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20/01/2003
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France-Afrique : Congo Brazzaville : la normalisation à petits pas
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(MFI) Ensanglanté par une décennie de guerres civiles, le Congo Brazzaville est entré en 2002 dans une phase de normalisation même si des troubles persistent dans le Pool, la région qui entoure la capitale.
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Le président Denis Sassou Nguesso, revenu au pouvoir par les armes en octobre 1997, à la suite d’une guerre civile entre ses milices et celles de son prédécesseur Pascal Lissouba, qui vit à présent en exil à Londres, peut s’estimer satisfait. Il a gagné haut la main l’élection présidentielle du 10 mars 2002, puis les élections législatives. Il a renoué avec les bailleurs de fonds et n’a pas de problème majeur avec ses voisins.
L’Angola, qui était venu militairement à son secours en 1997, a retiré les dernières de ses troupes en décembre. Les dirigeants des deux pays, anciens alliés marxistes, ont toujours entretenu des liens étroits d’autant plus que l’enclave pétrolière angolaise du Cabinda est frontalière avec le Congo Brazzaville. Luanda avait justifié son intervention militaire au Congo par le souci de combattre le régime de Lissouba, accusé de complicité avec l’opposition armée angolaise de l’Unita.
Brazza-Kinshasa : le strict minimum
Le pays maintient des relations correctes avec son voisin de l’autre côté du fleuve, la République démocratique du Congo (RDC), même si elles ne sont pas particulièrement cordiales. « C’est comme si ces deux pays qui se font face se tournaient le dos », souligne un commentateur diplomatique. Brazzaville est située en face de Kinshasa, sur le fleuve Congo. Denis Sassou Nguesso est proche de Jean-Pierre Bemba, chef du MLC, l’un des mouvements rebelles de la RDC, sans pour autant s’impliquer dans le conflit. Mais il n’a pas pu jouer le rôle de médiateur qu’il convoitait même s’il a contribué à des contacts entre le président Joseph Kabila et Bemba d’une part, et le chef du MLC et Moustapha Niasse, le représentant personnel du secrétaire général de l’Onu pour la RDC, d’autre part.
Egalement soucieux de préserver la paix au nord, à la frontière avec la République centrafricaine, et d’éviter l’afflux supplémentaire de réfugiés, il a gardé une certaine neutralité face aux troubles qui ont secoué ce pays.
Processus électoral dénoncé, reprise des aides
Le président, qui avait déjà dirigé le Congo de 1979 à 1992, à la tête d’un parti unique, le Parti Congolais du travail (PCT), toujours au cœur de l’alliance au pouvoir, reste confronté à une opposition profondément divisée qui a dénoncé le processus électoral tout en y participant. Le président congolais avait lancé, en 2001, un dialogue « sans exclusive » sous la pression notamment des bailleurs de fonds. Ce qui avait permis le retour de la plupart des opposants. Mais Pascal Lissouba, premier président démocratiquement élu de la République du Congo au début des années quatre-vingt-dix et son Premier ministre de 1997, Bernard Kolelas, réfugiés à l’étranger, en ont été exclus et ont été condamnés à mort par contumace.
Depuis avril dernier, Sassou Nguesso qui a réorganisé la direction de l’armée à la fin de l’année écoulée, fait face à une rébellion menée par les miliciens Ninjas du pasteur "Ntoumi". Ce dernier se pose en successeur de Kolelas, chef d’une secte mystique ayant beaucoup d’adeptes parmi la population Lari du Pool. Le président congolais a lancé, à la fin de l’année 2002, un appel pour la paix aux miliciens Ninjas et proposé l’ouverture de « corridors humanitaires ».
Le Congo avait bénéficié d’une assistance post-conflit du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale après la guerre civile de 1997. Mais la reprise des combats, fin 1998, avait interrompu ces programmes. L’aide a repris en novembre 2000 à la faveur de l’engagement du président Sassou Nguesso d’entreprendre des réformes économiques et de lancer le dialogue politique. L’Union européenne, sous l’impulsion de la France, principal partenaire du Congo, a elle aussi fini par reprendre son aide après l’avoir suspendue, en 1997, sous la pression notamment des pays du nord de l’Europe et des Verts français, qui accusaient Sassou Nguesso d’avoir renversé un président démocratiquement élu dont le mandat était toutefois arrivé à expiration. « La France est pratiquement le seul pays membre qui s’intéresse vraiment au Congo », a estimé récemment un responsable de la Commission européenne à Bruxelles.
Initiative PPTE pour le quatrième producteur de pétrole subsaharien
Car si Brazzaville lorgne du côté des Américains qui s’intéressent à son pétrole, Paris reste son principal bailleur de fonds. Et ce malgré quelques points de friction entre les deux pays, comme les négociations difficiles toujours en cours avec le groupe pétrolier TotalFinaElf, ou l’action en justice dont est saisie le tribunal de Meaux en France sur les « disparus du Beach » de Brazzaville – un dossier qui irrite profondément les autorités congolaises qui nient toute implication.
Le président congolais a tiré avantage du souhait des grandes puissances de voir une certaine stabilité revenir dans un pays voisin de la RDC – où la paix reste toujours fragile. Avec une population de trois millions d’habitants, le Congo Brazzaville est le quatrième producteur de pétrole de l’Afrique sub-saharienne après le Nigeria, l’Angola et le Gabon. Mais la guerre civile a détruit la plupart de infrastructures, à l’exception de celles du port de Pointe Noire, base des compagnies pétrolières qui opèrent dans l’offshore congolais. Le pays est aussi lourdement endetté et la population appauvrie par les conflits successifs.
Sassou Nguesso a promis des réformes économiques et s’est engagé à lutter contre la corruption endémique afin de favoriser la reconstruction de son pays. Il doit aussi régler au cours des deux années à venir le problème de la réintégration des déplacés et des réfugiés qui rentrent, mais aussi de ceux qui fuient les troubles dans les pays voisins, sans oublier la réinsertion des soldats et miliciens démobilisés. « 2003 est pour le Congo une année déterminante : non seulement elle est l’année du programme du septennat mais surtout celle au cours de laquelle nous espérons conclure avec le FMI et la Banque mondiale un programme décisif qui devrait nous faire accéder à l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) », a souligné début janvier le chef d’Etat congolais.
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Marie Joannidis
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