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22/12/2005
L’Afrique : un continent toujours conflictuel

(MFI) Même si des régions entières n’ont jamais connu la violence, l’Afrique passe souvent pour « le continent des guerres », des putsch, des massacres, des exodes dramatiques de populations. Les conflits y font aujourd’hui plus de victimes que toutes les autres guerres dans le reste du monde.

Depuis les indépendances, outre des conflits sécessionnistes – Biafra (Nigeria), Katanga (Congo), Sahara occidental (Maroc), rébellion touarègue (Mali, Niger), Mayotte et Anjouan (Comores), Casamance (Sénégal), Cabinda (Angola), Namibie (Afrique du Sud), Erythrée (Ethiopie) – ou quelques grandes guerres civiles nées d’une décolonisation ratée et de divisions ethniques attisées par la Guerre froide (Angola, Mozambique, Somalie, Ethiopie), le continent a connu des litiges territoriaux, notamment sur fond de richesses pétrolières, tels ceux qui opposent Cameroun et Nigeria sur la presqu’île de Bakassi, Gabon et Guinée équatoriale autour de l’îlot de Mbagné, etc.
Plus récemment ont surgi des conflits politico-ethniques, liés à des processus avortés de démocratisation, comme dans l’Afrique des Grands Lacs les affrontements hutus-tutsis (Rwanda, Burundi, Est du Congo-Zaïre), ou au Tchad, Liberia, en Sierra Leone ou Côte d’Ivoire… combinés parfois avec les intérêts pétroliers internationaux et internes (Congo-Brazzaville, Sao Tome), ou dans le cadre de luttes pour l’accès à des ressources locales servant à financer la guerre (ivoire en Angola, diamants en Sierra Leone, métaux rares à l’est du Congo).
On recense également des affrontements entre religieux et laïques, comme en Algérie où l’armée a tout fait dans les années 1990 pour empêcher l’accession au pouvoir du Front islamique du Salut (FIS), quitte à entrer en guerre avec les Groupes islamiques armés (GIA) et ces dernières années avec le Groupe salafiste pour le combat (GSPC) ; ou entre musulmans et chrétiens (ou animistes) au Nigeria, au Tchad, au Sud-Soudan.
L’Afrique est également connue pour ses coups d’Etat militaires (Comores, Gambie, Togo, Mauritanie parmi les plus récents) ; ses mutineries de soldats (Centrafrique, Guinée-Bissau, Côte d’Ivoire) ; ou pour des résultats électoraux ou des processus de succession au pouvoir de type dynastique contestés par une partie de l’opinion publique, comme à Madagascar en 2002, au Togo en 2005.
Au chapitre de l’instabilité, un bilan des décennies ayant suivi l’indépendance fait apparaître que plus de la moitié des chefs d’Etat africains ont été renversés par la force (coup d’Etat, putsch, guerre). Plus d’une centaine de présidents ont été éliminés par la violence, l’alternance politique étant souvent refusée.

Une année troublée

En 2005, une quinzaine de points chauds demeuraient, du nord au sud : la question du Sahara occidental, annexé de fait par le Maroc, restée en suspens depuis une trentaine d’années ; celle de Casamance (Sénégal) où le mouvement indépendantiste a accepté fin 2004 de déposer les armes, mais attendait la réalisation des mesures promises par le pouvoir central ; la situation demeurait également précaire au Liberia et en Sierra Leone, qui ont connu les guerres civiles les plus cruelles de ces dernières années, et où se poursuivaient sous l’égide de l’Onu des processus de retour à la démocratie accompagnés de délicats programmes de désarmement des factions ; la Côte d’Ivoire, l’ancienne « vitrine » de l’Afrique de l’ouest, était toujours coupée en deux (depuis 2002), où – malgré la présence de casques bleus et de soldats français, et la tenue de six sommets – le processus de désarmement des rebelles et des milices gouvernementales ne réussissait pas à s’engager, les élections ayant dû être reportées ; le Togo demeurait également un sujet de préoccupation, l’armée ayant imposé à la tête du pays Faure Gnassingbé, l’un des fils du président Eyadema, finalement légitimé par les urnes.
En Afrique centrale, la République centrafricaine se remettait difficilement d’une longue suite de mutineries et de coups d’Etat, alors qu’une élection présidentielle confirmait à la présidence le général Bozizé, arrivé au pouvoir par la force ; au Congo-Brazzaville, la région du Pool demeurait en état de rébellion larvée ; en République démocratique du Congo – au terme d’une guerre interafricaine majeure ayant fait trois millions de victimes depuis 1996 – un nouveau processus de transition devait se conclure, en 2006, avec des institutions remodelées, par des élections générales sous la surveillance de 17 000 Casques bleus.
En Ouganda, le gouvernement du président Museveni restait en butte à la rébellion de l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA), qui sévit dans le Nord depuis vingt ans, tandis qu’au Burundi un nouveau mode de partage des pouvoirs était trouvé entre Hutus et Tutsis ; enfin le Rwanda, plus de dix ans après le génocide, vivait toujours sous un régime d’exception, entretenant des relations tendues avec ses voisins et avec une partie de la communauté internationale.
En Afrique de l’Est, la guerre au Sud-Soudan – qui aura opposé durant un demi-siècle des combattants chrétiens ou animistes au pouvoir central musulman, faisant deux millions de victimes – s’est close en janvier 2005 sur un accord de paix « final », conclu après trois ans de négociations, prévoyant un gouvernement autonome, un partage des revenus du pétrole, et un référendum ultérieur sur l’indépendance ; mais une nouvelle guerre civile a surgi dans le Darfour, à l’ouest, qui oppose depuis 2003 des milices arabes à deux mouvements rebelles, un troisième front s’étant ouvert en 2005 au Nord-Est.
Dans la Corne de l’Afrique, la Somalie reste une zone de « non droit », partiellement coupée du monde, avec deux Etats autonomes autoproclamés (Somaliland et Puntland) et plusieurs tentatives infructueuses d’installation d’un pouvoir central à Mogadiscio ; tandis qu’entre l’Ethiopie et l’Erythrée, l’accord mettant fin à une guerre pour la délimitation de la frontière n’était toujours pas appliqué fin 2005.

