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28/11/2003
Droit de la guerre et exigences environnementales

(MFI) Aux souffrances humaines, les conflits armés ajoutent des impacts dévastateurs sur l’environnement qui perdurent bien après que les armes se sont tues. Face à l’aggravation et la multiplication des dégâts, le directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a lancé, avec le soutien de Kofi Annan, un appel à « faire entrer les lois de la guerre dans le XXIe siècle, celui du développement durable ».

C’est à l’occasion de la journée internationale pour la prévention de l’exploitation de l’environnement en temps de guerre, célébrée pour le deuxième fois le 6 novembre 2003, que Klaus Toepfer, directeur exécutif du PNUE, a pressé « la communauté internationale d’examiner comment renforcer les moyens juridiques et les mécanismes de protection de l’environnement en temps de guerre ». Depuis les années soixante et l’opération Ranch Hand, menée au Vietnam par les Etats-Unis, les conséquences de la guerre sur l’environnement reviennent en effet peu à peu au devant de la scène. Au total, l’aviation américaine a répandu, à l’époque, 70 millions de litres d’herbicides très puissants et « arrosé » 1,7 million d’hectares. À l’issue du conflit, plus d’un tiers des mangroves du pays avait disparu. Un cinquième des forêts sud-vietnamiennes avait été chimiquement détruit.
Mais c’est sans doute la guerre du Golfe de 1991 qui a été le premier conflit dont l’impact environnemental a vraiment capté l’attention de l’opinion publique internationale. On se souvient encore des 700 puits de pétrole koweïtiens en feu. Leur combustion délibérée a dégagé 130 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère. Dix millions de mètres cubes de pétrole se sont répandus, dont un million s’est déversé dans le Golfe persique. Le long des côtes koweïtiennes et saoudiennes, la pollution a mis un terme à la pêche. Sur terre, les nappes phréatiques ont été contaminées et dix ans plus tard, 30 % des réserves d’eau du Koweït sont toujours inutilisables.
Quelques années plus tard, le conflit au Rwanda et l’exode qui a suivi a entraîné la destruction en six mois d’environ 300 km² du Parc national de la Virunga. Les réfugiés ont prélevé chaque jour entre 400 et 700 tonnes de produits forestiers. Les animaux ont été massacrés pour financer les armées. On pourrait ajouter à cette liste le cas de l’Angola, où les écosystèmes fortement marqués par près de quarante ans de guerre civile risquent de l’être durablement si les dynamiques de prédation sur les ressources naturelles continuent. Ce ne sont là que quelques exemples... Comme chacun sait, une guerre propre, sans victimes – êtres humains ou environnement –, ça n’existe pas. Or le rôle fondamental de ce dernier pour la stabilité d’un pays et de ses habitants ne peut être ignoré.


Des lois peu ou mal appliquées

« Alors que l’humanité se surpasse lorsqu’il s’agit de mettre au point de nouvelles armes de plus en plus puissantes, les lois et les règles visant à minimiser l’impact sur les ressources naturelles sont loin derrière », remarque Klaus Toepfer, le directeur exécutif du PNUE. Certes, il y a une myriade de traités. A commencer par les conventions de Genève (1949), qui ont des implications environnementales mais dont l’objectif premier reste la protection des civils, prisonniers de guerre et blessés, ainsi que des objets culturels tels que des monuments de renommée internationale. Il faut aussi citer ENMOD (1976), la convention qui interdit l’utilisation « à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles des techniques de modification de l’environnement ayant des effets étendus, durables ou graves ». Existent également des traités visant à mettre hors-la-loi les cibles comme les barrages, ou à protéger les cultures, ou encore à réglementer l’utilisation des armes pouvant avoir un impact sur l’environnement, comme la Convention de 1997 sur les armes chimiques.
Reste que les experts internationaux considèrent ces règlements insuffisants. Compte tenu du potentiel destructeur croissant des guerres modernes, les lois en vigueur ne permettent pas vraiment de contrer le danger que tout conflit constitue pour l’environnement. Un récent rapport, commandité par le ministère de l’Environnement allemand, souligne que l’obligation de prouver qu’il s’agit de « dommages graves, étendus et à long terme » rend le Protocole 1 de Genève inefficace au regard de la protection de l’environnement.
Comment doit réagir la communauté internationale si un belligérant ne se sent pas concerné par les problèmes environnementaux ? Les actions visant à mettre hors d’usage les ressources pétrolières de l’ennemi peuvent-elles justifier la destruction d’un écosystème qui permet à des milliers de gens de survivre grâce à la pêche ? Ces questions ne sont qu’un aperçu des problèmes que la communauté internationale doit prendre en compte. « Le droit international est encore au stade de l’enfance, la guerre l’a dépassé depuis longtemps », constate le directeur du PNUE. Et parce qu’il est temps de passer à l’âge adulte, Klaus Toepfer, soutenu par Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, exhorte la communauté internationale à étudier comment les mécanismes juridiques et autres dispositifs pourraient être renforcés pour assurer la protection de l’environnement en temps de guerre. « Condition préalable, selon eux, pour la paix et l’avenir durable de notre planète. »


Isabel Santos

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