(MFI) La discussion, toujours très instructive, autour des moyens consentis à la coopération et au développement dans le budget 2001 en France, est intervenue cette année dans un contexte de bouleversement planétaire. Les responsables du ministère des Affaires étrangères français ont dû insister pour que la politique d'aide au développement, au lieu d'être éclipsée par les nouveaux enjeux, fasse au contraire l'objet d'un soutien affirmé : face à la récession, les pays en développement risquent d'être les premiers touchés.
Face à la récession mondiale qui pointe à l'horizon 2002, la France veut rester à l'écoute des pays les plus pauvres, notamment africains, dans la mesure de ses moyens. Et ce malgré des ambitions nouvelles dans le cadre de la mondialisation, et en tenant compte de la nécessité de s'impliquer dans la lutte anti-terroriste internationale après les événements du 11 septembre.
Elle prévoit ainsi dans le cadre du budget de la coopération internationale pour l'an 2002 le maintien de ses crédits sur l'Afrique, ainsi qu'une stabilisation du nombre de ses quelques 2 000 coopérants à l'étranger. Il lui faut aussi consentir une mobilisation nouvelle consécutive à la crise en Afghanistan, pour étudier et évaluer les besoins spécifiques en matière d'aide, et ce dans une zone allant du Proche-Orient jusqu'au Pakistan. Ceci ne manque pas d'inquiéter ses partenaires d'Afrique francophone qui s'estimaient déjà lésés par l'ouverture à l'ensemble des pays du continent africain et qui avaient suivi avec inquiétude le processus de fusion du ministère de la Coopération avec celui des Affaires étrangères. Ils redoutent à terme une nouvelle dilution de l'aide qui leur est consacrée.
Maintien de relations privilégiées avec les Francophones
On reconnaît aujourd'hui à Paris qu'il a fallu absorber « le choc administratif » de cette fusion et apprendre à mieux utiliser les compétences des uns et des autres. Les responsables se montrent toutefois confiants quant à l'avenir des relations franco-africaines. « Après tout, malgré l'élargissement et l'ouverture vers des pays africains en dehors de l'ex-champ francophone, nous avons maintenu les relations privilégiées avec la Zone Franc qui absorbe le plus gros des crédits de la coopération avec l'Afrique », souligne l'un d'eux, qui indique que le nouveau budget tient compte des principales préoccupations africaines. Celles-ci vont du maintien global de l'aide publique au développement et de la lutte contre le SIDA à l'appui aux organisations régionales comme l'UMOA et la CEDEAO, en passant par le soutien au développement des nouvelles technologies, à la formation de militaires africains pour des opérations de maintien de la paix (programme RECAMP) et à la lutte anti-terroriste et au combat contre le blanchiment de l'argent sale.
« Nous avons proposé aux Africains de développer la coopération dans ce dernier domaine », indique-t-on de source informée. Autre nouveauté dans ce budget, la prise en compte d'une nouvelle forme d'assistance technique « à durée limitée » qui permettra d'envoyer des coopérants sur le terrain pour des périodes de 2, 3 ou 6 mois, selon leurs compétences et l'expertise qu'ils peuvent apporter, tout en améliorant la situation des recrutés locaux.
Un budget en augmentation...
Le projet du ministère des Affaires étrangères présenté en octobre dernier aux parlementaires, à l'occasion de la discussion du budget, souligne la volonté du gouvernement de mener une « politique résolue en faveur d'une mondialisation maîtrisée » qui s'articule autour de quatre axes prioritaires :
- le renforcement des actions en faveur de la diffusion de la culture, de l'enseignement et de l'information ainsi que l'amélioration de l'aide au développement et des actions de solidarité internationale ;
- l'amélioration des procédures d'accueil et de traitement de la demande d'asile ;
- le suivi de la situation des Français de l'étranger, en particulier dans les domaines de la protection sociale et de l'enseignement ;
- la poursuite de la modernisation du ministère.
Ce budget 2002 prévoit une enveloppe financière de 22,4 milliards de francs, en progression de 1,3% par rapport à l'exercice 2001, soit une légère augmentation pour la troisième année consécutive. Si l'on y ajoute certaines dispositions techniques (il s'agit de la contribution française au Fonds Européen de Développement (FED), transférée du budget des charges communes), le nouveau budget du ministère français des Affaires étrangères atteint ainsi 23,8 milliards de francs. Il traduit, dans un cadre rénové et simplifié, la priorité donnée à la coopération internationale et à l'aide au développement, indique le Quai d'Orsay. On précise que l'accent est mis sur la diffusion de la culture, de l'enseignement et de l'information, sans oublier les actions de coopération et d'aide au développement.
... où l'aide publique en développement reste en bonne place
Ainsi les financements dévolus aux actions de coopération et d'aide au développement (notamment crédits d'intervention culturelle, Fonds de Solidarité Prioritaire, dons-projets de l'Agence Française de Développement) augmentent d'environ 115 millions de francs. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération, a défini à cette occasion cette politique et les principes qui la régissent. « L'économie mondiale sera sans nulle doute affectée par les conséquences des attentats commis le 11 septembre aux États-Unis, et les pays en développement seront les premiers touchés. Il est donc plus que jamais indispensable de poursuivre les actions de coopération et d'aide au développement, sans céder à la tentation de les reléguer au second plan », a-t-il dit.
« Il le faut d'autant plus que la mondialisation suscite des critiques qui risquent de creuser l'incompréhension entre le Nord et le Sud. Dans un tel contexte, la coopération doit être considérée pour ce qu'elle est : l'un des outils nécessaires à la construction d'un monde plus sûr et plus équitable », a-t-il ajouté. Pour Charles Josselin, la lutte contre le terrorisme international est d'autant plus complexe que le consensus qui transparaît dans les discours officiels est souvent en décalage avec l'opinion publique, une preuve sanglante ayant été donnée au Nigeria (où ont eu lieu des affrontements entre musulmans et chrétiens).
Répondant indirectement à une demande pressante des Africains, il a aussi laissé entendre que la France était prête à aller plus loin dans son aide post-conflit et de sortie de crise, ainsi que dans l'allègement de la dette des pays pauvres très endettés, jugée insoutenable. Il a ainsi précisé que Paris - qui a donné une impulsion importante à l'annulation de l'endettement des plus pauvres –approuve la perspective de l'assouplissement des critères de « soutenabilité de la dette », pour tenir compte de l'aggravation vraisemblable de la situation des pays les plus endettés.
Marie Joannidis