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19/08/2005
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Sommet extraordinaire de New York
Réforme de l’Onu : des souhaits incompatibles ?
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(MFI) Conseil de sécurité, Commission de consolidation de la paix, Conseil des droits de l’homme… La réforme de l’Organisation des Nations unies, voulue par son secrétaire général, le Ghanéen Kofi Annan, et souhaitée depuis longtemps par de nombreux pays membres, peine à se mettre en place à l’approche du sommet extraordinaire, en septembre à New York, qui devait en constituer la rampe de lancement.
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Kofi Annan n’a eu d’autre choix que d’exhorter, au début du mois d’août, les 191 membres de l’organisation à tout faire pour adopter une réforme du Conseil de sécurité « qui n’a que trop tardé ». Le secrétaire général a rappelé en effet que, sans cela, la remise à jour du système des Nations unies serait incomplète. Il a appelé à un accord sur la question sinon en septembre, du moins d’ici à la fin de l’année 2005. Le sommet de New York doit réunir plus de 150 chefs d’Etat et de gouvernement du 14 au 16 septembre au siège de l’Onu. Mais pour le moment, aucun accord n’est en vue quant à l’élargissement du Conseil de sécurité, ni parmi les cinq membres permanents – Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie – ni parmi les candidats potentiels.
De même, des divergences subsistent à propos de la définition du terrorisme, de la création d’une Commission de consolidation de la paix et d’un Conseil des droits de l’homme et sur l’éventuelle plus grande flexibilité de gestion à accorder au secrétariat général. Toutes ces réformes, proposées par Kofi Annan, figurent dans le projet préparé par le président actuel de l’Assemblée générale, le ministre gabonais des Affaires étrangères Jean Ping, connu pour ses talents de négociateur.
Ce projet coïncide avec le 60e anniversaire des Nations unies qui ont succédé, en 1945, à la Société des Nations (SDN). Le Conseil de sécurité avait alors été créé comme un organe essentiel ayant pour tâche d’assurer la paix et la sécurité internationales, souligne l’universitaire français Paul Tavernier. Il rappelle que la « démocratisation » du Conseil a été demandée à plusieurs reprises. Le seul élargissement de sa composition est intervenu en 1965, portant de 11 à 15 le nombre des membres, sans conséquence pour les Cinq qui ont conservé leur double privilège : permanence et droit de veto.
Trois propositions divergentes sur la table
Les choses ont toutefois bougé après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak, qui ont donné une dimension nouvelle aux problèmes de sécurité. Le rapport d’un groupe de personnalités internationales mandatées par Kofi Annan, publié en décembre 2004, a notamment suggéré d’élargir le Conseil de sécurité à 24 membres sans nouveau droit de veto. Ce document a servi de base au propre rapport du secrétaire général de mars 2005, intitulé Dans une liberté plus grande.
Depuis, trois propositions sont sur la table, sans faire l’unanimité. La première dite du G4 – Allemagne, Brésil, Inde et Japon – prévoit un Conseil élargi de 15 à 25 membres dont 6 nouveaux sièges permanents, 4 pour eux et 2 pour l’Afrique, sans forcément réclamer le droit de veto. Ce projet s’est heurté à l’hostilité des Africains qui, tout en restant divisés sur le choix de leurs candidats, demandent 11 sièges supplémentaires, dont 2 permanents et 5 non permanents pour le continent. L’Union africaine recommande que les nouveaux membres permanents bénéficient de tous les privilèges, y compris le droit de veto. Enfin, un groupe d’Etats mené par l’Italie, Unis pour le consensus, a proposé un élargissement du Conseil à 25, mais sans nouveau détenteur du droit de veto.
Au-delà de ces divergences, les divisions politiques empêchent tout consensus. Ainsi, la Chine reste hostile à l’entrée du Japon, son ancien adversaire militaire. Les Etats-Unis, désormais seule superpuissance, s’opposent à un élargissement tout en reconnaissant le droit du Japon de prétendre à un siège permanent. Ils ne verraient pas d’un bon œil, selon certains, l’entrée de l’Allemagne qui n’a pas soutenu leur intervention en Irak. Le Pakistan rejette l’Inde, sa rivale dans la région, et des pays latino-américains comme le Mexique, s’estimant lésés, ne soutiennent pas la candidature brésilienne.
Terrorisme, non-prolifération nucléaire…
Les « facilitateurs » qui travaillent avec Jean Ping ont indiqué, début août, que les négociations achoppent également sur la définition du terrorisme, même si « des progrès ont été accomplis ». Le projet définit comme terroriste « tout acte commis dans l’intention de causer la mort ou des blessures graves à des civils ou à des non-combattants, lorsque l’objectif de cet acte, par sa nature ou son contexte, est d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire ». Il reste vague sur la nature ou le contexte de tels actes, ce qui ne permet pas de définir les termes d’une convention globale sur le terrorisme, actuellement en discussion.
Les domaines du désarmement et de la non-prolifération nucléaire font toujours l’objet de désaccords tout comme la composition de la Commission de consolidation de la paix proposée par le secrétaire général. Quant au Conseil des droits de l’homme, sa composition et le nombre de ses membres restent toujours à définir tout comme le mode de scrutin, majorité qualifiée des 2/3 ou majorité simple. Enfin, un certain nombre de pays du G77 (pays en développement) et la Russie, notamment, estiment que l’Assemblée générale a la responsabilité de la surveillance de l’organisation et renâclent à renoncer à cette prérogative au profit du secrétariat général.
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Marie Joannidis
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