accueilradio  actualités  musique  langue française  presse  pro
radio
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

10/11/2005
Afrique - France : la jeunesse africaine, un potentiel entre instabilité et incertitude

(MFI) "La jeunesse africaine, sa vitalité, sa créativité et ses aspirations" : tel est le thème du XXIIIe Sommet Afrique-France. Retiendra-t-il toute l’attention des dirigeants rassemblés à Bamako ?

« C’est un potentiel gigantesque. Cela peut aussi être une menace considérable si cette jeunesse-là n’a d’autre horizon que l’enrôlement dans une rébellion ou l’endoctrinement radical. Il est donc impératif de lui donner des perspectives », affirmait Philippe Douste-Blazy, le ministre français des Affaires étrangères, au quotidien Le Parisien en août dernier, motivant ainsi le thème du 23è Sommet Afrique-France. A l’initiative du Mali, pays-hôte, la rencontre aura été précédée d’un Forum de la jeunesse africaine, réunissant à Bamako les 8 et 9 novembre 53 jeunes – un par pays représenté – assistés d’une centaine d’autres venus des régions du Mali et d’une délégation de Franco-africains. Une première ! La Déclaration qu’ils soumettront aux chefs d’Etat pointera cinq questions clés pour leur avenir : formation et emploi, insertion sociopolitique, enjeux sanitaires, culture et nouvelles technologies, diaspora franco-africaine.
Il y a urgence, à lire l’appel « solennel, angoissant et pressant » lancé par les représentants des Jeunes leaders aux chefs d’État de l’Union africaine en 2004 : « Nos Etats sont dépouillés de ressources et détournés de leurs prérogatives. L’éducation n’est plus considérée comme un droit pour les enfants africains mais plutôt comme un luxe. Plus de droit à l’emploi, à la santé, au logement, à un environnement sain. En somme, les jeunes sont laissés à eux-mêmes. » La jeunesse africaine est devenue le plus grand défi que l’Afrique doit relever.

Les deux tiers des Africains ont moins de 30 ans

Plus de la moitié de sa population a moins de 21 ans et les deux tiers moins de 30 ans. Le terme « jeune » (15-24 ans, selon les Nations unies) s’applique sur le continent aux individus non mariés ou non indépendants économiquement, tandis que les « vieux » sont encore seuls détenteurs du savoir et du pouvoir, surtout en milieu rural. Après la vague des démocratisations, les parents espéraient pour eux des lendemains meilleurs. Ils leur laissent un bien lourd héritage. Forces vives de pays soumis ces vingt dernières années aux conditions draconiennes des plans d’ajustement structurel, ils ont vécu la disparition de l’État-providence, l’essoufflement du modèle éducatif colonial et, au final, une précarisation extrême de leurs conditions de vie.
La moitié des économies africaines sont en deçà des ressources par tête d’il y a vingt ans, selon le Programme des Nations unies pour le développement. Des millions d’Africains ne mangent pas à leur faim et près de la moitié vivent avec moins d’un dollar par jour. L’Afrique subsaharienne affichait en 2004 des taux d’analphabétisme de 35,9 % pour les adultes (plus de 15 ans) et de 20,1% pour les jeunes (1). Au rythme actuel, elle ne parviendra pas à l’éducation primaire universelle avant au moins 2150 et presque la moitié des pays n’atteindront pas la parité éducative entre les sexes d’ici 2015.
Lors du Sommet sur l’emploi et la lutte contre la pauvreté à Ouagadougou, en septembre 2004, la Commission de l’Union africaine recommandait aux dirigeants de mettre au plus vite l’accent sur l’éducation, l’apprentissage, la formation professionnelle, la transformation de l’économie informelle, cette forme de « débrouille » pratiquée par une grande partie de la jeunesse urbaine. Près de la moitié des jeunes travaillent encore dans l’agriculture ; or l’éducation demeure une priorité absolue en zone rurale, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. En 2003, l’Afrique subsaharienne comptait un des plus forts taux de chômage des jeunes (21 %) alors que la région devrait connaître la plus forte augmentation de sa population active d’ici à 2015 (30 millions de jeunes supplémentaires). Leur sort dépend de la croissance économique mais surtout de son contenu en termes d’emploi. Seuls « 5 à 10 % des nouveaux arrivants sur le marché du travail pourront intégrer l’économie formelle », indique le Bureau international du travail (BIT), pour qui « l’Afrique augmenterait son PIB de 12 à 19 % » si elle créait des emplois décents pour les jeunes.

Energie, capacité d’innovation, créativité tous azimuts

L’absence de travail crée un sentiment d’exclusion et d’inutilité qui entraîne violence, toxicomanie et extrémismes. Las des années d’enseignement perdues, les jeunes font de leurs gouvernements la cible de leur frustration. Cherchant leur propre voie, ils manifestent dans les rues, s’affrontent sur les campus et constituent le gros des troupes en cas d’émeute. Certains responsables – politiques et religieux – exploitent ces tendances et les mobilisent sur des bases militaristes, « prenant le relais de l’embrigadement des anciens partis uniques », estimait le chercheur Tshikala K. Biaya (2). La vie des jeunes Africains est ainsi faite d’instabilité et d’incertitude. La majorité des 6 millions de réfugiés et déplacés sont des jeunes traumatisés – en tant que victimes ou combattants. En dix ans, près de deux millions d’enfants sont morts dans les guerres d’Afrique centrale. Plus de 120 000 enfants-soldats sont recensés dans une douzaine de pays. Autre drame, les millions de jeunes porteurs du VIH/sida, tandis que d’autres sont devenus chefs de famille en raison du décès de leurs parents tués par la maladie, qui laisse environ 12 millions d’orphelins.
« Les gouvernements africains doivent apporter des solutions à cette majorité juvénile qui devient plus pauvre, plus mécontente et, parfois, plus militante », affirmait en 2004 la Commission économique pour l’Afrique, réclamant des politiques viables élaborées avec la collaboration des jeunes. « L’énergie, la capacité d’innovation et les aspirations de la jeunesse sont un capital qu’aucune société ne peut se permettre de dilapider », dit le BIT. Ils font preuve de créativité tous azimuts – musique, théâtre, peinture... Sans oublier leur attrait pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication. « Tu veux que tout s’arrange, tu veux que tout ça change, mais qu’est-ce que tu fais pour que tout ça bouge ? », chante La Brigade, un groupe de rap métissé. Jeunes Africains, Franco-africains, tous ont en tête l’image de ces jeunes qui, à Melilla ou Ceuta, se disent « plus près de la mort que de la vie » et dont les « vagues d’assaut » (ainsi que certains journaux ont qualifié leurs tentatives désespérées de franchir les barrières !) en direction de la forteresse européenne sont imputées à la pauvreté et à la famine en Afrique subsaharienne. Ne peuvent-ils prétendre à un avenir plus humain ?

Antoinette Delafin


(1) Perspectives économiques en Afrique, OCDE-BAD 2004-2005.
(2) Jeunes et culture de la rue en Afrique urbaine. Addis-Abeba, Dakar, Kinshasa, in Politique africaine n°80, décembre 2000, pp 12 à 31.




retour

Qui sommes nous ?

Nos engagements

Les Filiales

RMC Moyen Orient

Radio Paris-Lisbonne

Delta RFI

RFI Sofia