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17/10/2003
La chronique de Gérard Dreyfus :
On ne change pas une équipe qui gagne !


(MFI) El Hadj Malick Sy n’est plus président de la fédération sénégalaise de football. En place depuis 2000, on lui a fait comprendre qu’il était préférable qu’il ne sollicite pas le renouvellement de son mandat. Un mandat pourtant couronné d’une réussite unique dans les annales du football de son pays : une place de quart de finaliste à la Coupe du monde, précédée de quelques mois, à Bamako, par une place de finaliste à la Coupe d’Afrique des Nations.

Enrichissement sans cause

Pour avoir une approche objective du dossier, il convient de dissocier complètement le terrain, ses résultats – même si la défaite en quart de finale du Mondial avait suscité quelques commentaires étrangement amers – et toute la gestion de la fédération. Or, c’est bien ce deuxième volet qui est en cause. Le ministre de tutelle de la fédération reproche à cette dernière de n’avoir jamais dressé le bilan, essentiellement financier, mais un peu sportif également – ni de la CAN 2002, ni de la Coupe du monde. Ce qui a occasionné une sérieuse passe d’armes entre les deux anciens condisciples des années soixante, camarades de faculté et surtout complices en équipe nationale, remportant ensemble la médaille d’or du tournoi de football des Jeux de l’Amitié en 1963.
Une solide amitié entre Youssoupha Ndiaye, ministre d’Etat et ministre des ports, et Malick Sy – plus connu dans le milieu sous le sobriquet de « souris » (référence à son aptitude à se moquer des défenses adverses) – que rien n’aurait dû altérer. Pourtant, en Afrique, au Sénégal comme ailleurs, il existe une dichotomie entre la fédération et le ministère, au point que l’assertion selon laquelle le ministre des sports est, en fait, le ministre du football, est toujours vraie. Plus encore lorsque le ministre est reconnu pour ses compétences en la matière et qu’il a largement fait ses preuves sur le terrain.
Pourtant on ne s’attendait pas à une telle charge du ministre devant l’assemblée générale de la fédération. Principal reproche : l’opacité des comptes de la dite fédération, accusée de n’avoir jamais fourni le moindre document comptable sur l’année en or des Lions de la Teranga. Inutile d’entrer dans les détails, le président de la fédération estimant que son organisme avait perdu toute prérogative en termes financiers avec la création d’un comité de gestion, rattaché au ministère et chargé de superviser le dossier. Qui était responsable de quoi ? Question essentielle. Cela ressemble à ce qui s’était passé en 1986 au lendemain d’une CAN en Egypte désastreuse pour le Sénégal. A cette nuance près qu’on avait procédé dans tout le pays à une large quête et qu’au lendemain de l’échec chacun se demandait à quoi avait bien pu servir son argent et dans quelles poches il avait fini son chemin. Le ministre Youssoupha Ndiaye a parlé d’« enrichissement sans cause », illicite en d’autres termes. On savait qu’une certaine confusion régnait dans le football sénégalais depuis les heures glorieuses, pas au point toutefois de tout remettre en question.


Le vide derrière une vitrine séduisante

S’il existe des dysfonctionnements dans la gestion de la fédération, les attaques – qui ont moins d’impact auprès du public – sur l’organisation sportive ne sont pas moins graves : pas de véritable direction technique nationale, pas d’unification technique du football, pas de retombées sur les clubs du pays. Ces critiques sont peut-être plus terribles encore, un ancien footballeur de haut niveau les adressant à un autre ancien footballeur de haut niveau, tous deux anciens coéquipiers. Sous-entendu : tu ne t’es préoccupé que de la vitrine et les bravos qui l’accompagnent et pas du développement du football dans le pays ; tu as failli à ton legs d’ancien footballeur.
Difficile de savoir à quel saint se vouer dans une affaire où les torts sont partagés, même si le ministre d’aujourd’hui n’est pas celui qui était en poste au temps des jours glorieux. De toute façon le divorce sénégalais met, une fois encore, en lumière les relations tendues entre deux entités faites pour travailler ensemble et qui passent leur vie à s’épier l’une l’autre et à se tirer dans les jambes. Cela peut se concevoir quand les résultats sont mauvais où l’on cherche désespérément un coupable, mais quand l’équipe nationale brille, on est moins habitué à ce genre d’attitude.
Nul ne sait comment l’affaire sénégalaise va se terminer. Elle peut faire beaucoup de mal à l’approche de la prochaine CAN où l’ambition clamée du Sénégal est de conquérir la couronne suprême. Il est toujours plus difficile de se maintenir au sommet que d’y parvenir. Le départ de Malick Sy peut fort bien déstabiliser les joueurs qui avaient, pour certains, été un peu secoués au moment de celui de leur entraîneur-fétiche, Bruno Metsu. On le saura fin janvier-début février en Tunisie.
On ne change pas une équipe qui gagne pas plus qu’on ne change une méthode qui a fait ses preuves. Cependant ce qui se passe sur le terrain n’est pas nécessairement le reflet des coulisses. L’idéal n’existe que dans les rêves. Le Sénégal a accédé très rapidement au vedettariat et les projets initiaux ont peut-être été emportés dans un tourbillon médiatique et populaire sans équivalent. Un apport extérieur se révèle souvent utile pour reprendre contact avec une réalité nécessairement moins brillante. En filigrane, le football sénégalais doit-il se résumer aux seuls joueurs opérant à l’étranger ?


Gérard Dreyfus

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