accueilradio  actualités  musique  langue française  presse  pro
radio
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

25/05/2001

Lutte contre la corruption (6) : « La corruption, un mal moral qui interdit toute progression »

Un entretien avec le Cardinal Christian Tumi

(MFI) Classé par l’ONG Transparency International en tête des pays les plus corrompus de la planète, le Cameroun est, selon l’Église catholique de ce pays, « sinistré à cause de ce fléau ». Le cardinal Christian Tumi, archevêque de Douala, revient sur ce phénomène qui, écrivent encore les prélats, « a atteint un niveau suicidaire dans notre société »

MFI : Qu’est-ce que la corruption ?

Mgr Cristian Tumi : C’est donner quelque chose à quelqu’un pour qu’il aille contre un principe. Prenons un garçon qui veut entrer dans une école professionnelle. Il échoue au concours. Ses parents ont des moyens et glissent quelque chose dans la main du directeur. Du jour au lendemain, l’enfant est admis. Ici, le principe est d’admettre ceux qui réussissent au concours. Quelqu’un donne l’argent, et tout change. Dans ce contexte, nous ne pouvons pas progresser. Une vie qui n’est pas guidée par des principes sûrs ne peut pas faire grandir un jeune homme, ni faire grandir et progresser un pays, économiquement comme intellectuellement.

MFI : A qui la corruption fait-elle exactement du tort, au pays ou aux individus ?

C.T. : Cela fait du mal au tiers, puis au pays. Imaginez celui qui réussit brillamment grâce à ses efforts, il est mis de côté parce qu’il ne peut pas payer sa place : il est lésé. A long terme, c’est le pays qui est lésé, car on écarte les jeunes intelligents, qui pouvaient aider à la construction du pays, pour donner des places à ceux qui n’ont pas d’initiative. Je ne les blâme pas, ils peuvent avoir d’autres dons, mais dans un pays il faut une élite, des leaders formés intellectuellement. Si on triche là-dessus, les conséquences peuvent être très graves. Prenez un jeune qui achète ses diplômes jusqu’à devenir médecin. Cela peut être très dangereux ! Les tiers comme le pays sont lésés par le corrupteur et le corrompu.

MFI : Comment lutter contre ce fléau ?

C.T. : Je crois qu’il faut lutter contre la pauvreté morale, la pauvreté intellectuelle et la pauvreté économique. Les trois vont ensemble. On est moralement corrompu d’abord. Parce qu’on n’a pas les capacités intellectuelles requises ensuite, on achète sa place. Parce qu’on est pauvre enfin on tient, à tout prix, à avoir une place rémunératrice. C’est pourquoi je crois personnellement que la lutte est dans le cœur de l’homme. Tant que le cœur n’est pas changé, tant que l’homme n’est pas conscient que la corruption est un mal moral, nous ne ferons rien. C’est pourquoi, dans leur lettre pastorale, les évêques ont proposé une prière contre la corruption qui, dans mon diocèse, est récitée à la fin de chaque messe. Nous mêmes, évêques du Cameroun, avons dû décidé de lutter contre la corruption dans nos écoles catholiques…

MFI : La corruption est-elle particulièrement grave au Cameroun, comme le suggère le classement de Transparency International, ou est-ce un fléau généralisé sur le continent africain ?

C.T. : Je crois que c’est généralisé. Lorsque je rencontre des évêques d’ailleurs, chacun parle de son pays, qu’il connaît, mais on s’aperçoit que c’est partout le même problème. D’ailleurs, quand la conférence épiscopale française a pris la peine de soutenir notre lettre pastorale, elle a souligné que ce fléau ne sévissait pas qu’au Cameroun ! Ce qui est frappant, c’est que la corruption se trouve surtout dans les pays en développement...

MFI : La jeunesse peut-elle imaginer qu’il est possible de fonctionner autrement ?

C.T. : Oui. Les jeunes sont préoccupés par ce sujet qui revient toujours dans les discussions. Lors d’une conférence récente à Bafoussam, une jeune fille a témoigné : elle a échoué au concours d’entrée à l’École normale supérieure, à Yaoundé. Ses parents ont payé, elle a eu une place. Mais elle a refusé d’y aller puisqu’elle ne l’avait pas mérité. Il n’y a rien qui est corrompu en soi, c’est l’homme qui est corrompu. C’est pourquoi il faut une conversion profonde, radicale, autrement on ne peut rien.

Propos recueillis par Ariane Poissonnier Janotto





retour

Qui sommes nous ?

Nos engagements

Les Filiales

RMC Moyen Orient

Radio Paris-Lisbonne

Delta RFI

RFI Sofia