Déplacement des conflits et mécanismes de prévention

La configuration géostratégique du continent a connu ces dernières années une mutation notable : alors que les grands conflits à l’Est, au Centre et au Sud avaient tendance à s’apaiser, l’Afrique de l’Ouest, longtemps préservée – notamment sa partie francophone, où l’armée française assurait un rôle de « gendarme » – a fait figure ces dernières années de nouvelle « zone des tempêtes ».
L’Afrique est également le continent des armées en voie de clochardisation, avec des combattants qui se paient sur les villageois ou en multipliant les « checkpoints » et autres procédés de rançonnage, c’est le continent des enfants-soldats dont le nombre s’est multiplié en dix ans, des seigneurs de la guerre qui régentent des zones de « non-droit », des « coupeurs de routes », des mercenaires qui ne sont plus désormais seulement des « soldats perdus » européens. C’est encore un paradis pour la circulation hors de tout contrôle des armes légères, où prolifèrent les mines antipersonnel, toujours meurtrières bien après la fin des conflits). Autant de facteurs qui concourent à une insécurité générale.
La prévention et la résolution des conflits s’appuient sur une série d’outils. Des embargos sur les armes ont été adoptés ou confirmés par le conseil de sécurité de l’Onu (en 2005, en Côte d’Ivoire, au Congo, en Somalie, au Soudan), de même qu’une réglementation sur le commerce de matières concourant au financement des guerres (diamants au Liberia et en Sierra Leone). Des menaces de sanctions ont également été brandies et parfois mises en œuvre – avec un effet variable – par l’Onu, l’Union européenne, aussi bien que par le Commonwealth ou l’Organisation internationale de la Francophonie, par l’Union africaine ou des organisations régionales, pour faire pression sur des gouvernements (Libye, Zimbabwe, Côte d’Ivoire, Soudan), ou pour isoler les régimes issus de coups d’Etat militaires (Togo, Guinée-Bissau, Comores, Centrafrique, Mauritanie). Certains auteurs de génocides ou crimes contre l’humanité ont été traduits devant des tribunaux spéciaux pour le Rwanda et la Sierra Leone et la menace est agitée contre d’anciens dirigeants du Liberia, du Tchad, ou certains responsables soudanais.
Les médiations sont devenues une véritable spécialité sur le continent. Elles sont exercées le plus souvent par d’actuels ou anciens chefs d’Etat. Le président sud-africain, Thabo Mbeki, s’est impliqué en tant que médiateur ces dernières années dans les conflits les plus intenses sur le continent : Burundi, Congo-RDC, Soudan, Côte d’Ivoire. D’autres présidents ont été sollicités, comme Nelson Mandela, le Gabonais Omar Ondimba Bongo ou l’ex-président mozambicain Joachim Chissano. La Communauté catholique Sant-Egidio, dont le siège est à Rome, a acquis une réputation de « faiseuse de paix » depuis la signature d’un spectaculaire accord de paix au Mozambique, en 1992, après quatorze ans de guerre civile et deux ans de patientes tractations. L’exploit a été réédité au Liberia, ouvrant la voie à l’éviction de l’ancien chef de guerre Charles Taylor ; ainsi qu’au Burundi, où la quasi-totalité des mouvements rebelles ont fini par s’intégrer au jeu politique.
Acteurs incontournables de la « société civile », surtout depuis le dépérissement des Etats, les églises chrétiennes, notamment catholiques, ont joué également un rôle le plus souvent pacificateur, même si certaines églises protestantes de tradition pentecôtiste, de plus en plus influentes, prennent le risque de transformer leurs fidèles en « combattants de Dieu » (Côte d’Ivoire, Congo). Des comportements identiques se retrouvent dans certains milieux musulmans (Nigeria, Maroc, Somalie).

