(MFI)L’Unesco a décidé d’adapter sa stratégie d’aide à l’Afrique. L'organisation tient compte désormais des priorités définies par la nouvelle initiative africaine (Nepad) depuis l'été 2001. Ou comment réussir le décollage économique du continent à travers un partenariat renouvelé avec les bailleurs de fonds, en favorisant le retour de la paix et une gestion économique saine…
Appelé désormais Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), ce projet initié par les Africains et adopté au dernier sommet de l’OUA à Lusaka souligne que la responsabilité du développement africain incombe d’abord aux Africains eux-mêmes, qui ont cependant besoin à la fois d’aide publique et d’investissements privés. L’Unesco cherche donc à définir des objectifs qui entrent dans le cadre du Nepad, avec un accent particulier mis sur l’élimination de la pauvreté et sur l’apport des nouvelles technologies de l’information et de la communication au développement de l’éducation, de la science et de la culture.
Un séminaire international sur « les approches prospectives et les stratégies novatrices en faveur du développement de l’Afrique au XXIe siècle » organisé au siège de l’Unesco à Paris a permis à de nombreuses personnalités africaines du monde politique et de la société civile de réfléchir sur les besoins en matière d’éducation, sur la lutte pour la démocratie et les droits de l’homme, sur la diversité culturelle et sur les nouvelles technologies. Pour Hans d’Orville, directeur du bureau de la planification stratégique de l’organisation, l’Afrique est aujourd’hui un des quatre secteurs prioritaires des activité de l’Unesco avec les PMA, les femmes et les jeunes. « Nous voulons écouter ce que les Africains ont à nous dire afin de mieux coordonner nos efforts », précise-t-il, en soulignant les efforts entrepris en matière d’éducation et de culture.
La France et l’Unesco ont signé fin octobre une convention de coopération créant un fonds pour l’éducation doté de 3,5 millions de francs pour financer des travaux d’expertise, d’études et de formation. Dans le cadre du Programme de l’éducation pour tous, Paris détachera notamment trois experts français auprès du bureau régional de l’Unesco à Dakar. La capitale sénégalaise avait accueilli en avril 2000 un Forum mondial sur l’éducation qui avait réaffirmé le droit fondamental à l’éducation et fixé des objectifs pour les quinze prochaines années.
Renforcement des capacités humaines
L’Unesco est consciente des difficultés que traverse l’Afrique sur les plans politiques, économiques et sociaux. Le département Afrique de l’organisation met ainsi l’accent sur la crise économique chronique que vit le continent, conjuguée à l’urbanisation sauvage, à la mondialisation rapide, à la mauvaise gestion des affaires publiques dans de nombreux pays, au poids écrasant de la dette, aux multiples conflits et aux conséquences effroyables de pandémies telles que le Sida. Elle estime que cette situation est aggravée par une diminution inquiétante des flux d'aide publique mais garde quand même l’espoir en raison de la capacité « de résistance et d’adaptabilité » de l’Afrique.
Son action devrait s’articuler autour de quelques axes principaux : notamment le renforcement des capacités humaines et l’élaboration de stratégies préventives de lutte contre le Sida, passant par la mise en œuvre de plans nationaux d’éducation et la prise en compte des valeurs culturelles africaines. L’Unesco cherchera également à mobiliser et à catalyser la coopération internationale en favorisant les échanges et la concertation avec l’OUA, les organisations sous-régionales africaines, l’Onu, la Banque Mondiale et la Banque africaine de développement (BAD). Il s'agit aussi de privilégier la participation des populations et de la société civile aux programmes de développement et aux décisions. Un intérêt particulier est porté aux Pays les moins avancés (PMA) dont les deux tiers sont en Afrique. L’Unesco s’est donc engagée à favoriser leur développement en ciblant les groupes les plus vulnérables et les plus défavorisés, en particulier les femmes et les jeunes et en utilisant la culture comme levier politique de lutte contre la pauvreté – tout en reconnaissant qu’elle dispose d’un budget limité, bien loin des besoins, qui sont énormes. Une étude récente des Nations unies estime qu’il faudrait dépenser 800 milliards de dollars sur les dix prochaines années pour garantir à tout être humain l’accès à l’éducation de base, à la santé, à la nourriture et à l’eau potable.
