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20/02/2004
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Le mil, plante d’avenir contre la sécheresse
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(MFI) Peu de recherches sont consacrées au mil, contrairement au riz, au maïs et au blé. Pourtant, il constitue une source d’énergie alimentaire quotidienne pour des millions d’habitants de la planète, notamment en Afrique subsaharienne. Compte-tenu des changements environnementaux et des perspectives démographiques, il apparaît plus que nécessaire d’améliorer la production de cette céréale pour affronter l’avenir nutritionnel d’une grande partie du monde.
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Dans certains coins du Sahel, la rumeur dit que « la meilleure épouse est celle qui sait bien préparer la boule de mil ». La plante de mil est ainsi associée à des représentations, des valeurs culturelles propres aux populations concernées. Dans nombre de pays, le mil représente avec le sorgho l’essentiel de l’apport calorique et nutritionnel journalier des habitants. C’est le cas au Niger, où il représente jusqu’à 71 % du bilan calorique quotidien. Les principaux pays producteurs sont, par ordre d’importance décroissante : le Nigeria, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. En Inde, où le mil arrive au quatrième rang des céréales, la culture est importante dans les états du Rajasthan, du Gujarât et de l’Haryana.
L’un des avantages de cette graminée de haute taille tient au fait qu’elle est adaptée à des conditions difficiles (sols pauvres, pluviométrie faible). De toutes les céréales, le mil semble la plus résistante à la sécheresse. D’où son rôle majeur pour les populations locales là où les conditions climatiques ne permettent ni au sorgho, ni au maïs, ni au riz de se développer normalement. Peu probable donc de voir ces derniers supplanter le mil. À moins de les importer !
Des besoins multipliés par 5 d’ici cinquante ans
La variabilité climatique, la dégradation de l’environnement, la stagnation des pratiques culturales, l’insuffisance de la recherche ont de plus en plus de conséquences sur cet aliment majeur. Les rendements diminuent. Bien que la production augmente en relation avec les surfaces cultivées, elle est localement insuffisante par rapport aux besoins de populations sahéliennes en forte croissance. Situation d’autant plus inquiétante que l’on estime que ces besoins seront multipliés par 5 d’ici les cinquante prochaines années. Comment alors les satisfaire ? En comptant sur l’aide alimentaire, au risque de fournir par là d’autres céréales ou aliments qui ne correspondent pas aux habitudes des populations ? Risque auquel s’ajoute le fait que ces aliments pourraient être à base de plantes transgéniques, comme ce fut déjà le cas avec le maïs proposé aux pays d’Afrique de l’Est en situation de pénurie.
En milieu urbain, le mil est déjà supplanté par le riz ou le maïs qui y coûte 40 % de moins. Si les consommateurs préfèrent le mil, l’écart de prix favorise ainsi les céréales importées. Un glissement des habitudes alimentaires qui constitue un obstacle à l’organisation de la filière mil pour laquelle le marché urbain représente un débouché important. Au total, la baisse des rendements, les écarts croissants entre la production nationale et les besoins, l’absence d’organisation de la filière, l’accélération de la mise en culture de nouvelles terres sans amélioration des itinéraires techniques sont autant de menaces pour l’avenir alimentaire des pays pour lesquels le mil demeure la céréale la plus appropriée au milieu et correspondant aux traditions.
Semer le mil pour demain
Des agronomes (1) qui travaillent sur la problématique nutritionnelle dans les zones arides et semi-arides considèrent en effet que le mil est au centre de plusieurs enjeux locaux et planétaires. Il leur apparaît urgent de mettre en place diverses mesures « permettant des rendements supérieurs à ceux qui sont observés aujourd’hui, de développer et transférer les innovations techniques, de faire face au coût d’importation des céréales ». Pour cela, il faut renforcer les moyens de recherche sur le mil, restés très faibles par rapport à ceux investis sur le blé, le maïs et le riz. La recherche de nouvelles variétés plus performantes, le perfectionnement des techniques culturales, et aussi la maîtrise de la filière semencière peuvent largement contribuer à améliorer la production et les rendements. Pour ces chercheurs, le mil s’impose comme plante d’avenir. Car si le réchauffement climatique annoncé s’accompagne d’une extension majeure des zones arides, il deviendra un élément prépondérant dans la lutte contre la sécheresse.
(1) J.-P. Guengant, M. Banoin, G. Bezancon, Institut de recherche pour le développement (IRD).
Isabel Santos
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