Le rôle accru de l’UA

En matière de maintien de la paix, l’Union africaine, fondée en 2002, se veut plus ambitieuse que sa devancière, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), dont le mécanisme de prévention des conflits avait buté sur un manque de moyens et de volonté politique, toute mise en cause d’un de ses membres étant assimilée à une « atteinte à sa souveraineté ». Un Conseil de paix et de sécurité a été formé, et l’Union projette la création, d’ici 2010, d’une brigade d’interposition « en attente » dans chacune des cinq grandes régions du continent, en liaison avec les organisations sous-régionales, et avec l’appui notamment du dispositif français de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (Recamp) ou de son équivalent américain.
Ce projet de l’UA cadre à la fois avec le désir des Africains de s’occuper eux-mêmes des affaires de leur continent, celui de l’Onu de se soulager du fardeau du maintien de la paix sur des forces régionales, et des partenaires traditionnels occidentaux de se débarrasser de crises qu’ils considèrent comme insolubles ou trop coûteuses. Mais il bute sur les réalités du terrain : en 2005, pour accélérer la mise en oeuvre d’une force de paix au Darfour dans l’ouest soudanais, dont elle a pris la responsabilité, l’Union a dû demander le concours technique de l’Otan, l’organisation du traité de l’Atlantique nord, dont c’était la première intervention sur le continent africain.
L’Onu consacre les trois quarts de son budget militaire et les deux tiers de ses Casques bleus à des opérations de paix sur ce continent africain : Sahara occidental, Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire, Congo, Ethiopie-Erythrée. Elle avait conduit des opérations dans le passé au Congo, en Angola, au Mozambique, en Somalie, en Centrafrique, et accompagné la Namibie jusqu’à son accession à l’indépendance.
Les puissances régionales jouent également un rôle majeur en matière de sécurité, même si ce n’est pas sans arrière-pensées. Le Nigeria, géant de l’Afrique de l’Ouest, un des principaux pays producteurs de pétrole du continent et le membre le plus influent de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), a mené, au nom de cette organisation régionale, ou pour son propre compte, plusieurs opérations militaires de rétablissement de la paix : Liberia, Sierra Leone, Côte d’Ivoire.
L’Afrique du Sud, qui représente à elle seule 40 % du PNB de toute l’Afrique sub-saharienne, déploie également un activisme diplomatique et militaire et aspire à devenir membre permanent au Conseil de sécurité de l’Onu, au titre de la représentation du continent africain, dans le cadre de la réforme de cette organisation qui a échoué en septembre 2005.

Stratégie des grandes puissances

Ces vingt dernières années ont été marquées, sur le plan de la sécurité, par la volonté affichée de la France de ne plus être le « gendarme de l’Afrique » et de ne plus intervenir désormais sans mandat de l’Union africaine ou de l’Organisation des Nations unies, sauf en cas d’opération d’évacuation d’urgence de citoyens européens (comme en Côte d’Ivoire). Les effectifs de ses cinq bases permanentes – Sénégal, Gabon, Côte d’Ivoire, Tchad, Djibouti – sont passés en cinq ans de 10 000 à 6 500 soldats, avec une reconversion progressive du dispositif dans le cadre du Recamp : il s’agit d’équiper et d’entraîner – dans chacune des grandes régions et à partir d’un matériel prépositionné – un bataillon africain spécialisé dans les opérations d’interposition.
L’armée américaine de son côté s’emploie depuis 2002, avec l’accord des pays concernés, à « sécuriser » un arc stratégique allant de la Mauritanie à Djibouti, sous couvert de lutte contre le terrorisme : à l’ouest, le programme « Pan Sahel » comporte un volet équipement et formation de forces spéciales, l’échange d’informations, voire la présence d’unités américaines spécialisées ; à l’est, une force navale internationale, la TF-150, contrôle le trafic maritime, de la mer Rouge au Golfe, en liaison avec la base permanente établie par l’US Army à Djibouti.

Philippe Leymarie

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