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12/06/2003
L’ADN n’est plus le seul maître de l’hérédité

(MFI) Des chercheurs postulent aujourd’hui que les caractères acquis sous l’influence de l’environnement se transmettent eux aussi. En un mot, nous n’héritons pas seulement de l’ADN. S’il s’avère, ce postulat permettrait de libérer un peu l’homme de ses gènes.

Il y a cinquante ans, les deux chercheurs Watson et Crick découvrent la structure de la molécule d’ADN. Cette découverte ouvre l’ère du « tout génétique », qui suppose que la séquence de l’ADN représente l’unique support matériel de l’hérédité ; les gènes s’instituent maîtres de notre destin. Mais depuis peu, des chercheurs ébranlent le dogme. Sans nier le rôle central de l’ADN, ils avancent qu’il existe un autre support de l’hérédité qui serait de nature « épigénétique » (du grec « epi » qui signifie « sur »). Pour eux, l’analyse du génome a montré ses limites. Les gènes ne peuvent expliquer à eux seuls la complexité du vivant.
Ces chercheurs s’intéressent aux processus qui permettent d’expliquer les liens entre gènes et environnement, à savoir les phénomènes épigénétiques. Cette piste conduit à penser qu’en plus de notre patrimoine génétique, nous transmettons également à nos descendants les caractères acquis au cours de la vie sous l’influence de l’environnement. Formulée pour la première fois en 1995, l’hypothèse est aujourd’hui prise au sérieux. Exemple en France où, en avril dernier, est né le Groupe de recherche d’épigénétique qui regroupe une quinzaine de laboratoires.

Les enfants hériteraient de l’environnement qui influence leurs parents

Une étude menée à l’université de Columbia, aux Etats-Unis, constitue un des premiers indices. Il s’agissait d’analyser les effets de la famine de 1945 aux Pays-Bas sur les bébés conçus durant cet épisode. Les chercheurs ont constaté que ces nouveaux-nés sont en grande majorité de petit poids à la naissance. Plus surprenant, les bébés de ces derniers ont eux aussi un poids inférieur à la moyenne. Les effets de la famine se seraient donc transmis aux petits-enfants. Chose que la théorie génétique de l’hérédité ne peut expliquer, puisqu’elle ne conçoit pas qu’un changement de l’environnement puisse provoquer de façon ciblée des mutations de l’ADN.
Les partisans de l’épigénétique y voient une preuve pour alimenter leur nouvelle théorie. Selon eux, le changement survenu dans l’environnement peut entraîner des modifications autour de l’ADN des parents, et ces épimutations se transmettre à la descendance. Comment ? La réponse est encore en suspens. Cependant, les chercheurs peuvent en dire davantage sur ces modifications.

Des signaux qui « allument » ou non les gènes

Les signaux épigénétiques agissent comme de véritables commutateurs. Ces modifications qui viennent se placer sur l’ADN « allument » ou « éteignent » les gènes. L’ADN contient en quelque sorte la mémoire de l’espèce et de la lignée, alors que les phénomènes épigénétiques constituent un programme qui déciderait quels gènes activer ou, a contrario, inhiber.
L’environnement influence ces signaux épigénétiques qui peuvent ainsi subir de petits changements. Ces épimutations sont plus fréquentes que les mutations classiques de l’ADN. Alors que l’on pensait qu’elles étaient systématiquement effacées lors de la formation des ovules et des spermatozoïdes, elles ne seraient pas gommées. Elles seraient même impliquées dans les processus d’adaptation à l’environnement, comme par exemple l’adaptation des individus à la rareté de l’oxygène en haute altitude.

Reste à trouver la preuve ultime

Plusieurs observations montrent en effet que les épimutations ne s’effacent pas. En 1997, les chercheurs de l’Institut californien de technologie découvrent qu’une épimutation gouvernant la forme de la fleur de l’arabette des dames (une mauvaise herbe) était transmise à la génération suivante. Un an plus tard, une équipe allemande du Centre de biologie moléculaire d’Hindenburg tente une autre expérience sur la drosophile. Des embryons de cette mouche sont exposés durant une heure à une température de 37°C. Soit près de 20°C de plus que la température normale à laquelle se développent les larves. On observe alors qu’une épimutation active certains gènes qui affectent la couleur des yeux. De jaunes, ils ont viré au rouge orangé. Et là encore la mutation se transmet aux descendants.
L’hérédité épigénétique est-elle aussi observable chez l’humain ? Certes, l’étude concernant la famine aux Pays-Bas est un premier pas. Mais reste à démontrer du point de vue moléculaire que ce phénomène était bien dû à des mécanismes épigénétiques en mettant en évidence, par exemple, une activation anormalement élevée d’un gène. Cette preuve ultime, les chercheurs ont bon espoir de la trouver en utilisant des modèles animaux. Ainsi l’exploration chez la souris des mécanismes moléculaires susceptibles d’expliquer l’épidémie actuelle d’obésité devrait bientôt livrer des résultats.
Si l’hypothèse de l’hérédité épigénétique se confirme, elle ouvrirait de nouvelles perspectives. Cela impliquerait que certaines maladies ne sont pas dues à une variation de la séquence d’ADN mais peut-être à des épimutations. Les mécanismes épigénétiques constitueraient de nouvelles cibles pour la mise au point de médicaments spécifiques. En attendant cette confirmation, nous pouvons déjà reconsidérer notre hérédité et défendre l’idée que nous ne sommes pas que le pur produit de nos gènes.

Isabel Santos

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