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16/08/2002
Le 11 septembre, vu d’Afrique (3) : Le pire reste-t-il à venir ?

Après les attentats du 11 septembre, le monde a basculé. Et il a basculé parce qu’il vacillait depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Rupture accéléré par l’éclatement du bloc socialiste avec, dans son sillage, l’atomisation de l’Union Soviétique et la chute du mur de Berlin. Un monde multipopulaire cédait la place à un nouveau, unipopulaire. Celui-ci dominé par une seule super-puissance : les Etats-Unis d’Amérique. Mais pour combien de temps, car déjà émergent de nouvelles super-puissances : l’Union Européenne, la Chine ? Les attentats du 11 septembre ont donc sonné le glas d’un monde et de confrontations internationales telles qu’elles s’étaient produites pendant tout le vingtième siècle.

Que visaient les attentats ?

Pour la première fois, des attentats n’ont pas été revendiqués et n’ont donc été accompagnés d’aucun texte, d’aucune déclaration, d’aucune revendication, où leurs instigateurs auraient pu fournir des arguments de quelque nature que ce soit pour justifier leurs actes. C’est dire que l’on ne peut que spéculer sur les intentions et les objectifs visés par les commanditaires et les exécuteurs de ces attaques. Ainsi, peut-on avancer l’hypothèse qu’à travers les cibles, ces commanditaires voulaient frapper les symboles de la super-puissance américaine : à savoir ses puissances économiques et militaires. Pour la première fois, on aurait alors affaire à une guerre relevant du symbolique.
Si l’on retient cette approche, on peut comprendre qu’il n’y ait eu ni revendication, ni explications. Les cibles parlant d’elles-mêmes. Les finalités de l’acte résideraient dans la nature de l’acte lui-même.
Autre objectif : porter la confrontation sur le sol américain lui-même. C’est là aussi une première. Les États-Unis ont toujours livré leurs guerres en dehors du territoire américain : la Corée, le Vietnam et autre Somalie. Ce faisant, démonstration devait être faite que l’Amérique était vulnérable, malgré sa CIA, son FBI et les dizaines d’autres services de sécurité et de renseignement. Autre « nouveauté » : les attaquants n’ont pas utilisé des armes sophistiquées mais ont transformé des avions américains en bombes volantes en acceptant de mourir tout en donnant la mort.
De tout ce qui précède émergerait l’idée que l’on serait en face d’une nouvelle guerre, d’un nouveau genre de confrontation, d’une nouvelle stratégie. Celle qui mettrait en présence deux ennemis, l’un connu, étatique, disposant d’une armée et d’armes ultra-sophistiquées, l’autre sans visage, sans tenue, sans ancrage et utilisant des moyens presque rudimentaires, mais disposant d’une foi inébranlable et à la recherche du sacrifice suprême.


Au-delà des attentats

Ce qui retient l’attention en premier lieu, c’est ce qu’ont fait émerger ces attentats à travers le monde. Des sentiments de haine vis-à-vis des États-Unis, dans le Tiers-Monde et principalement dans le monde arabo-musulman, et une peur en Occident. Un peu partout et tout en condamnant ces attentats, des milliards d’être humains ont accusé l’Amérique d’arrogance, de se comporter d’une manière impériale, écrasant tout sur son passage et ne prenant en considération que ses intérêts. Une telle haine et une telle peur auraient dû pousser les États-Unis à une réflexion, à une remise en question de leur comportement et de leur politique économique, militaire et diplomatique, à prendre conscience que le monde a changé, que les rapports Nord-Sud devaient être repensés de fond en comble.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas mener une lutte sans merci contre le terrorisme. Mais celle-ci ne peut être gagnée uniquement par les moyens répressifs et militaires, encore moins par des guerres tous azimuts. Encore faut-il que l’on précise ce que l’on entend par terrorisme. Cette lutte, pour être gagnée aussi, doit remédier aux causes économiques, politiques et sociales qui nourrissent terrorisme et fanatisme, poussent au désespoir et fabriquent des bombes humaines.


Myopie politique

Si l’Europe a pris conscience qu’il fallait aller au-delà des attentats, qu’il fallait se pencher sur les causes structurelles qui alimentent le terrorisme, ce ne fut pas le cas des États-Unis. Ceux-ci ne semblent pas avoir tiré les leçons qui s’imposent, croyant toujours qu’ils peuvent militairement – et uniquement militairement – venir à bout de ce genre de terrorisme. Le président Bush, au lieu d’être un président visionnaire, se comporte comme un shérif dégainant plus vite que son ombre, parti en croisade contre ce qu’il appelle le mal, avec une approche simpliste, manichéenne : d’un coté les bons, de l’autre les méchants, proclamant que ceux qui ne sont pas pour lui sont contre lui, contre son pays et contre les valeurs qu’il croit uniquement occidentales. Il ne se rend pas compte qu’il amène son pays à une défaite certaine, à plus ou moins longue échéance. Les États-Unis ne peuvent livrer bataille partout dans le monde ad vitam aeternam.


Une guérilla et une guerre d’usure

Son expédition en Afghanistan et les résultats enregistrés jusqu’ici devraient l’inciter à plus de prudence et à percevoir les choses différemment. Ainsi, malgré tous les moyens déployés, Ben Laden court toujours, ainsi que le Mollah Omar, le régime mis en place sous la direction de Karzaï est de plus en plus vacillant, l’armée américaine affronte déjà une guérilla et une guerre d’usure qui risquent de se transformer pour ses soldats en un nouveau Vietnam.
Mais déjà il se prépare à attaquer l’Irak, en attendant de s’en prendre à l’Iran, tout en apportant un soutien inconditionnel à Sharon qui a fait du terrorisme d’Etat, du mépris du droit international, sa seule politique. Le président Bush ne s’est pas rendu compte, par ailleurs, que la majorité de ceux qui ont perpétré les attentats du 11 septembre sont originaires des pays du Golfe et principalement de l’Arabie Saoudite, des pays considérés comme de sûrs alliés de son pays.


Le monde arabe et le 11 septembre

Sur le plan interne, sa guerre contre le terrorisme l’a conduit à restreindre les libertés dans son pays même et à porter atteinte à cette démocratie au nom de laquelle il prétend mener sa guerre. Par son aveuglement aussi, il est en passe de creuser un fossé avec une Europe qui essaye de rester lucide et qui refuse l’aventurisme, sans parler d’un monde arabo-musulman qui réclame une politique américaine plus équilibrée au Moyen-Orient et l’accession des Palestiniens à tous leurs droits.
Les attentats de Washington et de New York ont ébranlé le monde arabe et fait ressortir les récriminations de la rue arabe, mettant ses dirigeants dans une situation des plus intenables.


Attaque contre l’Irak

Et si, aujourd’hui, ils sont arrivés, tant bien que mal, à gérer cette rue, une attaque contre l’Irak risque de les emporter et de leur substituer des régimes extrémistes et fanatiques. Mais le 11 septembre a aussi poussé le monde arabo-mulsulman à briser bien des tabous et à appeler à une rénovation de l’islam, et à l’instauration d’une réelle démocratie dans ces pays musulmans. Le monde, aujourd’hui, retient son souffle et se demande si le pire n’est pas à venir.

Par Khalid Jamaï,
Chroniqueur à l’hebdomadaire Le Journal (Maroc)


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