L'éducation pour tous, par étapes
Sur un plan concret, l’Unesco a été chargée du suivi de la conférence de Dakar concernant l’éducation pour tous. Ceci doit se faire par palier : 2002 pour l’achèvement des plans d’action nationaux, 2005 pour parvenir à l’égalité d’accès à l'éducation entre filles et garçons et 2015 pour parachever l’éducation primaire universelle et améliorer de 50 % le taux d’alphabétisation des adultes. L’Organisation qui agit en tant que « courtier en connaissances », veut aussi favoriser le développement scientifique et technologique. Elle est en train d’étudier, entre autres moyens novateurs de mobilisation de ressources financières, celui d’inclure ce secteur dans le cadre de l’initiative de l’allégement de la dette.
Elle s’implique enfin dans le domaine des technologies de l’information : soutien au Programme international pour le développement de la communication (PIDC), et au Réseau informatique régional pour l’Afrique (RINAF), destiné à renforcer les capacités du secteur public et de la société civile à mettre les nouvelles technologies au service du développement.
Marie Joannidis
Favoriser le pluralisme culturel en Afrique
Longtemps, le pluralisme culturel comme facteur d’enrichissement a été occulté. « Les dirigeants africains des années 60 ont eu peur du tribalisme, de l’ethnie, n’ont pas pour la plupart mené de politique de la diversité. Aujourd’hui qu’elle se révèle un problème, nous manquons de données, d’études pour gérer cette diversité », estime Marcel Diouf, directeur de la Culture à l’OUA. Une absence que l’Unesco, en coordination avec l’OUA et la Fondation Ford, tente aujourd’hui de combler par le lancement de l’Observatoire des politiques culturelles en Afrique. Cet organisme qui sera opérationnel en 2002/2003 proposera des analyses et des lignes directrices pour encourager la recherche et la promotion des politiques culturelles.
L’Académie des langues africaines : un outil pour le développement
Le fossé culturel entre le pouvoir et la société civile explique en grande partie l’échec des politiques de développement. « Aujourd’hui 80 à 90 % de la population africaine ne parle la langue officielle du pays déplore Adama Samassekou, président de l’Académie des langues Africaines. Comment comprendre qu’un justiciable ait besoin d’un interprète pour comparaître au tribunal où il est jugé ? Aucun peuple ne peut se développer en dehors de sa langue ». Le rôle fondamental des langues dans le processus de développement a conduit en mai 2001 à la création de l’Académie des langues africaines, une initiative de l’OUA. Cette institution actuellement installée au Mali est destinée à diffuser une vision dynamique des langues véhiculaires, à promouvoir le pluralisme culturel, à offrir des ressources au service des Etats et de la Société Civile et à soutenir les initiatives régionales de promotion des langues.
La langue est porteuse de valeurs parfois en désaccord avec des modèles étatiques inadaptés : d’où la nécessaire codification du droit traditionnel, porteur de dialogue interculturel comme l’explique le Professeur Hagan en citant l’exemple du Ghana. « Une étude a été entreprise pour identifier les traits communs et complémentaires des différentes composantes ethniques du pays en vue de l’élaboration d’un héritage ghanéen commun. Cette démarche est la clé d’une réelle libération car elle donne aux Africains la capacité de comprendre leur propre personnalité, leur propre identité ».
Si l’Afrique veut aujourd’hui trouver des solutions africaines à son propre développement, elle ne peut négliger pour autant l’apport essentiel des membres de la diaspora. Un exemple, celui de Koffi Yamgnane : grâce à lui 277 municipalités françaises ont aujourd’hui leurs Conseils des Sages, une idée lancée voici quelques années par le Député européen d’origine togolaise qui récidive. Tout récemment, il a exporté en Suisse une version moderne de l’arbre à palabres: « le Conseil de Négociation et de médiation »…
Sylvie Clerfeuille