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18/03/2005
Alpha Oumar Konaré : portrait d’un Africain de cœur

(MFI) Le président de la Commission de l’Union africaine s’est livré dans un long entretien, publié l’an dernier, où il revient sur ses années de présidence à la tête du Mali, mais aussi sur ses engagements et ses convictions de panafricaniste et de démocrate. Une occasion de mieux cerner cette personnalité complexe, nourrie d’une déjà longue expérience, qui porte aujourd’hui le flambeau de la diplomatie continentale.

On l’avait connu actif dans la crise du Darfour ou dans la crise ivoirienne où il a encouragé la médiation sud africaine ; on l’a vu présider la grande conférence de novembre 2004 réunissant les intellectuels d’Afrique ; on l’a entendu demander avec force une « stratégie d’influence de l’Afrique » pour l’obtention de sièges au conseil de sécurité des Nations-Unies ; et on l’a suivi sur le Togo, à propos duquel Alpha Oumar Konaré a retrouvé le ton de ces grandes envolées qui caractérisent certaines de ses interventions sur la scène internationale : L’Afrique « doit définitivement dire non aux conflits et aux guerres, non aux coups d’Etat pour lesquels (...) nous devons prôner la tolérance zéro. Pour ce faire, nous devons veiller à ce que partout la légalité se pare de légitimité (…). Si ce n’était le cas, nous ouvririons la voie à une épidémie de coups d’Etat, de révolutions de palais, de manipulations constitutionnelles (...). » Il s’en prenait au passage aux aventuriers d’Afrique (« ces nouveaux mercenaires en col blanc ») qui conseillent les chefs d’Etat, citant nommément le fameux Charles Debbasch, accusé d’être à l’origine du tour de passe-passe institutionnel au Togo. Tout ceci réjouit les uns, agace les autres, mais confirme que le président de la Commission de l’Union africaine entend être sur tous les fronts, porté par les crises et les conflits actuels, sans perdre de sa verve et en affichant ses convictions de démocrate.
Nommé en juillet 2003 à une fonction inédite dans le concert panafricain, dont il restait à définir le contenu… en le remplissant, Alpha Oumar Konaré aura au moins réussi en peu de temps à donner un visage et un verbe à cette présidence de Commission dont on sait par ailleurs les moyens d’action pour l’instant réduits. Il est vrai que son parcours à la tête du Mali autant que son besoin d’action ne pouvaient que l’inciter à créer le mouvement, fût-ce autour de sa personne. Pour mieux en comprendre les ressorts, il peut être recommandé de se plonger dans le livre d’entretiens publié voici déjà quelques mois par Alpha Oumar Konaré (1), où apparaissent de nombreux aspects de la personnalité de l’ancien enseignant, devenu homme politique après être passé par le journalisme et l’action syndicale.
Dans ses réponses aux questions du journaliste français Bernard Cattanéo, il affiche un certain nombre de convictions et de principes qui ne surprendront guère : il se montre ainsi un adepte du panafricanisme (« l’Afrique est notre pays, l’Afrique est notre patrie, l’Afrique est notre devenir à tous… »), persuadé que l’avenir de l’Afrique passe par l’intégration, au moins au plan régional, dans un mouvement qui doit converger avec cette autre évolution qui figure parmi ses thèmes d’élection : la décentralisation, au niveau national. Une décentralisation administrative qu’il a voulue au Mali, insiste-t-il, édifiée sur le dialogue et une approche concertée avec les populations, ce qui expliquerait par ailleurs la grande lenteur observée dans la mise en place effective d’une réforme surtout manifestée aujourd’hui encore par la création des 703 communes maliennes.


