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04/01/2001

Afrique : la chasse aux diamants « sales » se poursuit

(MFI) La contrebande de diamants, qui finance notamment les rebelles d'Angola et du Sierra Leone, s'est poursuivie en 2000 malgré la mobilisation de la communauté internationale, qui appelle à un renforcement des sanctions déjà adoptées et à des contrôles plus stricts pour mieux dépister les complicités extérieures.

Deux rapports, publiés par les Nations unies à la fin de l'année 2000, constatent la poursuite illicite du trafic des diamants «sales» qui permet d'approvisionner en armes et en matériel l'opposition armée angolaise de l'Unita de Jonas Savimbi et les rebelles du RUF au Sierra Leone. L'ONG britannique Global Witness, qui avait soulevé dès la fin de 1998 le problème des «diamants de la guerre» en Angola et lancé, en 1999, avec d'autres organisations européennes, une campagne contre les «transactions fatales» qui ont permis à ce trafic de financer des rebellions armées en Afrique, appelle à une action internationale plus concrète. Global Witness estime que l'Onu doit maintenant créer « un organisme permanent d'experts pour surveiller la mise en œuvre des sanctions et des embargos contre le trafic des diamants et des armes ».
Les deux nouveaux rapports démontrent bien, selon cette ONG, qu'il existe toujours un lien « continu et profitable » entre les ventes des diamants de conflit et la fourniture illégale d'armement aux organisations rebelles. « Il faut que le commerce du diamant et la communauté internationale mettent en œuvre les recommandations contenues dans les rapports pour qu'il y ait la moindre chance de mettre fin à la dévastation humaine en Angola, au Sierre Leone et en République démocratique du Congo, déchirés par la guerre », ajoute l'ONG qui a été étroitement liée aux enquêtes de l'Onu.

Liens avec le crime organisé et les trafiquants internationaux

La commission de l'Onu sur l'Angola, appelée «Mécanisme de vérification de l'application des sanctions», a affirmé que l'Unita a pu contourner les embargos grâce à un réseau de trafiquants d'armes, de contrebandiers de diamants opérant via des paradis fiscaux et des gouvernements africains «amis». Le rapport a également souligné le rôle essentiel joué par des compagnies aériennes, accusées de fournir aux rebelles armes et provisions en passant par des pays tiers. La commission souhaite identifier les comptes bancaires et les avoirs de l'Unita à l'étranger et mobiliser la coopération active d'Interpol, l'Organisation internationale de police criminelle, afin d'identifier les réseaux de soutien au mouvement de Jonas Savimbi et ses liens avec le crime organisé et les trafiquants internationaux.
Le nouveau rapport ne mentionne pas nommément les présidents du Burkina Faso et du Togo, accusés au printemps dernier de complicité avec l'Unita. Mais les enquêteurs soulignent la complicité des autorités de ces pays qui permettent à l'Unita d'organiser ses transactions. « Ce que nous disons dans le rapport, c'est que les choses qui se passent dans ces pays ne peuvent pas avoir lieu sans le consentement ou la complicité de certaines autorités sur place », a expliqué fin décembre le diplomate chilien Juan Larrain, qui a dirigé l'enquête.

La Suisse, un des lieux de transit des pierres

Le Mécanisme de vérification a été nommé par le Conseil de sécurité de l'Onu en juillet dernier, à la suite du scandale qui avait éclaté avec la publication, en mars 2000, d'un rapport accablant sur l'Angola d'une première commission onusienne présidée par le Canadien Robert Fowler. Résultat de plus de six mois de recherches d'un groupe d'experts, ce rapport avait mis en cause plusieurs dirigeants africains dont le Burkinabè Blaise Compaoré, le Togolais Gnassingbé Eyadéma ainsi que le Rwandais Paul Kagamé. Des violations avaient également été signalées, avec ou sans la connaissance des autorités, au Gabon, en Afrique du Sud, en RDC, au Congo Brazzaville, en Côte d'Ivoire, en Zambie et en Namibie ainsi qu'en Belgique, en Bulgarie et dans d'autres pays d'Europe de l'Est.
Le nouveau rapport, que la France considère comme « plus équilibré » puisqu'il ne met pas nommément en cause des dirigeants francophones, estime que l'Unita a gagné au moins 150 millions de dollars sur les ventes de diamants en 1999, mais probablement beaucoup moins cette année en raison de la situation militaire qui a évolué en faveur des forces gouvernementales. Selon les enquêteurs, l'Unita vend ses pierres directement à des tailleurs de diamants, via des pays tiers ou à travers le marché ouvert sud-africain. Les diamants passent notamment par des paradis fiscaux pour masquer leurs origines. Le rapport cite la Suisse comme l'un des lieux de transit.

Les importateurs mis à contribution

Le rapport sur le Sierra Leone recommande un embargo total sur les diamants exportés par le Liberia, qu'il accuse d'être au centre du trafic de diamants et d'armes au profit du RUF avec la complicité du Burkina Faso. La commission affirme que « le président Charles Taylor est activement impliqué dans la poursuite du conflit en Sierra Leone ». Un embargo sur le diamant sera nécessaire tant que le Liberia ne montre pas « de manière convaincante » qu'il n'est plus impliqué dans ce trafic, ajoute-t-elle. Elle recommande aussi que tous les pays exportateurs de diamants d'Afrique de l'Ouest adoptent un système de certificats d'origine comme celui qui commence à être appliqué par le gouvernement légitime du Sierra Leone. Il mentionne particulièrement la Guinée et la Côte d'Ivoire ainsi que la Gambie.
Une attention spéciale est requise pour d'autres pays d'Afrique alors qu'une vigilance accrue est demandée aux principaux importateurs tels la Suisse, l'Afrique du Sud, l'Inde, Israël, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Ce dernier pays représente le premier marché mondial pour les diamants. Les industriels comme les producteurs, en Afrique ou ailleurs, redoutent une campagne des consommateurs contre l'achat de bijoux qui porterait un rude coup à leurs bénéfices. Des groupes de protection des droits de l'homme mais aussi des parlementaires américains soutiennent l'idée d'un boycott semblable à celui qui avait durement affecté en son temps l'industrie de la fourrure.

Le cas De Beers mérite une étude approfondie

Près de la moitié des diamants commercialisés dans le monde proviennent d'Afrique. L'industrie estime que le trafic illicite est limité à 4 % de la production annuelle des pierres qui représente 6,8 milliards de dollars. Ce pourcentage est toutefois contesté par les ONG qui affirment que quelque 16 % des diamants vendus proviennent des zones de conflit. Les représentants des producteurs et des industriels du secteur ont reconnu la nécessité d'un système de « certification » impliquant le marquage des pierres qui sont, pour le moment, accompagnées d'un certificat d'origine qui peut être, dans certains cas, falsifié. Mais ils ne sont pas encore parvenus à s'entendre sur les mesures concrètes à prendre.
Le géant minier sud-africain De Beers, qui veut présenter une image de «moralité», a proposé fin décembre de mettre des experts à la disposition de l'Onu afin de renforcer un système de certification universel. La commission d'enquête sur le Sierra Leone a estimé que le cas De Beers mérite une étude approfondie, puisque le groupe contrôle 65 % du commerce mondial en pierres brutes et devrait donc « accepter une part de responsabilité » du trafic illicite.

Marie Joannidis





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