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MFI HEBDO: Politique Diplomatie Liste des articles

14/02/2002
L'africanisme en France (1) : Le bel âge de Politique africaine

(MFI) Les africanistes français ont leur revue de référence : il s'agit de Politique africaine, qui vient de fêter ses vingt ans d'existence. Si le contenu a évolué, on y trouve toujours ce même regard croisé de spécialistes de différentes disciplines, qui privilégient l'examen d'une société vue « par le bas ».

« Une jeunesse », pourrait-on dire de la revue Politique africaine en considérant ses vingt ans de parcours. « Une jeunesse », comparée aux quarante années des cahiers belges du CEDAF, rebaptisés « Cahiers africains », et au siècle d'existence de « African Affairs » au Royaume-Uni. Mais il est vrai que les Britanniques possèdent l'art de repeindre la façade de leurs traditions. Vingt ans, c'est l'âge des publications africanistes qui ont voulu briser le prisme colonial. Celles qui ont senti que les crises économiques et politiques allaient se présenter en cascade et que les outils des sciences sociales avaient besoin de réaffutage. « Les études africaines étaient le pré carré du droit et des matières juridiques, des concepteurs des constitutions africaines » se souvient Jean-François Bayart, le premier rédacteur en chef. « Il nous fallait aussi être indépendant financièrement des universités ». Sur une telle déclaration à la fois de rupture et d'autonomie, quelques chercheurs devaient finir pas se rassembler, même si les réunions éditoriales de l'époque créaient quelques désagréments, en s'éclatant entre Paris et Bordeaux.

Regard sur le… terrain

Du premier numéro « La politique en Afrique noire: le haut et le bas » à la dernière livraison (n°84) « RDC: la guerre vue d'en bas », les rédacteurs ont construit leur marque de fabrique. « Le bas », expression entrée désormais en littérature africaine et à laquelle on acoquine souvent « d'en bas », désigne le terrain et ses acteurs. Pour la revue, les analyses et les études tirent leur force de la rue : dans l'écoute d'une cassette de musique bien balancée ou d'un prêche, au détour des distilleries clandestines des bidonvilles, ou dans les ateliers du petit commerce informel. Des rires ou des émeutes. A Politique africaine, on sort la loupe avant de décider à quels grands thèmes ou courants se raccrochent les faits de la vie quotidienne. La sociologie, l'anthropologie sociale et l'histoire politique prennent le dessus dans les articles, jusqu'à quelquefois se caricaturer, et vingt ans après, recréer une forme de pensée conformiste. « Les défauts inhérents à la construction d'une carrière universitaire » reconnaît volontiers un collaborateur.
En 1999, Politique africaine abandonne le Centre d'Etudes d'Afrique noire de Bordeaux où elle avait établi son QG et s'installe au centre Malher à Paris. Une modification de la maquette et des rubriques marquent le changement. Le traitement de l'actualité se fait plus pressant pour ce trimestriel et ses pages intègrent des documents « bruts ». Cet ajustement alourdit la tâche de Richard Banégas, le nouveau rédacteur en chef, qui fait appel à Roland Marchal pour partager ses responsabilités en décembre 2001. Visant à « croiser les réseaux de recherche », l'équipe a intégré deux chercheur(e)s étrangers et entend développer ses collaborations avec les universités africaines. Avec un réseau d'environ 800 abonnés, la revue occupe la deuxième place des publications du Centre National de la Recherche Scientifique.

Marion Urban


Jean Copans : portrait d'un anthropologue mobile

(MFI) Comment devient-on « africaniste » ? « Un coup de foudre », répondait le cinéaste Jean Rouch, en se référant aux pionniers de la discipline, et donc, à lui-même. Pour Jean Copans, le lien avec le continent africain s'est noué autour des émissions radio de son père : on y parlait de musique noire, noire américaine.
Quatre fées ont présidé au cursus universitaire de ce chercheur français, new yorkais de naissance : l'histoire, la géographie, la sociologie et l'ethnologie. Professeur de sociologie, « l'astrologie des sciences sociales » ironisera-t-il, à l'occasion d'une affaire houleuse de doctorat usurpé, il se définit aujourd'hui comme « anthropologue ». « C'est là où je me sens le mieux » confesse-t-il. Une barbe de missionnaire, un regard clair, un esprit vif qui accroche les dérives d'un mot ou d'une expression, à 59 ans Jean Copans fait toujours ses valises et court après les avions. Son premier contact avec les sociétés africaines remonte à 1965, en Côte d'Ivoire où il sillonna les rues d'Abidjan pour le compte d'une « entreprise », puis le Sénégal. De la Sorbonne, il entre à l'École des Hautes Études des Sciences Sociales, avant d'être nommé à Nairobi au Kenya en 1985. Au cours des quatre années de son séjour, les Afriques orientales et australes s'ouvrent à lui. « Les » : Jean Copans insiste sur l'emploi du pluriel, « la généralisation africaine est une attitude paresseuse. Que diriez-vous si on appliquait cette globalisation à l'Europe: il n'y aurait plus de distinction entre France, Suède ou Espagne mais l'Europe ? » En Afrique du Sud, il trouve matière à nourrir sa réflexion sur une possible « anthropologie sans frontières » et suit « la longue marche de la modernité africaine » (titre d'un ouvrage publié en 1990). Directeur de la collection « Hommes et sociétés » aux éditions Karthala, il collabore régulièrement à des revues spécialisées internationales. Ses centres d'intérêt : les mondes ouvriers. Mais il ne dédaigne pas, on l'aura compris, questionner sa science.

M. U.




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