(MFI) Pour la première fois depuis 1998, les bruits de bottes s'atténuent en Afrique centrale, avec désormais une lueur d'espoir pour un règlement du conflit en République Démocratique du Congo (RDC). État des lieux...
Au Congo Brazzaville, une convention nationale organisée sous l'égide du président gabonais Omar Bongo a réuni en mars-avril l'opposition intérieure et une partie de l'opposition en exil, à l'exception notable de l'ancien chef d'Etat Pascal Lissouba et de son ancien premier ministre Bernard Kolelas, condamnés par contumace par la justice congolaise. Selon le calendrier officiel, un référendum sur le projet de nouvelle constitution aura lieu avant la fin de 2001, suivi d'élections générales en 2002.
En Angola, les combats se sont atténués même si la guérilla subsiste: le président José Eduardo dos Santos a promis l'amnistie à ceux qui déposent les armes alors que Jonas Savimbi, le chef de l'opposition armée de l'UNITA qu'aucun témoin indépendant n'a vu depuis octobre 1999, a proposé au gouvernement, par téléphone à un journaliste à Luanda, des discussions de paix.
RDC : Joseph Kabila tente l'ouverture
En RDC, trois mois après avoir succédé à son père, Joseph Kabila a réussi à persuader la communauté internationale de sa volonté de paix et à renouer avec les pays africains qui soutiennent la rébellion congolaise, Ouganda et Rwanda, tout en ménageant les alliés de Kinshasa, Angola, Namibie et Zimbabwe.
Ses voyages aux Etats-Unis et en Europe y compris en France ont été un succès "car il a réussi a rétablir le contact entre son pays et la communauté internationale", a souligné un observateur diplomatique. Joseph Kabila a aussi repris langue avec le médiateur chargé de favoriser le dialogue inter-congolais, l'ancien président du Botswana Ketumile Masire, que son père avait rejeté.
Au plan intérieur, il n'a pas hésité à renvoyer le gouvernement hérité de son père. Seuls huit membres de l'équipe sortante, limogée le 4 avril dernier en raison de "la torpeur et de la désarticulation observées dans l'activité publique", se retrouvent dans le nouveau gouvernement dont le ministre des Affaires étrangères, Léonard she Okitundu, qui a pris une part active aux efforts entrepris par le général-major Joseph Kabila pour relancer le processus de paix. Il n'a toutefois pas réussi à se débarrasser du ministre de la Justice sortant, Mwenze Kongolo, homme de confiance de son père, en relations étroites avec le Zimbabwe, nommé ministre de la Sécurité nationale et de l'Ordre public, après que le puissant ministère d'État aux Affaires intérieures ait été scindé en deux.
Le jeune président, âgé de 29 ans, s'est toutefois séparé de plusieurs compagnons importants de son père à commencer par le numéro deux du régime, Gaétan Kakudji, cousin du défunt chef de l'Etat qui était en charge des Affaires intérieures, ainsi que de Pierre-Victor Mpoyo, ministre d'Etat sans portefeuille et proche des Angolais et d'Abdoulaye Yerodia, "vieux compagnon" de Laurent-Désiré Kabila et ministre sortant de l'Education nationale.
La MONUC a finalement commencé à se déployer fin mars. Mais elle a vu ses effectifs réduits de 5.500 à 3.000 hommes dont les 500 observateurs initialement prévus, en raison du coût élevé des opérations dans un pays aux infrastructures détruites non seulement par le dernier conflit mais aussi par plus de 30 ans de manque d'entretien et de désorganisation sous le régime Mobutu. Les difficultés ne sont pas totalement levées puisque les rebelles se sont opposés à la mi-avril à l'arrivée d'un contingent marocain à Kisangani, théâtre l'an dernier de violents combats entre l'Ouganda et le Rwanda qui soutiennent chacun leurs mouvements rebelles, et qui, de proches alliés, sont devenus des rivaux pour ne pas dire des ennemis.
