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12/06/2003
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La chronique de Gérard Dreyfus : Le football facteur de division
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(MFI) Le football sera-t-il à l’échéance d’une année une formidable pomme de discorde entre le Nord et le Sud de l’Afrique ? Le football va-t-il faire exploser l’Union Africaine, plus encore que ne l’ont fait les multiples conflits régionaux ?
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Ce qui se trame actuellement est inquiétant.
Selon l’hebdomadaire Jeune Afrique-L’Intelligent, dans une de ses dernières parutions, la chaîne de télévision saoudienne ART dont le siège est à Rome, en Italie, aurait l’intention très prochainement de créer une Ligue des champions arabes, ouvertes aux Pays du Golfe, mais aussi à l’ensemble des pays d’Afrique du Nord. Une épreuve très grassement dotée qui deviendrait la grande rivale et surtout la grande déstabilisatrice de la Ligue des champions d’Afrique. Sans les équipes du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et de l’Egypte, qui trustent les victoires depuis le début des années 80, le football africain serait brutalement dépouillé de son élite et les épreuves continentales perdraient une grande partie de leur attraction.
Dans le même temps, Saadi Kadhafi, le troisième fils du dirigeant libyen bat la campagne pour se faire élire en janvier prochain, président de la Confédération Africaine de Football. Enfant gâté du régime, le foot est sa passion, d’autres diront sa danseuse. Président de club, vice-président de sa fédération, joueur international, il est incontournable pour les affaires de ballon. Il a investi ses pétrodollars dans la Juventus de Turin, occupant désormais un siège au conseil d’administration du récent finaliste de la Ligue européenne des champions. Saadi Kadhafi s’est également offert une équipe de série B italienne, la Triestina. Il ne désespère pas de pouvoir jeter son dévolu sur un club anglais. Ses ambitions africaines sont nouvelles. Elles sont déroutantes pour quelqu’un qui s’était flatté, il y a un an, d’avoir été l’un des principaux artisans de la défaite du candidat africain à la présidence de la FIFA.
Son credo : l’argent permet d’assouvir tous les caprices. Il a fait venir Diego Maradona pour prendre des cours particuliers ; il a fait venir l’entraîneur Carlos Bilardo pour superviser l’équipe nationale ; au mois d’avril il s’est offert un match contre l’Argentine à Tripoli moyennant un chèque d’un million de dollars et un autre contre Barcelone au Nou Camp, en déboursant 300 000 dollars. Des chiffres qui donnent le vertige. Toute polémique mise à part, est-ce donc cela participer au développement, à l’amélioration et au rayonnement du football africain !
A l’évidence, ces deux événements risquent d’accentuer le clivage entre le Nord et le Sud de l’Afrique. Et pas seulement dans les stades. Car le football demeure, par excellence, non seulement un ferment des unités nationales, mais aussi un lien très fort à l’intérieur de l’Union Africaine. L’aboutissement des deux projets déboucherait sur un réel risque de scission. Il remettrait en question un équilibre continental, accentuerait les divisions, aurait des conséquences incalculables sur l’avenir du football africain qui en deviendrait la première victime. Et il y en aurait sûrement d’autres, le football occupant en Afrique un rôle très particulier. Assurément il a plus besoin d’investissement en interne plus que des coups d’esbroufe, de dévouement que de dévoiement, de solidarité que de division.
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Gérard Dreyfus
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