Les écueils de la démocratie

Entre l’intégration et la décentralisation se place la démocratie. On ne peut nier à Alpha Oumar Konaré la sincérité de son engagement en faveur de la démocratie, qu’il a contribué avec d’autres à instaurer au Mali, ce qui lui permet de dire et redire sa conviction que les peuples d’Afrique sont mûrs pour celle-ci, et qu’elle passe notamment par la libération totale de l’expression, et donc des médias : « la liberté de la presse conditionne toutes les libertés, ici et ailleurs. La liberté de la presse crée les conditions d’une plus grande transparence, d’un plus grand contrôle des pouvoirs politiques et administratifs… (et) d’une plus grande participation de la population. » Conscient des accusations visant les médias maliens aujourd’hui, dont la contribution démocratique peut sembler bien mince, il conserve le même optimisme que jadis, assurant que les choses iront s’améliorant quand les journalistes seront dotés d’un vrai statut, professionnel et matériel. Mais ne s’attarde pas sur la faiblesse de la régulation médiatique, héritage resté intact des années 90.
Ensuite il y a… la politique. Alpha Oumar Konaré sait que son bilan présidentiel est fort controversé au Mali. Alors il revient sur ses projets, ses espoirs, et ses déceptions. Du moins, reconnaîtra-t-on à l’énoncé des réformes engagées que de nombreuses, très nombreuses voies ont été ouvertes ; mais peut-être ont-elles été, pour certaines, seulement ouvertes… L’ancien président malien tient en particulier à s’expliquer sur son échec (relatif, tempère-t-il toutefois : « je n’ai pas fait ce que j’avais souhaité. J’aurais certainement pu mieux faire. Cependant les résultats… plaident en notre faveur. ») face à la réforme de l’éducation, « une priorité » de toute son action. Si les dossiers ont été montés, les perspectives consignées (dans un programme décennal d’éducation nationale), quelques préalables engagés – et si l’on met à part l’effort fourni en matière de recrutement de maîtres et de construction de lycées –, le changement n’est guère devenu palpable. La raison essentielle, selon lui : il n’y a pas eu de consensus. Pire, l’école est devenu le champ clos des rivalités politiques, qui avaient trouvé ce relais pour s’épanouir : « il existait une volonté délibérée de certains hommes politiques de nous conduire vers l’instabilité scolaire avec la recherche à tout prix d’affrontements. »
Ce plaidoyer n’est pas toujours inexact. Il aurait demandé pour le moins à être décortiqué, élargi à d’autres domaines (telles les grandes carences du système de santé, ou les faibles performances économiques du Mali, ou encore l’importance de la corruption…), et l’on regrettera sous cet aspect le peu de mordant des questions, formulées par un interlocuteur insuffisamment informé des événements politiques et des rapports de force de la période. Mais le propos du livre n’était sans doute pas là. Il visait à donner un reflet de la personnalité d’un homme plus complexe qu’il n’y paraît, en privilégiant, ce qui constitue le meilleur de l’ouvrage, une approche intime et spirituelle. Le lecteur y découvrira alors un Alpha Oumar Konaré profondément croyant, attaché à des valeurs humanistes, croyant en la perfectibilité de l’homme et aux capacités de l’Africain à œuvrer pour son développement, s’il parvient à saisir toutes les clés de ce monde en mouvement.

(1) Alpha Oumar Konaré, Un Africain du Mali, éditions Cauris, 10 Rue Bleue 75009 Paris, cauriseditions@aol.com

Thierry Perret


Alpha Oumar Konaré : bio-portrait

Président du Mali de 1992 à 2002, avant d’être élu président de la Commission de l’Union africaine en juillet 2003, Alpha Oumar Konaré, né en 1946, est à la fois représentatif d’une nouvelle génération de leaders africains parvenus au pouvoir avec la vague de démocratisation des années 1990-2000, tout en demeurant un cas d’espèce, notamment dans la sphère francophone : cet intellectuel chaleureux et volontiers lyrique, apprécié sur la scène internationale pour la conviction et l’enthousiasme qui marquent ses interventions, s’est surtout illustré comme un chef d’Etat respectueux des institutions, dont les deux mandats présidentiels, s’il ont fait l’objet de contestations, ont permis d’ancrer le pluralisme dans son pays.
Fils d’enseignant, né à Kayes (région occidentale du Mali) dans les années d’effervescence politique qui précèdent l’indépendance, Alpha Oumar Konaré choisit lui aussi la carrière de l’enseignement, tout en s’initiant très tôt au militantisme syndical. Après des études d’histoire à l’Ecole normale supérieure de Bamako, et s’étant marié à une condisciple qui deviendra elle aussi une historienne réputée, il part en 1971 pour la Pologne où il reçoit une formation d’archéologue. Rentré dans son pays en 1976, il travaille dans l’administration tout en militant comme de nombreux cadres maliens dans un parti clandestin d’obédience marxiste (Parti malien du Travail). Au pouvoir depuis 1968, le général Moussa Traoré manifeste une volonté d’ouverture politique et l’appelle au gouvernement en 1978, comme ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture. En désaccord avec l’évolution du régime, il demande toutefois à partir en 1980. Il retourne à l’enseignement et à la recherche, est membre de plusieurs organisations d’historiens africains, effectue des missions de consultant et acquiert en peu d’années une notoriété internationale, notamment dans le domaine de la muséographie (il deviendra en 1986 président du Conseil international des musées). Outre le syndicalisme, où il est actif, il se consacre au Mali à l’animation de la coopérative Jamana, créée en 1980, qui publie une revue culturelle puis diversifie ses activités dans l’édition et l’éducation, notamment en direction des jeunes. En 1989, la coopérative lance le journal Les Echos qui devient l’un des relais principaux du mouvement démocratique qui émerge alors. Après le renversement de Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré quitte officiellement la direction de Jamana et prend la tête du parti de l’Adéma/PASJ (Parti Africain pour la Solidarité et la Justice). Il en est le premier président et le délégué à la conférence nationale de 1991. En avril 1992 prend fin la transition démocratique et il est élu président de la République, avec 69,01 % des suffrages au second tour des premières élections démocratiques, contre Tiéoulé Mamadou Konaté. Il sera réélu pour un second mandat en 1997, à l’occasion d’un scrutin boycotté par l’opposition et marqué par de nombreuses irrégularités. A la fin de ce second mandat, et respectant les dispositions de la constitution, il se retire et ouvre la voie à l’élection en mai 2002 de son successeur, Amadou Toumani Touré, ancien chef de l’Etat de la transition. Le 10 juillet 2003, il est élu à la présidence de la commission de l’Union africaine (organisation panafricaine), lors du sommet de Maputo.

T. P.




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