La dernière résolution du Conseil de Sécurité (1341), adoptée le 22 février dernier et préparée par la France demande le retrait de toutes les forces étrangères de la RDC et invite l’ensemble des signataires des accords de Lusaka (juillet-août 1999) à adopter un plan précis d’action avant le 15 mai. Il s’agit en priorité du désarmement, de la démobilisation, de la réintégration et du rapatriement (DDRR) - ou réinstallation dans les régions d’origine- de tous les groupes armées cités dans ces accords. Ce volet du programme pourrait être soutenu par un fonds fiduciaire de l’Onu constitué de contributions volontaires des pays membres, pour faciliter sa mise en application. Proposé par l’administration Clinton, il a été endossé par celle de George Bush qui également annoncé l’octroi d’une aide humanitaire de 10 millions de dollars à la RDC.
La résolution du Conseil de Sécurité revient sur la question de l’exploitation illégales des ressources naturelles congolaises et souligne la nécessité de désarmer notamment les ex-Far (Forces armées zaïroises) et les milices Interahamwe, ce qui n'a pas été sans déplaire au Rwanda qui a ainsi vu ses arguments sécuritaires pris en compte.
Un succès pour la France
La résolution 1341 est considérée dans les milieux de l'ONU comme un succès pour la France d'autant plus que les Américains qui ont longtemps soutenu sans faille leurs alliés Ougandais et Rwandais, y compris contre Laurent Désiré Kabila qui les avait déçu, ont pris leurs distances et poussent à un règlement pacifique et au retrait de toutes les troupes étrangères de la RDC.
Selon une étude de l’International Crisis Group (IGC) de Bruxelles intitulé "d'un Kabila à l'autre, perspectives de paix au Congo" From Kabila to Kabila – prospects for peace in the Congo – la France, dont les positions étaient minoritaires au début du conflit, a graduellement pu imposer ses vues à l’ensemble de ses alliés occidentaux. Paris, qui n’a eu de cesse de condamner l’invasion ougandaise et rwandaise et qui s’était montrée préoccupée des risques encourus d’une partition de facto du pays "a commencée à capitaliser sur les erreurs du Rwanda et de l’Ouganda" qui avaient laissé dégénérer leurs querelles en une guerre meurtrière à Kisangani, souligne l'étude.
La résolution de l'ONU évoque la possibilité que la Monuc puisse à terme se déployer le long de la frontière orientale de la RDC, plutôt que sur une ligne de front qui couperait le pays en deux, une position depuis longtemps défendue par la France et le gouvernement de Kinshasa. Elle souligne aussi l’intérêt que porte le Conseil de sécurité pour le projet, cher à Paris, d’une "Conférence internationale pour la paix, la sécurité, la démocratie et le développement de la région des Grands Lacs". Cette initiative avait déplu à Kigali et Kampala qui, selon les analystes de l'ICG, ne souhaitent pas être "noyés" dans l’ensemble des pays francophones de la région conviés à une telle conférence, comme le Gabon, la Centrafrique et le Congo-Brazzaville.
Mais les incertitudes subsistent. Selon plusieurs diplomates européens, Joseph Kabila franchit pour le moment les étapes "à son rythme et sans faux pas". Mais, soulignent-ils, il reste à savoir si l'Ouganda et surtout le Rwanda sont véritablement prêts à retirer "leurs billes" et à "se passer des revenus que leur procurent l'or, les diamants ou le coltan" et si des divergences ne vont pas opposer le Zimbabwe à l'Angola et les hommes qu'ils soutiennent à Kinshasa.
De même la rivalité entre rebelles dits de Goma soutenus par Kigali et ceux qui bénéficient de l'aide de Kampala comme le MLC (Mouvement de libération congolais) de Jean-Pierre Bemba risquent de retarder le déploiement de la MONUC.
Dernière grande difficulté: le dialogue inter-congolais. Joseph Kabila aurait aimé, selon des sources informées qu'il ait lieu à Kinshasa sous la protection de la MONUC, "ce qui n'est pas dans son mandat". "Bien sûr le dialogue se déroulera à terme dans la capitale de la RDC mais il y aura des réunions préparatoires, probablement à Libreville", précise un diplomate. Il souligne toutefois qu'il faut d'abord définir les critères de participation et le cadre de ce dialogue, qui pourrait s'établir sur une base régionale, c'est-à-dire le choix de représentants politiques et de la société civile par province.
Marie Joannidis