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06/12/2002
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Les élections au Kenya (2) : L’héritage d’Arap Moi
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(MFI) Le « Vieux » a donc décidé de se retirer après un quart de siècle de pouvoir absolu. Il laisse un pays aux apparences de stabilité, qui est ruiné et ravagé par la corruption.
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Âgé aujourd’hui de 78 ans, Daniel Arap Moi, instituteur de formation, a entamé sa carrière politique dès 1955, alors que le pays était encore sous tutelle britannique. Membre de la KADU (Union démocratique africaine du Kenya) qui milite pour un Etat basé sur des territoires « ethniques », il rallie cependant la KANU (Kenyan African National Union) et la cause nationale en 1961. Après avoir fait ses classes dans l’ombre de Jomo Kenyatta, - de l’ethnie kikuyu -, il prend sa succession à la tête de l’Etat en 1978. Il se lance alors dans un programme de réformes, pourfendant la corruption et la tribalisation de la vie politique tout en renforçant les pouvoirs de l’armée. Les critiques ne manquent pas et des membres de la KANU décident de créer un nouveau parti. Daniel Arap Moi répond en instaurant un régime de parti unique en mai 1982. Trois mois plus tard, le pays connaît une « révolte » de l’armée de l’air, assimilée à une tentative de coup d’Etat.
A ses débuts, le président bénéficie d’un préjugé favorable : du fait de son appartenance à l’ethnie minoritaire des Kalenjin, on lui prête des qualités d’arbitrage. Mais il apprend très vite à jouer avec le facteur ethnique dès lors qu’il s’agit de flatter l’un ou l’autre groupe tribal. Comme Jomo Kenyatta, il sait acheter les gêneurs… ou les supprimer, en donnant une apparence libérale au pays. Cependant, sous la pression populaire,- et celle de la communauté internationale-, il rétablit le multipartisme en 1991. Aussitôt, ses agitateurs se mettent au travail et provoquent des conflits entre Kikuyu et groupes Kalenjin dans la vallée du Rift. Bilan : 1 000 morts et 250 000 déplacés. Une réforme sur le mode d’élection permet à Daniel Arap Moi de remporter les élections de 1992 avec seulement 35 % des suffrages.
Une profonde dégradation économique
Pourtant, la situation économique se dégrade : le Fonds monétaire international et la Banque mondiale gèlent leurs financements, exigeant rigueur budgétaire et privatisations. Les élections de 1997 se déroulent à nouveau dans un climat de violences. La population réclame une réforme constitutionnelle. Daniel Arap Moi la lui promet ; l’opposition est divisée : il gagne. Autocrate et manipulateur, il préside désormais un gouvernement corrompu et clientéliste sur lequel l’appareil judiciaire se casse les dents. Selon la revue The Economist, en 2002 le Kenya est cinq fois plus pauvre qu’au début de la présidence de Daniel Arap Moi. L’économie connaît un taux de croissance négatif (-3 %). Les services de santé et d’éducation se sont effondrés. La corruption généralisée a miné les infrastructures de base (électricité, eau, routes, télécommunications) et érodé la confiance des investisseurs étrangers et locaux. Le chômage et la criminalité se sont largement répandus. Daniel Arap Moi et la KANU ne peuvent plus compter sur l’image de stabilité que le Kenya avait jusque là pour séduire les électeurs.
Marion Urban
Les femmes, au second rôle
(MFI) Cette fois-ci, il n’y aura pas de candidate à la présidence de la république comme en 1997. Cette année-là, Charity Ngilu du parti démocratique et social avait obtenu 7,8 % des suffrages ; aujourd’hui, elle s’est ralliée à Mwai Kibaki. Mais, son exemple et son courage – il en a fallu puisqu’elle a été agressée plusieurs fois physiquement ! – n’ont guère fait d’émules. Pour les élections parlementaires, 44 femmes sur 1 037 candidats ont réussi à décrocher la nomination de leur parti. Les hommes ne se sont pas gênés pour tricher, annulant les désignations des gagnantes dans certaines circonscriptions pour accorder leur faveur aux perdants. Il est vrai que la tradition politique kenyane est plutôt misogyne : le Parlement comptait neuf femmes sur 222 députés dans sa dernière législature, dont six désignées par le Président.
M. U.
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