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16/05/2001
Lutte contre la corruption (3) : Le Bénin "moralise"

(MFI) Mise en place en 1996, la cellule de moralisation de la vie publique n'a pas réussi à enrayer la corruption. Mais elle a montré le chemin. Il faudra cependant la renforcer pour de meilleurs résultats.

C'est le général Mathieu Kérékou, qui, à son retour inattendu au pouvoir en mars 1996, a nettement et fermement affirmé sa volonté de moraliser la vie publique. Après cinq années de traversée de désert, à la suite de sa défaite à l'élection présidentielle de mars 1991, le général Kérékou revient, avec pour thème de campagne la lutte contre la corruption. Joignant l'acte à la parole, il crée en décembre 1996, par décret, une Cellule de la moralisation de la vie publique.
La cellule est dirigée par une "dame de fer" : Anne Cica Adjaï. Cette dernière, connue pour sa probité et sa rigueur, « fouille, bêche ne laisse nulle place où la main ne passe et repasse ». Son nom est devenu fameux dans l'administration publique, notamment à la Douane, aux Impôts et au Trésor où elle donne l'insomnie aux fonctionnaires indélicats. Elle met en place des stratégies lui permettant de prendre en flagrant délit des agents corrompus. Ainsi, a-t-on pris sur le fait un douanier, en possession d'un montant de 5 millions de francs CFA représentant une partie de ses gains de la journée sur la base de faux billets de banque photocopiés...
La cellule de la moralisation de la vie publique a également révélé, après enquêtes, qu'au cours de l'année 1996-1997, « 80 à 90 % des recettes douanières avaient échappé à l'État ». Elle a par ailleurs aidé à réintégrer dans la Fonction publique « des agents reçus à des concours mais dont les noms ont disparu et ont été remplacés par d'autres »... pour récompenser des parents ou amis. Sous son impulsion, des commissions d'enquête sont créées pour vérifier la gestion de sociétés nationales ou sociétés mixtes, comme la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers (Sonacop), la Société nationale de commercialisation des produits agricoles (Sonapra), etc. On citera également à son actif l'élaboration d'un guide des usagers de l'administration publique qui leur permet, par exemple, de connaître les pièces à fournir pour bénéficier d'un service.

Mise au point d’un code d’éthique

La cellule a en outre élaboré, en collaboration avec le Front des organisations nationales de lutte contre la corruption (Fonac), un code d'éthique et de moralisation des marchés publics en juin 1999. Ce code oblige l'État et les autorités publiques à s'engager à ne pas escroquer les investisseurs au moment des attributions de marchés. De la même manière, les investisseurs s'engagent à ne pas corrompre les autorités publiques par des pots de vin. Le code correspond, dans son esprit, au pacte d'intégrité que Transparency international fait signer à certains États pour combattre la corruption. La particularité ici est qu'il prévoit qu'un représentant de la société civile participe aux commissions d'attribution des marchés publics.
La mission de la cellule est de détecter les cas de corruption et de créer les conditions de la combattre. Elle ne dispose pas, juridiquement, de moyens de répression. Elle n'est pas une institution de contre-pouvoir, mais un instrument mis en place par le chef de l'État (placé sous son autorité) pour conduire à bien sa politique de gouvernement. C'est une insuffisance que déplore Philippe Hounkpatin, un ancien vice-président du Fonac. Mais M. Hounkpatin n'est pas d'avis, comme l'envisage Mme Cica Adjaï, que l'Assemblée nationale vote une loi pour instituer et pérenniser la cellule pour qu'elle s'impose à tous les régimes comme une institution républicaine. Pour lutter contre l'impunité, la cellule de la moralisation de la vie publique présente les faussaires au procureur de la République afin qu'ils soient traduits en justice. Elle se fait aussi aider de la société civile pour faire pression sur le gouvernement, pour qu'il permette à la Justice de connaître effectivement des dossiers de corruption.
Le grand goulot d'étranglement de la cellule est son effectif plutôt réduit. « Les gens ont peur de mourir en travaillant dans la cellule ; pourtant depuis 1996, je ne suis pas encore morte », regrette Mme Adjaï. Au Bénin, les pressions familiales, sociales et politiques sont si fortes que dénoncer un corrompu est un grand risque. Les moyens financiers sont également insuffisants, selon Mme Adjaï. Mais, la cellule bénéficie au niveau du budget national de 10 à 15 millions de francs CFA par an pour son fonctionnement et de 12 millions pour ses investissements. Ce qui est un privilège, car le Programme national de lutte contre le Sida par exemple ne bénéficie pas de budget pour ses investissements. Les bailleurs de fonds tels que la Banque mondiale, les Etats Unis et le Danemark la soutiennent. En attendant de la rendre pérenne et lui apporter le soutien adéquat, le gouvernement a décidé de la déplacer de la présidence de la République pour la doter d'un siège qui sera érigé à Porto-Novo, capitale politique du pays.

Pascal Zantou





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