Le Kenya après Moi. Politique africaine n°90. Paris, éditions Karthala, juin 2003. 19 euros.



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