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16/09/2005
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Parlement francophone des jeunes : simple gadget ou véritable institution ?
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(MFI) Les jeunes députés francophones ne veulent pas que leur parlement soit un banal exercice de citoyenneté. Ils défendent l’idée d’un organisme, véritable porte-voix de leurs aspirations pour le futur. Un pari qui est loin d’être gagné.
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L’écran de l’ordinateur portable éclaire le visage des rapporteurs de la commission « affaires parlementaires » du Parlement francophone des jeunes. Isaac Nzotungicimpaye est Burundais, Lama Fakih est Libanaise. La rédaction du texte final semble laborieuse… Le vocabulaire politique et ses nuances privent mystérieusement les recommandations formulées par leurs collègues de leur force initiale. Comment s’adresser aux membres de l’Association parlementaire de la Francophonie, et au-delà, aux chefs d’Etat, destinataires du livre blanc qu’on leur a demandé de rédiger, au titre de « la contribution de la jeunesse à la réalisation des principaux objectifs du cadre stratégique décennal » pour le sommet de la Francophonie à Bucarest (Roumanie) en 2006 ? Comment avoir une chance de se faire entendre ? De voir les idées se concrétiser ? Depuis l’adoption de la Charte du jeune citoyen francophone pour le XXIème par le sommet de Beyrouth, il y a trois ans, ils ont l’impression de « n’avoir pas été pris au sérieux » par leurs aînés.
Bien sûr, les participants au PFJ savent qu’ils sont là d’abord pour mettre en pratique des leçons de citoyenneté, pour s’initier au fonctionnement des institutions démocratiques, découvrir les différences culturelles, et dialoguer. C’est le pacte implicite de la centaine de Parlements de jeunes, de tous horizons, qui existent aujourd’hui dans le monde, et qui répondent surtout à un désir des gouvernants de promouvoir civisme et démocratie. Mais la plupart sont présents aussi parcequ’ils croient à leur mission de messagers de la jeunesse et à une certaine idée de la Francophonie. Ce qu’illustre Ardian Ramadani de Macédoine, lorsqu’il commente les tensions qui dominent en ce moment les relations entre Macédoniens d’origine et Macédoniens de langue albanaise : « ce sont les sections bilingues franco-macédoniennes qui permettent de maintenir le dialogue avec les Albanais » ; ou Ibrahim Abdou Saïd, étudiant comorien, qui défend le droit de ses compatriotes de poursuivre des études supérieures dans les universités francophones de leur choix, et éviter, ainsi, frustrations et chômage, « à l’origine du terrorisme islamiste ».
« J’ai découvert qu’il y avait beaucoup d’associations de jeunes, très dynamiques et actives, en Afrique » confesse Pierrick Lesines du Vanuatu, membre de la Commission nationale des jeunes, l’unique structure politique ouverte à la jeunesse de son île du Pacifique. « Je vais en parler chez moi. Cela doit changer ! » assure-t-il plein d’élan. De son côté, Gloria Mukundwa dit vouloir porter au plus haut niveau la réalité quotidienne, et revendiquer une place et un avenir différent pour ses camarades, membres de l’Association de la promotion de la jeune fille burundaise, qui lutte contre la discrimination de genre. Presque tous ont un « cahier de doléances », ou bien… des utopies.
Des Parrains-marraines très présents
Au gré des rencontres, on s’aperçoit que « la sélection rigoureuse, objective et transparente » prônée par les statuts du PFJ a du plomb dans l’aile : un jeune participant français, assistant parlementaire, a été désigné par son propre employeur, un député par ailleurs responsable de la section française de l’APF. A Bruxelles, en juillet dernier où se réunissait pour la 3e fois le PFJ, un jeune couple de députés déambule main dans la main dans les couloirs de l’hôtel de la Ligue où se déroulent les débats : les deux membres du bureau d’une même association. Ironie : l’un des rapports dénoncera « la corruption pilotée par les dirigeants des Etats de la Francophonie » ! Enfin, le manque de formation et d’information de certains participants, qui sollicitent les avis de leurs « parrains » ou « marraines » plus expérimentés, les soumet à toutes les influences : le projet de « livre blanc » auquel doivent aboutir ces consultations, fleure bon les directives des aînés. Quelques jeunes députés le regretteront ouvertement, réclamant par ailleurs à l’Association parlementaire de la Francophonie une plus grande autonomie de réunion et un meilleur suivi de leurs résolutions. L’obtiendront-ils ?
Marion Urban
Le PFJ, fiche technique
(MFI) Le Parlement francophone des jeunes est un organisme créé par les chefs d’Etat au sommet de la Francophonie à Moncton (Canada). Il s’est réuni pour la troisième fois du 4 au 9 juillet derniers à Bruxelles. Soixante-dix neuf députés de 18 à 25 ans se sont retrouvés afin de rédiger un livre blanc, présenté par l’Association parlementaire de la Francophonie comme « la contribution de la jeunesse à la réalisation des principaux objectifs du cadre stratégique décennal ». Divisés en quatre commissions, « politique », « de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles », « affaires politiques », « coopération et développement », jeunes gens et jeunes filles ont discuté longuement de démocratie, droits de l’homme, pauvreté, développement durable, lutte contre le VIH/Sida, éducation, aide humanitaire et… de l’action des parlements des jeunes.
L’Association des Parlementaires de la Francophonie veille jalousement sur ses protégés. Chaque section nationale définit les règles de présélection des députés du PFJ, et les désigne. Leur réunion, tous les deux ans, se déroule en même temps que leur propre session internationale. En vue de la sélection, les aspirants députés rédigent un texte sur les thèmes de la future rencontre. La scolarité ou l’implication dans la vie sociale est un élément favorisant la candidature des futurs « députés ».
M. U.
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