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29/08/2002
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Rwanda-génocide: un nouveau souffle pour le Tribunal international
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(MFI) L’arrestation début août en Angola du général Augustin Bizimungu, ancien chef d’Etat major des forces armées rwandaises (FAR), accusé de génocide, pourrait donner un nouveau souffle au tribunal pénal international des Nations Unies pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha devant lequel il comparaît.
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Le génocide de 1994 au Rwanda qui a fait, selon les estimations, de 800 000 à un million de victimes parmi l’ethnie minoritaire tutsie – désormais au pouvoir - et les Hutus modérés, reste une plaie ouverte aussi bien pour l’Afrique que pour la communauté internationale qui n’est pas intervenue pour l’arrêter.
Cette arrestation coïncide avec la volonté affichée des Etats-Unis, principal bailleur de fonds du TPIR, qui préside actuellement le Conseil de sécurité de l’ONU, de renforcer ses structures afin de le rendre plus efficace.
Le soutien au TPIR contraste avec les réserves américaines concernant la Cour pénale internationale créée en juin dernier pour juger les crimes contre l’humanité. Washington veut en effet éviter que ses ressortissants impliqués dans des opérations de maintien de la paix à l’étranger ne risquent un jour des poursuites devant cette instance. « Avec le TPIR, il n’y a pas de risque puisque depuis l’opération en Somalie au début des années 90 qui avait coûté la vie à dix huit militaires américains, aucun de leurs soldats ne participe à une opération sur le sol africain », note, avec une certaine ironie, un observateur africain.
A propos du Rwanda, le gouvernement américain a décidé de financer une « importante expansion » du tribunal, qui est composé de juges de plusieurs pays africains, européens, asiatiques et américains. Sous son impulsion, le Conseil de sécurité a décidé de créer à la mi-août un groupe de 18 juges temporaires (ad litem) afin d’aider le TPIR à terminer son travail dans les délais les plus courts. Quatre juges seront tirés au sort parmi les 18 pour renforcer le Tribunal. Le Conseil de sécurité a demandé au secrétaire-général des Nations-Unies, Kofi Annan, d’organiser le plus rapidement possible l’élection des 18 juges et de fournir au tribunal le personnel auxiliaire nécessaire pour les assister.
« Récompense pour la justice »
Afin de donner une impulsion supplémentaire à la recherche des « génocidaires », l’ambassadeur itinérant américain pour les crimes de guerre Pierre-Richard Prosper a lancé une campagne de « récompense pour la justice » (Reward for Justice) promettant jusqu’à cinq millions de dollars en échange de renseignements permettant d’arrêter les principaux organisateurs du génocide rwandais de 1994. Augustin Bizimungu figurait parmi les neuf personnalités les plus recherchées dont les photos ont été publiées par les Américains.
Sa capture intervient également au moment où le président rwandais Paul Kagame vient de conclure un protocole d’accord avec son homologue congolais Joseph Kabila prévoyant le désarmement et le rapatriement des milices Interahamwe impliquées dans le génocide se trouvant en RDC, contre le retrait des troupes rwandaises qui occupent l’est du pays.
Kigali justifie sa présence militaire par la volonté de protéger ses frontières contre des incursions armées de miliciens hutus impliqués dans le génocide.
L’Angola, qui soutient militairement Kinshasa, joue un rôle important dans la recherche d’un règlement pacifique du conflit en RDC. Ironie du sort: alors que les autorités de Luanda soupçonnaient Kigali de complicité avec la rébellion armée angolaise de Jonas Savimbi, en particulier pour l’écoulement de diamants de contrebande, Augustin Bizimungu se cachait en effet parmi les soldats démobilisés de l’Unita. En fait, c’est l’actuel chef du mouvement rebelle Paulo Lukamba Gato qui en a informé aussi bien les autorités angolaises que les Américains, lesquels ont fait pression auprès de Luanda pour sa remise au TPIR.
Le général Bizimungu qui, pour le moment, plaide non coupable, était l’un des 68 militaires de nationalité rwandaise ainsi que 538 autres militaires originaires de la RDC ayant trouvé refuge dans les zones contrôlées par l’Unita.
Le gouvernement angolais a décidé de remettre ces étrangers à l’ONU, en conformité avec les dispositions du protocole d’accord signé le 4 avril dernier entre les forces armées angolaises et celles de l’Unita qui a marqué la fin d’une guerre civile de 27 ans et la défaite militaire du mouvement après la mort de Jonas Savimbi le 22 février dernier.
Incompétence et corruption
Le Rwanda, tout en se félicitant de l’arrestation de Bizimungu par les autorités angolaises a cependant déploré le fait qu’il ait été confié aux représentants du TPIR qui l’ont escorté à Arusha au lieu d’être remis au gouvernement de Kigali.
Car les relations entre le TPIR et le Rwanda ne sont pas au beau fixe. Le procureur général du tribunal Carla del Ponte, de nationalité suisse, s’est récemment plainte d’une coopération insuffisante des autorités rwandaises qui, selon elle, risque de retarder les travaux. Kigali a vivement rejeté cette critique, accusant le TPIR de mauvaise gestion, « d’incompétence et de corruption dont lui seul est responsable ».
Le président sud-africain du tribunal Navanethem Pillay a répliqué en faisant état des difficultés rencontrées à obtenir des témoins du Rwanda pour les procès en cours. Dans un lettre adressée au Conseil de sécurité de l’ONU, il a mis l’accent sur l’importance de l’indépendance et de l’impartialité du TPIR et l’obligation de tous les Etats, y compris le Rwanda, de coopérer avec lui.
Le TPIR a été créé en 1994 par le Conseil de sécurité de l’ONU qui a fixé en 1995 son siège à Arusha en Tanzanie. Critiqué pour la lenteur de ses procédures en dépit d’un budget considérable qui avoisinait 94 millions de dollars en 2001, il n’a prononcé que neuf jugements – huit inculpations et un acquittement – depuis sa mise en place effective en 1996.
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Marie Joannidis
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