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31/10/2003
De la malnutrition à la surnutrition

(MFI) L’obésité, un mal réservé aux pays industrialisés ? Il n’en est rien. Si la malnutrition reste le problème majeur, la surnutrition devient également une menace dans les pays du Sud. L’OMS parle d’épidémie mondiale. Lors d’un colloque organisé en octobre à Paris (1), les chercheurs ont estimé à 115 millions le nombre d’obèses dans les pays en développement.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le monde comptait 200 millions d’obèses en 1995. Ils seraient 300 millions aujourd’hui. Le démon du surpoids n’épargne aucunement les pays en voie de développement où les chiffres ne cessent d’augmenter. En Tunisie, l’obésité est passée de 28 % à 47 %, au Brésil de 22 % en 1974 à 34 % en 1989. L’Egypte compte plus de 33 % d’obèses, le Mexique 25 %, l’Afrique subsaharienne 12 %, enfin l’Inde et la Chine 5 %.
Cette surcharge pondérale touche plus les femmes que les hommes. Chez nombre d’enfants également, la balance penche vers le rouge. Une étude a montré que les bébés issus de mères mal nourries développent in utero des mécanismes pour économiser les nutriments. Confrontés durant leur croissance à une alimentation plus riche, ils peuvent être sujets à l’obésité. Si ce surplus de poids inquiète autant, c’est qu’il entraîne dans son sillage tout un cortège de maux – maladies cardio-vasculaires, diabète, certains cancers…–, se révélant ainsi un véritable danger pour la santé publique.


La nourriture traditionnelle supplantée par les aliments industriels

Le responsable de cette nouvelle épidémie ? En premier lieu, les habitudes alimentaires. Une consommation de plus en plus intensive d’aliments industriels, riches en graisses, trop salés, trop sucrés. Un mode d’alimentation qui, après avoir conquis le Nord, s’est vite répandu au Sud. A côté de l’alimentation traditionnelle, plus équilibrée, s’est développée une industrie proposant des aliments tout prêts, à prix compétitifs. Les citadins se sont laissés séduire par cette nourriture vite faite, moins chère, qui incite au grignotage. Et pour faire passer le tout, on ne résistera pas à une boisson gazeuse, si justement nommée dans certains pays d’Afrique « sucrerie ».
Aux fibres de céréales, aux racines et tubercules mijotés en famille ont succédé les lipides, les acides gras saturés, les sucres ajoutés concoctés dans les fourneaux de l’agroalimentaire. Une étude portant sur 133 pays en développement indique que la migration dans les villes peut entraîner un doublement de la consommation de ce genre de cuisine. Auquel s’ajoute une tendance à la sédentarisation et un accès aux loisirs passifs comme la télévision. Ce manque d’activité physique joue un rôle non négligeable.
Des travaux menés en Afrique du Sud (2), sur une population souffrant à la fois de dénutrition et de surnutrition, démontrent qu’une forte consommation de sucres ajoutés contribue dans une large mesure à l’obésité. Ici, 9 % des enfants de 7 à 9 ans sont atteints d’obésité, 20 % des adultes et 30 % des femmes noires. Il ressort que les adolescents et les adultes vivant en zone urbaine consomment deux fois plus de sucres ajoutés que les populations rurales. Les chercheurs du Cap ont également comparé la consommation entre enfants mal et bien nourris. Il s’avère que, dans bien des cas, le sucre décale la consommation de protéines et réduit sensiblement l’apport en fer et en zinc. Ce qui incite à penser que les aliments riches en sucre ne présentent aucun avantage diététique pour les enfants dénutris.


Les pauvres plus touchés

Fort de ces données, le ministère de la Santé sud-africain a souhaité inclure des conseils sur le sucre dans ses directives diététiques. Les chercheurs recommandent que les sucres ajoutés ne représentent pas plus de 6 à 10 % de l’apport alimentaire total. La directive se formule en une phrase : « Ne consommer des aliments et boissons sucrés qu’avec modération et jamais entre les repas. »
Les milieux favorisés, plus éduqués, peuvent trouver les moyens de lutter contre l’obésité en intégrant ce problème dans leur vie quotidienne. Alors que « les pauvres sont les plus touchés par ce nouveau fléau, car ils ont peu de marge de manœuvre », indique Francis Delpeuch, directeur de l’unité de recherche Nutrition, alimentation et société de l’IRD. Quand ils mangent plus, ils ne mangent pas mieux, absorbant davantage de nourriture bon marché qui remplit l’estomac, mais ne fournit pas à l’organisme les oligo-éléments dont il a besoin. Cette nouvelle donne rend plus complexe le problème de la malnutrition. « Les stratégies de lutte des pays et des organisations internationales devront s’attaquer au triple fardeau qui pèse désormais sur les pays en développement : les maladies infectieuses, les carences alimentaires et les maladies chroniques liées à la surcharge pondérale », résume F. Delpeuch. A ce message qui appelle à de nouvelles politiques, on adjoindra ce modeste conseil à l’endroit des populations : « Essayez de préserver votre alimentation traditionnelle la plus diversifiée possible. Vos différents modes culinaires peuvent vous prémunir contre cette dérive. »

(1) Colloque organisé par l’Institut national de recherche agronomique, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement et l’Institut de recherches pour le développement sur le thème : Le monde peut-il nourrir le monde ?

(2) Etude sud-africaine publiée dans le Bulletin de l’OMS, août 2003.


Isabelle Santos

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