Placée sous le signe du partenariat, terme très à la mode pour définir désormais les relations entre riches et pauvres, cette conférence permet de mettre à plat et de manière informelle l’ensemble des problèmes auxquels est confronté le continent africain, en commençant par la paix et la sécurité mais aussi le développement, « notions indissociables », selon un observateur diplomatique.
Le chef de l’Etat français Jacques Chirac qui préside ce sommet comme il le fera en juin prochain à Evian dans le sud de la France pour celui du G8 (les sept pays les plus industrialisés du monde et la Russie), a invité à Paris du 19 au 21 février la plupart des dirigeants africains, qui ont répondu nombreux à son appel.
Seules exceptions à cette invitation, le colonel libyen Mouammar Kadhafi, dont le pays est toutefois sur la liste des participants, et les Somaliens qui n’ont toujours pas réussi à recréer un véritable Etat.
L’invitation du président du Zimbabwe Robert Mugabe, critiqué pour sa politique envers les fermiers blancs et la répression de l’opposition, a suscité un tollé en Grande-Bretagne, l’ancienne puissance coloniale de ce pays, mais non pas en Afrique qui n’a jamais voulu le mettre au ban de ses instances continentales ou régionales.
La France estime en fait qu’on ne peut être « plus royaliste que le roi » et qu’il vaut mieux dialoguer avec Mugabe pour lui exprimer « l’exigence de respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit ».
L’Angola se pose en potentiel rival de l’Afrique du Sud
Paris s’est aussi senti conforté à cet égard par la demande du président nigérian Olusegun Obasanjo de réintégration du Zimbabwe au sein du Commonwealth dont il a été suspendu voilà près d’un an.
L’Union européenne avait adopté en février 2002 des sanctions concernant, entre autres, les déplacements d’un certain nombre de personnalités zimbabwéennes (dont Robert Mugabe et son épouse) qui arrivent à expiration le 18 février 2003, à la veille du sommet de Paris. L’UE devrait les renouveler tout en autorisant la venue à Paris du président Mugabe dans le cadre d’une dérogation ponctuelle.
Mais la question reste posée quant à sa participation au sommet eurafricain qui devait se tenir à Lisbonne en avril prochain et qui risque, selon des sources informées, d’être reporté en raison de ce problème. En novembre dernier, le refus du Parlement européen de recevoir des ministres zimbabwéens à l’Assemblée parlementaire UE-ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) avait provoqué l’annulation de cette réunion.
L’Afrique du sud, voisine du Zimbabwe et présidente actuelle de l’Union africaine, a déjà exigé que ce pays puisse participer au sommet de Lisbonne, attitude partagée par d’autres pays africains en commençant par ceux de la SADC, la Communauté de développement de l’Afrique australe.
« Notre soutien au Zimbabwe est notre principal point de convergence avec l’Afrique du Sud au sein de la SADC », nous a confié le ministre angolais des Affaires étrangères Joao Miranda, venu à Paris en janvier pour le sommet sur la Côte d’Ivoire avalisant l’accord inter-ivoirien de Marcoussis. L’Angola qui sort d’une guerre civile de 27 ans se pose en potentiel rival de l’Afrique du Sud au sein de la SADC.
« L’Afrique et la France, ensemble dans le nouveau partenariat »
La France voulait faire de la table ronde de Marcoussis, au sud de Paris (qui a réuni entre elles et à huis clos les différentes parties ivoiriennes y compris les mouvements rebelles) un exemple du règlement pacifique des conflits avec l’appui de la communauté internationale. Elle a tout fait pour donner une caution internationale à l’accord inter-ivoirien, y associant dans un mini-sommet à Paris non seulement la Cedeao et d’autres dirigeants africains, mais aussi l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne, la Francophonie ou des instances financières internationales comme le FMI et la Banque Mondiale.
Les accords de Marcoussis, dont le président ivoirien Laurent Gbagbo a fini par reconnaître « l’esprit » sinon la lettre, ont suscité de violentes manifestations anti-françaises provoquant la poursuite de l’exode des ressortissants français et le renfort du contingent français en Côte d’Ivoire.
La France a toutefois réussi à obtenir le soutien de l’ensemble de la communauté internationale pour cette démarche et ses militaires ont reçu pour six mois l’aval de l’ONU en soutien aux forces de la Cedeao qui doivent assurer le maintien de la paix et éviter une guerre civile généralisée.
« Pour prévenir toute critique, il ne faudrait rien faire, mais ce n’est pas notre doctrine », souligne-t-on de source française informée en rappelant que le thème du sommet franco-africain est bien « l’Afrique et la France, ensemble dans le nouveau partenariat ».
Trois grands chapitres où doit s’exercer ce partenariat ont été identifiés : la paix et la sécurité, le développement et enfin les réponses aux grands défis du monde actuel comme le terrorisme, la criminalité organisée ou l’environnement.
L’importance du Nepad
Le Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique, le Nepad selon son sigle anglais, sera au centre des discussions car il constitue aux yeux de la France une initiative véritablement africaine méritant d’être soutenue et portée devant le sommet du G8 d’Evian. Tout le monde veut y croire malgré les conflits qui freinent le développement et les difficultés structurelles.
« Le Nepad est très important car les chefs d’Etat africains qui l’ont élaboré considèrent qu’ils doivent prendre leurs responsabilités dans le développement de leurs pays et non pas seulement demander des fonds », a estimé avant le sommet Pierre-André Wiltzer, ministre français délégué à la Coopération et la Francophonie.
Cette nouvelle initiative africaine repose sur des principes comme la bonne gouvernance, le respect des droits de l’homme et la transparence dans la gestion économique qui sont devenus les pré-conditions de l’aide multilatérale ou bilatérale.
Les sujets abordés par le sommet ont déjà accueilli l’aval des principaux pays industrialisés qui sont aussi les bailleurs de fonds des pays pauvres dans d’autres instances.
Mais certains observateurs se demandent à présent si la crise qui a éclaté entre Paris et Washington à propos d’une attaque contre l’Irak, accusé par les Américains de détention d’armes de destruction massive et de complicité avec le terrorisme d’Al Qaida, ne se transposera pas en Afrique où les deux pays ont pour l’instant des positions assez proches.
D’autant plus que les manifestations de rue d’Abidjan menées par les partisans de Laurent Gbagbo, opposés à toute entrée des rebelles dans le gouvernement, étaient ponctuées de slogans anti-français et pro-américains. « Washington pourrait manifester sa mauvaise humeur envers Paris en attisant les sentiments anti-français notamment en Afrique francophone », estime un de ces observateurs.
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