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04/04/2002
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Elections 2002 au Mali (3) : Les Femmes à la conquête du pouvoir ?
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(MFI) « Femmes et processus électoral »… c’est ce thème significatif que les Maliennes ont choisi pour célébrer le 8 mars, journée internationale de la femme. Les élections leur fournissent un terrain pratique d'application. Non sans obstacles à dépasser… Cet article a été réalisé pour MFI en partenariat avec la Maison de la Presse de Bamako.
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A l'occasion du 8 mars, le ministère malien de la promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille a affirmé vouloir « s’investir davantage pour que les femmes expriment mieux leur citoyenneté et s’affirment en tant que candidates et électrices ». Cette prise de conscience qui s’est amorcée depuis la conférence mondiale de Bejing s’est confirmée au Mali à l’issue des élections de 1997 avec l’élection de 11 femmes maires sur 703 élus, soit 1,6 % ; 281 conseillères communales sur 8 134, soit 3,4 %… et 18 femmes députés sur un total de 125, soit 12 %. Ces résultats, largement en dessous de la moyenne, (51,2 % de la population malienne étant du sexe féminin) doivent inciter les femmes à ne pas s'endormir sur leurs lauriers.
Objectif : 30 % !
L’objectif global pour les échéances électorales de 2002, tel que révélé par Mme Somé Mariam (direction nationale de la promotion de la femme), est de doubler la mise pour les futures élections. Fatoumata Siré Diakité, présidente de l'Association pour le Progrès et la Défense des droits de la femme (APDF), qu'un hebdomadaire américain a classé parmi les 100 femmes qui font trembler la planète, réclame, elle, pour les législatives un quota de 30 %. Le non-respect du quota entraînerait le boycott des femmes, a menacé la présidente de l'APDF ! Concernant l’élection présidentielle, « leurs voix iront pour le candidat qui prendra en compte leurs préoccupations » et Fatoumata Siré a invité les femmes à se présenter massivement aux échéances électorales et « à ne plus se laisser berner par des promesses creuses pour soutenir uniquement les candidatures masculines ».
A cet effet, la mobilisation a été générale du côté des associations féminines, dont on ne compte plus le nombre de sessions de formation en direction des femmes « afin de mieux les préparer psychologiquement, idéologiquement et socialement, à jouer et assurer la responsabilité que la nation est en mesure d’attendre d’elles ». Pour Mme Soumaré Assa Diallo, présidente du Comité d’Action pour la défense de l’enfant et la famille (CADEF) « le temps est révolu où les femmes servaient d’instruments électoraux ».
Mais les obstacles demeurent, à commencer par les pesanteurs socioculturelles, et le manque de confiance et d’homogénéité du corps social féminin. Si Mme Somé balaye la question des pesanteurs, car « c’est dans le milieu rural où il y a le plus de femmes maires », elle explique le manque de confiance par le fait que « la femme n’aime pas se faire désavouer par son environnement, donc l’instinct de protection l’empêche de s’engager ».
Une candidate peu soutenue par les… femmes
Une autre explication soutenue par notre interlocutrice, c’est la non préparation des femmes à la carrière politique, la sous-information et surtout la pauvreté. « Pour une bonne campagne, il faut avoir de l’argent. Qui va financer la femme ? » s’interroge-t-elle. Le manque d’homogénéité est aussi un handicap. Ainsi les préjugés entre femmes des services publics et des associations ne manquent pas. La plupart des femmes ont aussi un pied dans une association dite apolitique et l’autre dans un parti. Et comme le confesse Mme Traoré Oumou Touré, présidente de la coordination des associations et ONG féminines (CAFO), « très souvent, le parti politique de la femme est celui de son mari ou celui de la famille de ce dernier. L’électorat féminin se paye, on le dirige en donnant des pagnes, tee-shirts ou en organisant des soirées culturelles aux frais du candidat ».
Une seule femme s’est placée comme candidate indépendante dans la course présidentielle, face aux 24 hommes candidats : Sidibé Hawa Sanogo, technicienne en chimie âgée de 52 ans (elle compte six enfants et cinq petits-fils). Même si ses sœurs ne désapprouvent pas ouvertement sa candidature, elle n'a reçu de soutien formel ou tacite d’aucune association féminine. Une responsable d’organisation féminine estime que « pour elle, c’est difficile. C’est qu’elle est candidate indépendante. Or ajoute-t-elle je suis dans un parti et je ne peux voter contre notre candidat au nom de la solidarité féminine ». Et notre interlocutrice de suggérer : « Il faut qu’on se batte pour qu’un parti présente la candidature d’une femme ». Finalement, comme pour donner raison à ces réserves, la candidature de Sidibé Hawa Sanogo n’a pas été retenue par la Cour constitutionnelle…
Entre la volonté de conquête du pouvoir par les femmes et la réalité, le fossé reste profond. Même s'il faut reconnaître avec Adam Bah Konaré, l’épouse du chef de l’État qui est aussi historienne, dans son ouvrage Femmes « bâtisseurs » d’Afrique, que le développement du Mali sera difficile « en laissant à la traîne la plus grande partie du peuple ». C’est pourquoi elle soutient que « la solidarité est une exigence vitale pour le salut, voire la survie de l’ensemble de la communauté ». Les hommes doivent donc être solidaires des femmes.
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Oumar Maïga (Le Courrier)
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