(MFI) La population de l’hexagone augmente mais la France prend des rides : c’est la principale leçon du dernier recensement qui vient d’être rendu public. Le gros bataillon des 58 520 000 personnes que compte le pays se situe désormais entre 40 et 59 ans. Un vieillissement perceptible partout même si les zones rurales sont les plus touchées. Les immigrés sont pour leur part de plus en plus enracinés sur le territoire. Leur population, stable en nombre, revêt des caractéristiques de plus en plus proches de celles de l’ensemble des Français.Etrangers : des chiffres en régression
L’INSEE tord le cou à certaines idées reçues et discours alarmistes : le nombre d’étrangers a fortement diminué en France depuis une dizaine d’années. La baisse atteint 9 % depuis 1990. En mars 1999, 3 260 000 étrangers résidaient en France métropolitaine, soit 5,6 % de la population. Cette érosion trouve sa cause première dans la naturalisation de nombreux immigrés pendant la période ; 550 000 acquisitions de la nationalité française ont ainsi contribué à réduire l’effectif de cette population. Les décès, 190 000 constituent l’autre élément d’explication de cette régression.
Immigrés : la stabilité
La notion d’immigrés retenue par l’INSEE se différencie du concept juridique d’étrangers (individus de nationalité différente de celle du pays dans lequel ils vivent). Les immigrés reflètent une autre donnée, la naissance à l’étranger de personnes qui n’étaient pas alors détentrices de la nationalité française. Le recensement fait état d’une grande stabilité de leur nombre. En mars 1999, 4 310 000 immigrés résidaient en France. Leur progression en dix ans s’élève à 3,4 %, au même rythme que l’ensemble de la population. Aujourd’hui plus d’un tiers des immigrés (36 %) est détenteur de la nationalité française.
Une immigration européenne en recul
Entre 1990 et 1999, les origines géographiques des immigrés se sont diversifiées, au détriment des personnes d’origine européenne. Elles ne sont plus que 1 600 000, soit 9,3 % de moins qu’en 1990. Cette diminution est le fait des populations implantées en France depuis plusieurs générations, issues de vagues anciennes d’immigration. Espagnols, Italiens ou Portugais confirment une tendance déjà ancienne au retour. La part des immigrés venus d’un pays de l’Union est en effet en baisse constante depuis un quart de siècle. Ils représentaient 57 % de la population étrangère en 1975, 49 % en 1990, 45 % en 1999.
La diversification des origines
Les pays d’origine sont de plus en plus lointains. Les Maghrébins installés en France sont en forte augmentation, 6 % de plus qu’il y a neuf ans, une hausse due pour les trois-quarts aux Marocains. Les Turcs sont aussi en nette progression (plus 16 %), tout comme les Asiatiques (plus 35 %) et les personnes originaires d’Afrique subsaharienne. Après avoir déjà triplé entre 1982 et 1990, la population venue d’Afrique subsaharienne a encore progressé de 43 % ces dix dernières années. Elle atteindrait aujourd’hui 400 000 hommes et femmes.
Le nouveau visage de l’immigration africaine
Les immigrations sénégalaises (53 900 immigrés) et maliennes (36 000 personnes), les plus anciennes, augmentent aujourd’hui moins que d’autres. Les Ivoiriens connaissent la plus forte progression, passant d’un peu plus de 19 000 à 30 000, soit une hausse de 58 % en neuf ans. L’augmentation de la communauté camerounaise apparaît également spectaculaire, grimpant de 18 000 à 27 000 personnes pendant la période considérée. Ces nouveaux arrivants, qui parlent généralement très bien le français, modifient le visage de l’immigration africaine. Elle devient moins rurale et plus qualifiée. Ce changement ne sera pas sans répercussion sur la volonté de s’ouvrir à l’extérieur, de mieux s’intégrer et d’occuper des emplois plus valorisants.
Une population généralement urbaine
Les immigrés sont des citadins. Près des deux tiers d’entre eux habitent une ville de plus de 200 000 habitants. Un tiers réside en Ile-de-France. La concentration est particulièrement sensible à Paris où plus d’un habitant sur six est étranger et en Seine-St-Denis où la proportion atteint une personne sur cinq. L’appel de la ville, plus pourvoyeuse d’emplois que la campagne explique aussi l’attrait des régions Rhône-Alpes (11 % d’étrangers) et Provence-Alpes Côte d’Azur (10 %). Seuls 3 % des immigrés vivent dans une commune rurale.
La féminisation de la population étrangère
Le phénomène remonte au milieu des années 70 avec la mise en place des mesures autorisant le regroupement familial, mais il franchit désormais un nouveau palier avec un équilibre parfait entre les hommes et les femmes. Les femmes sont même majoritaires parmi les immigrés naturalisés français. D’une immigration de main d’œuvre essentiellement masculine, il se confirme que la France est passée à une immigration familiale. L’augmentation de la population immigrée est entièrement le fait de femme et cette mutation en profondeur change le profil de l’immigration : aux hommes seuls vivant dans des foyers, se substituent des familles.
Les moins de vingt ans en chute libre
Ils sont 22 % de moins qu’en 1990 : la proportion des moins de vingt ans est en nette régression au sein de la population étrangère. A l’inverse, la part des plus de quarante ans augmente plus que les autres (15 %). Cette hausse est nette pour les hommes immigrés âgés de plus de soixante ans (plus 17 %), issus de l’immigration de main d’œuvre des années 50 et 60. Ce vieillissement des immigrés est une conséquence directe de la politique stricte de fermeture des frontières.
Un profil proche de celui de la population française
Les caractéristiques de la population d’origine étrangère recoupent très largement celles de l’ensemble des Français. Là encore, le recensement fait apparaître une féminisation et un vieillissement général. Il décèle des inégalités géographiques entre une France du Nord, plus jeune et une France du Sud, toujours plus âgée. Mais ce phénomène n’épargne plus personne, pas même les départements d’Outre-Mer, longtemps considérés comme la locomotive démographique de la France.
Geneviève Goëtzinger