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17/04/2003
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La gangrène libérienne déstabilise de nouveau l’Afrique de l’Ouest
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(MFI) Eclipsée par la guerre en Irak, l’intensification des combats au Libéria, à l’origine de la déstabilisation de la région depuis la fin des années 1980, couplée au regain des violences dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, crée une situation de crise politique et humanitaire qui commence à préoccuper la communauté internationale.
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Le ministre français de la Défense Michèle Alliot-Marie a affirmé le 9 avril dernier que la situation à l’ouest de la Côte d’Ivoire (voisine du Libéria) était d’autant plus préoccupante « que les Forces armées ivoiriennes (FANCI) aussi bien que les rebelles (ivoiriens) utilisent des Libériens dont l’attitude est complètement incontrôlée et incontrôlable », ajoutant « c’est là où il y a un véritable risque ».
Elle a estimé qu’il y avait un véritable danger pour la réconciliation ivoirienne parrainée avec des hauts et des bas par la France depuis les accords de Marcoussis de janvier 2003.
De son côté, le représentant du secrétaire-général de l’ONU pour le Libéria Abou Moussa, a estimé que ce pays se trouvait à la croisée des chemins, réclamant une action concertée de la part de la communauté internationale pour éviter une catastrophe humanitaire qui affecterait non seulement les population libériennes, mais aussi les réfugiés présents sur le territoire ainsi que les voisins de Monrovia.
La contrebande du bois et des « diamants sales »
L’ONU a réclamé une aide humanitaire de 42,6 millions de dollars pour le Libéria mais jusqu’à présent les donateurs n’ont donné que deux pour cent de cette somme.
« Il s’agit d’une véritable gangrène qui risque de s’étendre à nouveau à toute cette partie de l’Afrique de l’Ouest », estime le responsable d’une organisation humanitaire de retour de cette région. Il rappelle que la guerre civile au Libéria entre 1989 et 1996 avait favorisé non seulement les trafics d’armes dans la région mais aussi le sanglant conflit civil au Sierra Leone à partir de 1991 aux côtés des rebelles du RUF.
Pour lui, les Ivoiriens utilisent des Libériens et des Sierra Léonais, « tant du côté de la rébellion que du côté gouvernemental », alors que les dirigeants du Libéria « manipulent des gens » tant du côté de la Côte d’Ivoire que de la Guinée dont le président Lansana Conté, très malade, est considéré comme « mourant » et se prépare donc à sa succession.
L’organisation britannique Global Witness qui, la première, avait dénoncé la contrebande du bois et des « diamants sales » qui financent les guerres africaines, a affirmé dans un nouveau rapport publié fin mars que le gouvernement du Libéria tend à déstabiliser violemment l’Afrique occidentale par le biais de son soutien aux mercenaires de Côte d’Ivoire et de Sierra Leone et du fait de ses importations d’armes, en violation des sanctions imposées par l’ONU contre le régime de Charles Taylor.
Ce rapport intitulé Les suspects habituels (Usual suspects) : les armes et les mercenaires du Libéria en Côte d’Ivoire et au Sierra Leone montre comment le gouvernement libérien soutient les factions rebelles de l’ouest de la Côte d’Ivoire (MPIGO et MJP), Charles Taylor menant le jeu à partir de Monrovia, et comment il a l’intention d’utiliser des mercenaires pour déstabiliser à nouveau la Sierre Leone.
Des armes en provenance d’Europe de l’Est
Il fait état des individus, des entreprises et des groupes armés qui soutiennent ces activités dans la région et des détails sur les importations illégales d’armes qui dépendent, selon Global Witness, de l’industrie d’exploitation forestière.
Ces armes, en provenance d’Europe de l’Est, transitent généralement par le Nigeria et la Libye, le Burkina Faso étant impliqué dans les transactions bancaires notamment, précise l’organisation britannique. Monrovia a bien sûr démenti les affirmations de Global Witness, parlant de « campagne mensongère » et accusant l’organisation non-gouvernementale de faire partie « d’une conspiration internationale du mal » qui cherche à étouffer des pays pauvres comme le Libéria. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit revoir prochainement les sanctions contre Monrovia.
Le gouvernement de Charles Taylor est aussi dans le collimateur des Britanniques et des Américains, qui ont soutenu le retour de la paix en Sierra Leone. Il est confronté depuis 1999 à la rébellion armée du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) opérant surtout dans le nord du pays jusqu’à la frontière guinéenne et à un nouveau mouvement rebelle apparu récemment dans l’est, près de la frontière ivoirienne, le Model (Mouvement pour la démocratie au Libéria). Encore peu connu, ce mouvement serait composé de membres de l’ethnie krahn à laquelle appartenait l’ancien président Samuel Doe, assassiné en 1990 et combattu par Charles Taylor.
Selon certaines sources, des combattants krahn opéreraient aux côtés des troupes gouvernementales ivoiriennes contre les rebelles de l’ouest ivoirien. La Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) soutient une conférence de paix sur le Libéria proposée à Bamako au Mali et a décidé d’augmenter de 1 200 à 3 200 hommes les effectifs de la force de paix ouest-africaine en Côte d’Ivoire qui doit remplacer à terme les militaires français.
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Marie Joannidis
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