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13/08/2003
José Bové s’installe dans le paysage politique français

(MFI) Avec le succès du rassemblement altermondialiste Larzac 2003, le leader paysan José Bové a consacré, au beau milieu de l’été, son statut d’opposant n°1 au gouvernement. Mais plus que la droite, c’est la gauche qui s’inquiète : et s’il se présentait aux élections ?

« Je ne comparerais pas José Bové à l’extrême-droite, mais il y a des dérives qui sont des dérives populistes, poujadistes, dangereuses », s’inquiétait l’ancien ministre socialiste Bernard Kouchner le 11 août dernier, au lendemain de Larzac 2003. Et d’ajouter : « José Bové pose de justes questions, mais certaines réponses sont parfois démagogiques, souvent trop faciles ». Curieusement, la formule n’est pas sans rappeler celle prononcée il y a près de vingt ans par le Premier ministre socialiste Laurent Fabius à propos de… Jean-Marie Le Pen : « Le Front national pose de bonnes questions, mais apporte de fausses réponses ».
Parallèle abusif ? Peut-être, mais une partie de la presse n’a pas tardé à l’établir. Le « grand gourou » José Bové « pourrait bien être à la gauche ce que Le Pen est à la droite » (Le Figaro).
Voilà en tout cas le syndicaliste José Bové proclamé héros médiatique de l’été. Tout semble tourner autour de lui. Emprisonné en juin dernier, libéré 40 jours plus tard, vedette les 9 et 10 août d’un gigantesque rassemblement contestataire, le leader de la Confédération paysanne a réveillé un débat politique engourdi par la canicule.


« Woodstock de l’antimondialisation »

Sur l’« historique » plateau du Larzac, dans le sud de la France, théâtre il y a trente ans d’une grande manifestation antimilitariste, il a attiré 150 000 à 200 000 militants venus malgré la chaleur, le manque d’eau, des embouteillages monstres et des conditions d’hébergement hasardeuses. On a même refusé du monde. Il faut dire qu’il y avait de nombreuses animations et des concerts de rock. Un « Woodstock de l’antimondialisation », selon le New York Times. Bové, pourfendeur des OGM et des multinationales, avocat proclamé des petits producteurs du Sud, chef de file d’un mouvement contestataire multiforme mais désormais puissant, s’impose aujourd’hui comme une grande figure politique.
Légitimé par la foule et les médias, controversé mais incontestablement populaire, il fédère les mécontentements de tous ordres et interpelle les autorités. Au gouvernement français, dont il est « l’un des rares opposants crédibles » (Libération), José Bové promet un mois de septembre « non pas chaud, mais brûlant ». Au monde entier, il jure qu’il est possible de faire échouer le prochain sommet de l’OMC prévu mi-septembre à Cancun, au Mexique.


Les états-majors politiques cogitent

Jusqu’où ira Bové ? Réussira-t-il à jeter des centaines de milliers de personnes dans les rues à la rentrée ? Les politologues sont partagés. Le Monde, lui, est sceptique. Mobiliser des foules immenses sur le Larzac « ne signifie pas ipso facto qu’elles seront prêtes à manifester lors de la rentrée sociale de l’automne », d’autant que les objectifs des manifestants « ne s’additionnent pas mathématiquement et peuvent se révéler contradictoires : revendications des intermittents ou des enseignants, lutte anti-OGM, défense des intérêts du tiers-monde… ». Le leader paysan peut en tout cas, estime Libération, « contribuer par sa voix à faire monter la température sociale ». Bref, il faut désormais compter avec lui.
Et c’est bien ce qui tracasse les partis traditionnels. Comment « gérer » le cas Bové ? Les états-majors politiques cogitent, hésitant entre méfiance affichée, critiques bienveillantes et récupération discrète.
La gauche est particulièrement préoccupée. Le parti communiste, électoralement laminé, n’a guère d’autre choix que prendre le train en marche en se réjouissant du « formidable espoir de mobilisation politique » de Larzac 2003. Au parti socialiste, dont le stand a été démonté au Larzac, on prend ses distances avec certaines actions violentes comme le démontage des McDo ou l’arrachage de plans transgéniques. Mais c’est pour mieux mettre en relief, comme le député Julien Dray, la proximité idéologique entre les socialistes et José Bové : « Sur bien des points, notamment sur sa critique du libéralisme sauvage, nous sommes sur la même longueur d’ondes ». Réalisme oblige, tout le monde se sent proche de Bové.
Même la droite, qui se frotte discrètement les mains de voir l’agitateur moustachu désorienter la gauche, doit décliner son bréviaire anti-mondialiste. Ainsi, le député UMP Philippe Douste-Blazy concède que le succès du Larzac « est le signe qu’il existe un vrai désarroi chez nos concitoyens devant une situation d’injustice mondiale. Les risques culturels et sanitaires de la “malbouffe”, le réchauffement de la planète, les problèmes de développement durable, tout cela préoccupe les Français. »


Il y a un risque

En fait, l’ensemble de la classe politique est embarrassée. Y compris le gouvernement et l’Elysée. Que Bové coupe l’herbe sous le pied de la gauche, c’est bien. Que les thèmes internationaux qu’il développe, dialogue des cultures ou monde multipolaire, serve les intérêts de Jacques Chirac, c’est bien aussi.
Mais il y a un risque. Celui, dit Le Figaro, « de voir un démagogue mettre le feu aux poudres. Le trublion peut-être pris demain à son propre jeu. Aujourd’hui, Bové appelle à un mois de septembre brûlant. Et demain ? ».
Pour l’instant, le chef de la Confédération paysanne dément toute ambition électorale. Les Verts lui ont pourtant proposé de conduire leur liste aux élections européennes de 2004 dans le Sud-Ouest. Mais il le jure, la main sur le cœur : « Mon combat est pour tous les paysans de la planète, il n’est pas question pour moi de me présenter à une élection locale, nationale ou européenne. » Après la démonstration de force du Larzac, résistera-t-il, si la rentrée sociale est agitée, à la tentation du suffrage universel, à l’appel des micros et des caméras, et, comme on dit, à « l’insistante pression de ses amis » ?


Philippe Quillerier-Lesieur

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