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04/10/2002
Sahel : le recul du désert

(MFI) Le Sahel reverdit ! Ce n’est pas une incantation, mais une tendance bel et bien observée par des chercheurs qui ont dépouillé quinze ans de photographies satellites de la région. Ces géographes européens affirment que les terres cultivables commencent à reprendre progressivement du terrain. Une bonne nouvelle !

On rappelait, lors du récent sommet de la Terre à Johannesburg, que 45 % du territoire africain est affecté par la désertification, le Sahel étant de loin le plus touché. Mais selon les chercheurs qui ont publié leurs résultats dans la revue New Scientist (18/09/02), la tendance est au retour du vert. Ainsi, dans le sud de la Mauritanie, au nord du Burkina Faso, au nord-ouest du Niger, au centre du Tchad, dans une bonne partie du Soudan et de l’Erythrée, on note un verdissement.
Chris Reij, de l’université libre d’Amsterdam (Pays-Bas), a étudié le cas du Burkina Faso. Le chercheur hollandais constate que ce pays d’Afrique de l’Ouest a reconquis du terrain sur le désert et que certaines populations qui avaient migré vers des zones plus humides reviennent sur leurs terres. On y retrouve plus d’arbres pour le bois de chauffe et davantage de pâturages. Ce « revirement » environnemental a donc un effet bénéfique sur l’agriculture et sur nombre de familles. Une autre équipe, constituée de chercheurs britanniques, suédois et danois (College of London), a clairement observé, images satellites à l’appui, que la végétation s’est développée dans cette frange sud du Sahara, depuis une quinzaine d’années, notamment en Mauritanie. Quant aux raisons de ce « spectaculaire » recul des dunes, elles demeurent quelque peu incertaines. Les chercheurs invoquent simultanément l’augmentation des pluies et la mise en œuvre de nouvelles pratiques agricoles.

La pluie, peut-être ?

La pluie est en effet d’une certaine manière revenue. Irrégulière certes, mais assez peut être pour oublier un peu les temps de grande sécheresse. Entre 1987 et 1999, les experts constatent une hausse de la pluviométrie. L’analyse pays par pays donne des résultats parfois très encourageants. Ainsi, en 1998, un bulletin établi conjointement par le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) et la FAO fait état « d’une extraordinaire saison des pluies du Sahel qui s’est achevée en octobre » et prévoit que la Mauritanie pourrait connaître sa meilleure année de production, le Mali un record de production rizicole alors que le Burkina et le Niger s’attendent à une production exceptionnelle des cultures pluviales. L’imagerie satellite confirme une couverture végétale propice à l’élevage. La même année, le service national météorologique rapportait que Niamey, qui reçoit normalement 400 à 600 mm de pluie par an, avait enregistré 1 000 mm au 8 septembre. L’année suivante (1999) est, elle aussi, marquée par des précipitations bien réparties et supérieures à la moyenne dans certains endroits.
Reste que l’on ne peut s’empêcher de penser que si la pluie a favorisé le retour de la végétation et les cultures de décrue notamment, rien n’assure qu’elle continuera à être au rendez-vous ! D’autant que les spécialistes expliquent que les sécheresses désastreuses sont liées au phénomène El Nino Southern Oscillation ou encore que la baisse de la pluviométrie (à partir de 1965 dans l’ouest du Sahel) résulte probablement d’une modification de la circulation atmosphérique globale, engendrée par les fortes différences de température entre hémisphères Sud (chaud) et Nord (froid). Enfin, comment compter sur le ciel, alors que l’on se pose la question de l’impact du réchauffement global du climat et que les scénarios envisagés ne permettent pas actuellement d’en prévoir les effets régionaux sur la pluviométrie ? Bref, on dira que les pluies ont de nouveau arrosé l’inquiétante aridité sahélienne ces dernières années et qu’il y eut certainement des hommes pour savoir les retenir !

De nouvelles pratiques certainement

Pendant longtemps le déficit pluviométrique a plutôt été subi, générant un sentiment d’impuissance. Pour éviter ce fatalisme, nombre de recherches ont conduit à des solutions : reforestation, mise en place de brise-vent, rétention des eaux de ruissellement, système de surveillance et d’alerte des sécheresses. Leur mise en œuvre a certainement, comme le disent ces géographes, contribué à la reconquête du désert et à redonner un peu de vie à ces régions vouées à l’érosion. Les exemples sont là.
Ainsi Tiguit, petit village mauritanien qui a su arrêter les dunes. Vent, sable, sécheresses à répétition semblaient avoir eu raison des populations qui habitaient ce carrefour routier entre Rosso et Nouakchott. Ses habitants quittaient un à un cet environnement de plus en plus hostile. Un programme de lutte contre l’ensablement (Pnud/ENSO) est parvenu à stabiliser les dunes. Des investissements en électrification, eau potable, activités agricoles ont été entrepris ; 4 257 ha d’arbres ont été plantés pour former des ceintures vertes autour des villages pour contrôler l’avancée du désert. Tiguit a retrouvé peu à peu sa vitalité.
Autre exemple, celui de Kéita, qualifié d’îlot vert du Sahel nigérien. Le projet mené grâce à des fonds venus d’Italie et à la volonté des habitants a associé diverses techniques (diguettes, forages, etc.) dans le seul but de piéger par tous les moyens le peu de pluie (300 mm par an). L’idée étant de réduire la vitesse du ruissellement de l’eau pour qu’elle puisse s’infiltrer dans le sol et alimenter la nappe phréatique. Des espèces fourragères ont été plantées sur les plateaux arides pour servir de garde-manger aux animaux. En aval, le reboisement a permis de freiner la vitesse du vent (luttant ainsi contre l’érosion éolienne) et l’ombre des arbres a enrichi les sols en azote. En quinze ans, 25 000 ha ont été récupérés et mis en exploitation, 16 millions d’arbres ont ravivé ces terres réputées stériles.
Plus à l’Ouest, au Burkina Faso, des ingénieurs en foresterie ont mis au point des techniques pour multiplier les essences forestières et soutenir les programmes de reboisement du Sahel. En 1996 déjà, ils ont distribué 1,5 tonne de semences représentant 76 espèces, pour la plupart d’arbres traditionnels du Sahel. Des formations ont été organisées auprès des paysans pour les aider à améliorer les méthodes de germination et de semis et, d’autre part, à maîtriser les techniques de sylviculture. Les temps de germination ont été réduits, et des normes de culture exigeant peu de moyens et mieux adaptées en brousse ont été développées.
On pourrait ainsi multiplier les exemples. Chacun peut sembler une goutte d’eau perdue dans les sables et les cailloux. Mais bien que la menace perdure et que la situation sahélienne continue d’inquiéter, ces gouttes d’eau vues du ciel redonnent néanmoins une vision plus verte de l’avenir.

Isabelle Santos

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