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06/12/2001
La chronique de Gérard Dreyfus : Le lion et le coq

(MFI) Cette semaine, Gérard Dreyfus s’est essayé à un nouveau genre, la fable, à la manière de Jean de La Fontaine. Le prétexte : la rencontre qui opposera le France au Sénégal, en match d’ouverture de la Coupe du Monde.

Le lion et le coq

Aux cris d’un coq, paré de ses plus belles plumes,
Accoururent de la forêt et de la savane, les animaux,
Bien décidés à poser sa couronne entre marteau et enclume.
Parmi eux se trouvait un jeune lionceau.
De la Teranga, il arrivait en puissance,
Torse bombé, crinière bien lissée.
La queue redressée par les premières allégeances,
Il promenait des allures bien policées.
Sur les terres du Nord, Algérie, Egypte, Maroc,
Contre fennecs, sphinx et autres lions,
Il avait démontré la solidité d’un roc,
Nourrissant des ambitions par millions.
Te voilà donc prétentieux jouvenceau
Qui ose défier mon trône !
Toi qu’on n’a jamais vu hors de ton marigot,
Te verrais-tu déboulonner une icône ?
Connais-tu mes gris-gris Henry et Zizou
Toi qui viens de je ne sais où ?
De toutes les campagnes, j’ai évité les embûches
Repoussant de mes ergots ceux qui exhibaient leurs fanfreluches.
Souviens-toi de tes lointains cousins brésiliens
Un, deux, trois-zéro.
Et de mes camarades de basse-cour italiens
Je leur ai fait un drôle de numéro.
Qui t’a rendu si irrévérencieux
Toi qui n’a jamais sorti les griffes ?
Pour être brave, reste sérieux
Et ne joue pas les grands escogriffes.
Tes cris de guerre
Cissé, Coly, Diao, Diop, Diouf
Ne m’effraient guère
Tes grosses pattes de lion feront plouf plouf.
Prévenu de tant d’impertinence,
Le lion s’en repartit au Mali, pays des hippopotames,
Préparer sans arrogance mais en silence
Le match du début de programme.
Les plumes arc-en-ciel du plus beau des coqs
Ne sont pas éternelles.
Un jour vient où elles se transforment en toc
Inévitable ritournelle.
Le lion dit, au nom des prétendants :
Aurais-tu l’audace de nous gouverner encore,
Toute la nuit des temps
Toi qui sans cesse picore ?
Tous nous sommes d’accord
Pour te passer sur le corps.
Nullement impressionné par cette apostrophe de matamore,
Le coq jura qu’il ne serait jamais, par un lion, mis à mort.
Anesthésié comme un coq-en pâte
A ne vouloir aux autres laisser que des miettes
On finit par se réveiller à la hâte
Et ne plus trouver de quoi festoyer dans son assiette.

Gérard Dreyfus





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