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10/11/2005
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Afrique - France : le continent africain, priorité sur l’agenda mondial
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(MFI) Cinq ans après l’adoption des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) destinés à combattre la pauvreté, l’Afrique, en retard dans leur concrétisation, figure sur les principaux agendas internationaux tant économiques que politiques.
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Les causes de l’inscription de l’Afrique à la Une internationale sont multiples et variées : regain de bonne conscience des Occidentaux, mais aussi reconnaissance de la nécessaire solidarité entre riches et pauvres pour combattre à la fois le terrorisme international et l’immigration clandestine, perçue de plus en plus comme une menace, en Europe notamment. Tout cela sur fond de hausse spectaculaire du prix du pétrole depuis deux ans, due en partie à l’entrée fracassante de la Chine dans le club des grandes puissances économiques. Celle-ci a soif de matières premières, et l’Afrique est largement dotée de réserves pétrolières, même si elles sont loin de concurrencer celles d’un Moyen-Orient instable et secoué par les ondes de choc de la guerre en Irak. La déferlante chinoise à travers le continent africain – et pas seulement dans les pays producteurs de brut – constitue une nouvelle donne dont il faut désormais tenir compte.
Pour les principaux acteurs internationaux, l’aide à l’Afrique fait l’objet d’un consensus, contrairement à l’intervention anglo-américaine en Irak. Mais malgré les nouveaux engagements en faveur de l’augmentation de l’aide publique au développement (APD) et des annulations de dette pour les pays pauvres, on est encore loin du compte. En effet, selon l’Institut pour la recherche de la paix de Stockholm, les dépenses militaires ont dépassé 1 000 milliards de dollars en 2004, soit 2,6 % du produit national brut mondial, alors que l’APD globale, la même année, était juste en-deçà de 80 milliards, et n’atteindra que près de 130 milliards de dollars en 2010, si les promesses sont tenues.
Kofi Annan déçu par le sommet extraordinaire de New York
Le nouvel intérêt porté à l’Afrique, où les opérations de maintien de la paix se sont multipliées après les tabous de la fin de la décennie quatre-vingt-dix – nés de l’intervention malheureuse des Etats-Unis en Somalie et des critiques de la politique française lors du génocide au Rwanda – a coïncidé avec les grands rendez-vous internationaux. Ainsi, le sommet extraordinaire des Nations unies (Onu) à New York en septembre 2005, consacré à l’examen de la réforme de l’organisation, qui fête ses 60 ans, et à l’état d’avancement des OMD adoptés en 2000, a fait la part belle à l’Afrique. Mais les pays pauvres déplorent que leurs préoccupations soient occultées par les querelles politiques à propos de l’élargissement du Conseil de sécurité ou de la définition du terrorisme.
Aucun accord n’a pu se faire sur cet élargissement, non seulement parmi les cinq membres permanents (P5) – Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie – qui disposent du droit de veto, mais encore moins au sein des candidats, qu’ils soient du Nord comme du Sud. Des trois propositions sur la table à New York, aucune n’a fait l’unanimité. La première, dite du G4 (Allemagne, Brésil, Inde et Japon), prévoyait un Conseil élargi de 15 à 25 membres dont 6 nouveaux sièges permanents, 4 pour eux bien sûr, et 2 pour l’Afrique, sans forcément réclamer le droit de veto. Ce projet s’est heurté à l’hostilité des Africains, qui ont usé de leur poids au sein de l’Assemblée générale pour le bloquer et « se saborder par des demandes maximalistes », selon plusieurs experts diplomatiques. Les Africains sont en effet restés divisés sur le choix de leurs propres candidats et ont réclamé 11 sièges supplémentaires, dont 2 permanents avec droit de veto et 5 non permanents pour leur continent. Enfin, un groupe d’Etats mené par l’Italie, dénommé Unis pour le consensus, a proposé un élargissement du Conseil à 25, sans nouveau détenteur du droit de veto. Au final, les divisions politiques ont empêché tout consensus. Aucun membre du P5 n’a, d’ailleurs, fait de zèle pour aboutir à l’élargissement !
Le secrétaire général de l’Onu, le Ghanéen Kofi Annan, personnellement affaibli par le scandale autour du programme Pétrole contre nourriture en Irak, n’a pu cacher une certaine déception après le sommet de New York. La période actuelle est certes « porteuse de promesses extraordinaires qui peuvent faire de la pauvreté une histoire ancienne », a-t-il dit. Mais les efforts des bailleurs de fonds sont encore insuffisants, trois ans après la Conférence internationale sur le financement du développement de Monterrey (mars 2002).
Jacques Chirac, Tony Blair, George Bush : chacun se mobilise à sa manière
Au-delà du Sommet, plusieurs dirigeants occidentaux affichent régulièrement leur intérêt pour l’Afrique. Le président Jacques Chirac a tenu à montrer que la France reste le principal avocat du tiers-monde en général et de l’Afrique en particulier, même si elle n’a pas les moyens d’agir seule. Le chef de l’Etat français avait évoqué dès le sommet Afrique-France de Paris, en 2003, l’idée d’une taxe de solidarité pour financer le développement ainsi qu’un moratoire sur les subventions agricoles à l’exportation à destination de l’Afrique, proposition qui reste d’actualité. Les pays africains réclament, eux, l’arrêt de toutes les subventions à l’agriculture des pays riches, qui pénalisent leurs exportations.
La taxe de solidarité s’est précisée avec l’idée d’un prélèvement international sur les billets d’avion. La France a obtenu le soutien de l’Allemagne, l’Algérie, le Brésil, le Chili et l’Espagne. Le projet a aussi bénéficié de l’appui britannique, sans toutefois être endossé par l’ensemble de la communauté internationale, notamment les Américains allergiques à de nouvelles taxations. Paris devrait d’ailleurs accueillir en février 2006 une conférence ministérielle sur la mise en place d’un tel prélèvement, dont le produit serait d’abord affecté à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme puis, pour partie et à une étape ultérieure, au remboursement de la Facilité financière internationale (FFI) proposée par la Grande-Bretagne.
Le Premier ministre britannique Tony Blair, critiqué au plan international pour son soutien indéfectible à la politique du président américain George Bush en Irak, a choisi d’améliorer son image de marque en faisant de l’Afrique son principal cheval de bataille. A l’occasion de sa présidence du G8 et de celle, pour le deuxième semestre 2005, de l’Union européenne, il a proposé et obtenu de ses partenaires une augmentation de l’APD et des annulations de dette.
Parallèlement, l’Union européenne élabore une nouvelle stratégie pour l’Afrique alors que la Banque mondiale, désormais dirigée par l’ex-faucon américain Paul Wolfowitz, a préparé la mise en œuvre d’un plan d’action de trois ans pour le continent.
Quant au président George Bush, qui cherche à ménager l’opinion des Noirs américains et s’intéresse également aux réserves de pétrole du continent, il a assuré les Africains du soutien des Etats-Unis. « Au fur et à mesure qu’ils saisiront leur chance, l’Amérique sera leur partenaire et leur amie, a-t-il dit. Nous recherchons le progrès en Afrique et dans l’ensemble du monde en développement parce que nos intérêts sont directement en jeu. Le 11 septembre 2001, les Américains ont constaté que l’instabilité et l’anarchie dans un pays éloigné pouvaient être une source de danger pour le nôtre. »
Marie Joannidis
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