Les sportifs américains auraient triché avec la bénédiction tacite de leur comité national olympique. Selon des révélations publiées par le magazine Sports Illustrated, une centaine d’athlètes sont concernés par des faits de dopage remontant, pour les plus anciens, à une quinzaine d’années. Tête de liste des accusés : le sprinteur Carl Lewis, roi planétaire du sprint.
Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le monde du sport. Bruni Surin, le sprinteur canadien, vice-champion du monde du 100 mètres et champion olympique du relais 4 x 100 mètres, n’a pas tort. Il réagissait cette semaine aux révélations tonitruantes et peut-être accablantes de l’ancien responsable du programme antidopage du Comité olympique américain.
Wade Axum a jeté un sacré pavé dans la mare, éclaboussant ceux qui se présentaient depuis toujours comme des parangons de vertu. Un dossier qui met en cause une centaine de sportifs américains, dont dix-neuf médaillés olympiques, au premier rang desquels figure Carl Lewis, alias « Monsieur Propre », l’un des plus fameux athlètes de l’histoire du sport. Cette révélation-dénonciation, forte de 30 000 pages de documents, porte sur la période qui va de 1988 à 2000.
Largement de quoi ébranler, de quoi chambouler nos certitudes et nos incertitudes, déjà sérieusement mises à mal depuis la disqualification du Canadien Ben Johnson dans l’épreuve la plus prestigieuse des Jeux Olympiques, le 100 mètres. C’était il y a quinze ans à Séoul.
Depuis, on en a tellement entendu que plus rien ne saurait nous stupéfier. Nos soupçons sur les athlètes des anciens pays de l’Est ont été avérés. Les langues se sont déliées. Les anciens dirigeants et entraîneurs ont été convoqués – pour certains d’entre eux – par les tribunaux, mis en accusation et parfois condamnés. D’autres ont pu passer entre les mailles du filet et continuent de dispenser leur « savoir » aux quatre coins du monde, dans d’autres pays avides de résultats et de performances.
Le dopage, disait voilà quelques mois le président du CIO, Jacques Rogge, est un combat que nous ne gagnerons jamais. On savait pertinemment que les pays montrés du doigt – n’oublions pas que nous vivions dans la confrontation Est-Ouest – n’étaient pas les seuls à nous abuser. Très franchement on avait des doutes sur la sincérité des dénégations américaines, lorsqu’on disait qu’eux aussi… Le rapport remis par Axe Wadum au magazine Sports Illustrated laisse à penser que ce qui se faisait à l’Est, se faisait de la même manière à l’Ouest, de manière toutefois moins étatique. Souvenez-vous des soupçons qui avaient suivi la mort étonnante de la femme la plus rapide du monde, Florence Griffith Joyner à l’âge de quarante ans. Quant au cas Carl Lewis, qu’apprend-on ? Qu’il aurait été testé positif à trois reprise avant les Jeux de Séoul, mais que le Comité olympique américain se serait empressé de faire disparaître les flacons compromettants.
Je me souviens que nombreux, en 1988, avaient été ceux qui disaient Ben Johnson victime d’un complot. Parce que Canadien. Parce que originaire de la Jamaïque. C’était un moindre mal de le bannir lui plutôt qu’une star américaine. Il payait pour les autres, le souci de virginité et de sévérité exemplaire du CIO. Carl Lewis, son second, faisait un médaillé d’or bien plus honorable. Et, s’il s’était dopé alors, argumentent aujourd’hui ses avocats, c’était à son insu. Pour soigner un rhume.
Le dopage, depuis trente ans, fait partie des mœurs sportives. Le principe de base demeurant le bon vieux « pas vu, pas pris ». Aux Etats-Unis, au nom du libre choix, les grandes ligues professionnelles, base-ball, basket, hockey, laissent les athlètes gérer leur santé comme ils l’entendent. Se doper, c’est tricher. Mais les médailles sont souvent si belles et si riches en retombées financières que les champions et leurs protecteurs en tout genre s’accommodent aisément des principes moraux.
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