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07/03/2003
Corne de l’Afrique: sécheresse et géopolitique

(MFI) Menacés à nouveau de sécheresse et de famine, les pays de la Corne de l’Afrique sont devenus un enjeu stratégique dans la lutte contre le terrorisme international menée par les Etats-Unis et une base arrière non-négligeable en cas d’intervention militaire américaine contre l’Irak.

Le bureau de coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a lancé fin janvier un cri d’alarme estimant que plus de 17,5 millions de personnes sont menacées et « vulnérables », tout d’abord en Ethiopie, mais aussi en Erythrée et en Somalie, ce qui risque d’avoir des conséquences chez leur voisins du Soudan, du Kenya et de Djibouti.

Famine et conflits :

Selon les experts de l’ONU, une aide alimentaire urgente de plus de 1,9 million de tonnes est nécessaire pour éviter une famine majeure dans ces pays ainsi qu’un soutien financier supplémentaire de plus de 215,5 millions de dollars. Les causes en sont non seulement la sécheresse récurrente mais aussi les conflits comme celui qui a opposé pendant deux ans l’Ethiopie à l’Erythrée et les guerres civiles en Somalie et au Soudan qui ont provoqué des afflux de réfugiés et de déplacés.
Pour les humanitaires qui ont voulu prendre les devants afin d’éviter une catastrophe similaire à celle qui avait décimé la Corne de l’Afrique en 1984-1985, en pleine guerre froide, la famine peut être évitée si les donateurs se mobilisent à temps. « Ce qui ne fait aucun doute, au moins pour l’Ethiopie, qui constitue un pion majeur stratégique pour Washington, tout comme le sont, par ailleurs, et pour d’autres raisons, les réserves pétrolières du Golfe de Guinée », estime avec un certain cynisme un responsable d’une organisation humanitaire internationale. Pour lui, les Etats-Unis veulent avant tout stabiliser cette région située à l’entrée de la Mer Rouge et de l’Océan Indien et en face des pays pétroliers du Golfe, « en fait depuis le Soudan et jusqu’à l’Ouganda, le long de cette côte est de l’Afrique ».
Le gouvernement américain a déjà annoncé en février une contribution à l’Ethiopie de 7,2 millions de dollars ainsi qu’une aide alimentaire de 27 000 tonnes. Ce soutien n’a pas manqué de provoquer le dépit de l’Erythrée qui se sent un peu oubliée par ses anciens protecteurs américains et la communauté internationale en général. Le président Erythréen Isaias Afeworki a qualifié l’Ethiopie « d’enfant gâté des superpuissances », ce qui n’est pas totalement faux depuis la guerre entre les deux pays perdue par les Erythréens.

Les enjeux stratégiques :

L’Ethiopie, pays enclavé depuis la sécession de l’Erythrée, a du se tourner vers Djibouti pour ses relations commerciales avec le monde extérieur. Djibouti, petite république située en face du détroit de Bab El Mandeb, à l’entrée de la Mer Rouge, constitue un havre de paix relatif dans la Corne de l’Afrique, sous l’ombrelle protectrice de la France, et a su toujours profiter des malheurs de ses voisins.
Djibouti constitue un point d’appui important pour les forces françaises aussi bien en Afrique que dans la région de l’Océan Indien et du Golfe, importance stratégique qui n’avait pas échappé à l’attention de la coalition internationale à l’époque de la première guerre contre l’Irak en 1991. Djibouti abrite en effet une des cinq bases militaires françaises en Afrique comprenant un total de 6 000 hommes avec la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Sénégal et le Tchad. Elle est la plus importante avec 2 700 militaires. Aujourd’hui, les Américains rivalisent avec les forces françaises et ont fait de Djibouti un maillon important dans leur lutte contre le terrorisme intégriste d’Al-Qaida et les complicités qu’il peut avoir au Soudan, en Somalie, au Kenya ou au Yémen.
Leur dispositif entre dans le cadre de leur mobilisation contre l’Irak et comprend notamment 1 300 hommes basés à Djibouti et 400 hommes à bord du navire de commandement américain USS Mount Whitney qui opère entre le Golfe d’Aden et l’Océan Indien. Il fait partie du corps expéditionnaire « allié » (Combined Joint Task Force – Horn of Africa, CJTF) sous commandement américain, créé en décembre dernier pour combattre le terrorisme dans la Corne de l’Afrique en surveillant l’espace aérien, terrestre et maritime d’une zone comprenant Djibouti, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Kenya, la Somalie, le Soudan et le Yémen.
Le commandant en chef de cette force, le général américain John Sattler a récemment affirmé lors d’une visite à Addis-Abeba que l’Ethiopie était un « partenaire précieux » dans la lutte contre le terrorisme dans la Corne, affirmant que ce combat se poursuivrait même en cas de guerre contre l’Irak.
Les Etats-Unis ont affirmé leur volonté de soutenir le processus de paix au Soudan où une guerre civile entre musulmans du nord et chrétiens et animistes du sud a fait des centaines de milliers de victimes. Washington avait dans le passé aidé les rebelles du sud, également soutenus par l’Ouganda et, selon des témoins sur le terrain, « garde toujours plusieurs fers au feu ».
L’installation au Soudan du chef d’Al-Qaida Oussama Ben Laden en 1992 avait favorisé la poussée intégriste dans la région, qui s’était étendue en particulier en Somalie où l’éclatement de l’Etat avait ouvert la porte aux milices armées des chefs de guerre. De source américaine, on affirme aujourd’hui que les miliciens somaliens qui ont tué 18 américains en 1993, provoquant le départ des troupes américaines participant à l’opération de maintien de la paix de l’ONU, avaient été entraînés dans des camps établis par Ben Laden au Soudan, avant qu’il ne quitte ce pays pour l’Afghanistan en 1996.
Les attentats en 1998 contre les ambassades américaines de Dar es Salam en Tanzanie et de Nairobi au Kenya imputés aux réseaux Ben Laden avaient provoqué des bombardements américains en Afghanistan et contre une usine pharmaceutique au Soudan soupçonnée de fabriquer des armes chimiques.
Depuis les attentat du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont changé d’attitude vis-à vis du Soudan, qui, craignant de nouvelles représailles, s’est empressé de donner des gages aux Américains. Washington a notamment permis à l’ONU de lever les sanctions internationales adoptées contre Khartoum après une tentative d’assassinat contre le président égyptien Hosni Moubarak au cours d’un sommet de l’OUA à Addis-Abeba, attribuée à des intégristes égyptiens réfugiés au Soudan.
La France et l’Union européenne en général avaient de leur côté entamé un dialogue « critique » avec les autorités de Khartoum qui ont pris leurs distances avec les intégristes avant une normalisation des relations avec ce pays entré dans le club des pays producteurs de pétrole. Le Soudan a ainsi participé à part entière au dernier sommet franco-africain tenu à Paris.
Le processus de paix soudanais avance désormais cahin-caha avec l’aide des pays de la région, en particulier le Kenya, et avec l’aval de toutes les grandes puissances en commençant par les Américains et sous l’œil vigilant de son voisin du nord, l’Egypte, un des alliés les plus proches des Etats-Unis au Proche-Orient dont les responsables redoutent eux aussi toute expansion de l’intégrisme musulman.

Marie Joannidis

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