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08/08/2003
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Les pêcheurs africains acteurs de leur propre développement
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(MFI) Avant, les idées venaient des experts. Désormais, les communautés côtières s’organisent pour chercher elles-mêmes des solutions. Dans 25 pays d’Afrique de l’Ouest, les pêcheurs prennent part au Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche, qui vise à réduire la pauvreté et à protéger l’environnement dans le secteur halieutique. Un programme ambitieux censé se poursuivre jusqu’en 2006.
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Assis autour de la même table, responsables gouvernementaux et représentants des communautés de pêcheurs examinent les problèmes. Ces derniers, guidés par une méthode simple, ont eux-mêmes identifié les obstacles à leur progrès social et économique. Pour la toute première fois, les populations sont conduites à participer à leur propre développement. « Ils parlent librement. Ils ont confiance. C’est ça, la vraie nouveauté », affirme le secrétaire général du ministère de la Pêche et de l’aquaculture de Guinée.
Un virage par rapport aux efforts de développement déployés depuis les années cinquante ? Sans doute. Depuis plusieurs décennies, des projets pilotes ont été conçus par des théoriciens du développement qui prétendaient, dans la guère d’usure contre la pauvreté, pouvoir reproduire les réussites des uns chez les autres. Mais la plupart du temps, une fois le projet achevé, les populations retournaient doucement à leur vie d’avant. Aujourd’hui, on tire les leçons : on reproche à ces projets d’avoir été excessivement techniques, peu ou pas du tout participatifs. On veut maintenant parler « d’action centrée sur les gens ». Les communautés marginalisées par la pauvreté, l’analphabétisme, l’isolement doivent êtres considérés comme des interlocuteurs à part entière : le Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche (PMEDP*) espère que les premiers résultats obtenus en feront la démonstration.
Quand les artisans guinéens collaborent avec les garde-côtes
Exemple, ce système expérimental de surveillance collective des fonds de pêche, récemment testé en Guinée. La surveillance communautaire est parvenue à réduire de 59 % les incursions illégales. Une réduction non négligeable : les collisions des pirogues avec les chalutiers présents dans les zones pourtant réservées à la pêche artisanale sont quotidiennes, blessant les pêcheurs quand elles ne les tuent pas. En outre, les gros bateaux industriels (nationaux ou étrangers) détruisent les filets sans pour autant indemniser les pêcheurs. Les petits équipages avaient fini par avoir peur de sortir en mer. Les garde-côtes manquaient de matériel pour patrouiller efficacement les 300 km de la façade maritime, et leur budget ne permettait que six ou sept patrouilles par mois. Désormais, les pirogues à moteur leur prêtent main-forte à l’aide de radios et de dispositifs manuels de positionnement. Les vedettes peuvent intervenir de façon ciblée, sur appel.
Les pêcheurs doivent aussi apprendre à diversifier leurs captures : ils auront sans doute besoin de formation. Pour l’heure, selon l’un d’eux, « les villageois reprennent la pêche grâce au nouveau système de surveillance ». Ils estiment même être en mesure d’obtenir des crédits auprès de la Banque rurale et de rembourser les prêts grâce à la vente de poisson. De leur côté, les garde-côtes, qui voyaient avec une certaine appréhension le projet parce qu’ils craignaient d’être remplacés, se montrent plus confiants.
Au Bénin, on change les filets...
Le long de la côte béninoise, bordée de cocotiers, les sennes (filets formant un demi-cercle) présentent des mailles de 2,5 cm : du coup, avec les plus gros, elles ramassent aussi des millions de poissons juvéniles. En capturant ceux-ci, les pêcheurs sont conscients qu’ils appauvrissent leurs fonds de pêche : en effet, un cageot de ces poissons trop petits en remplirait quatre un an plus tard si on les laissait atteindre leur maturité. Associés au programme du PMEDP, les pêcheurs ont donc testé des sennes avec des mailles plus larges (5 cm), qui laissent les petits poissons s’échapper. Si les pêcheurs sont convaincus par les résultats, ils adopteront les nouvelles sennes.
Les pêcheurs d’Aïdo-plage ont obtenu des résultats préliminaires encourageants. En un mois et 9 sorties, le groupe a pris 24 tonnes de poisson pour un gain de 873 526 FCFA. Durant le même mois, ceux qui ont utilisé les anciennes sennes ont capturé 30 tonnes… qui n’ont rapporté que 471 000 FCFA. Reste qu’il faut répartir les gains entre villageois et qu’ils ne pourront pas, à eux seuls, combler tous les manques. La communauté n’a ni électricité, ni eau, ni dispensaire. Il faut donc diversifier le gagne-pain. C’est pourquoi le PMEDP a également enseigné des techniques de production améliorées de l’ostréiculture pratiquée dans la lagune voisine, et développé la vente de chair de noix de coco aux fabriques de biscuits nigérianes.
Au total, 40 projets pour la pêche tentant de s’appuyer « sur les points forts des communautés » ont ainsi été lancés dans 25 pays. Au Mali, on vise l’amélioration des techniques de transformation, de conservation et de gestion du poisson. En Guinée, on cherche à soutenir une communauté de pêcheurs sourds. En Mauritanie, les pêcheurs s’emploient à utiliser des techniques responsables. Autant de projets qui se veulent les graines « d’une nouvelle croissance » semées dans toute la région.
Isabel Santos
* Ce programme est un partenariat entre l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Département pour le développement international du Royaume-Uni (DFID) et 25 pays d’Afrique (Angola, Bénin, Burkina, Cameroun, Cap-Vert, Congo, Côte d’Ivoire, RDC, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, République centrafricaine, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Sierra Leone, Tchad, Togo). Son budget est de 21,5 millions de livres sterling.
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