(MFI) Cette semaine, Gérard Dreyfus s’est essayé à un nouveau genre, la fable, à la manière de Jean de La Fontaine. Le prétexte : la rencontre qui opposera le France au Sénégal, en match d’ouverture de la Coupe du Monde. Le lion et le coq Aux cris d’un coq, paré de ses plus belles plumes, Accoururent de la forêt et de la savane, les animaux, Bien décidés à poser sa couronne entre marteau et enclume. Parmi eux se trouvait un jeune lionceau. De la Teranga, il arrivait en puissance, Torse bombé, crinière bien lissée. La queue redressée par les premières allégeances, Il promenait des allures bien policées. Sur les terres du Nord, Algérie, Egypte, Maroc, Contre fennecs, sphinx et autres lions, Il avait démontré la solidité d’un roc, Nourrissant des ambitions par millions. Te voilà donc prétentieux jouvenceau Qui ose défier mon trône ! Toi qu’on n’a jamais vu hors de ton marigot, Te verrais-tu déboulonner une icône ? Connais-tu mes gris-gris Henry et Zizou Toi qui viens de je ne sais où ? De toutes les campagnes, j’ai évité les embûches Repoussant de mes ergots ceux qui exhibaient leurs fanfreluches. Souviens-toi de tes lointains cousins brésiliens Un, deux, trois-zéro. Et de mes camarades de basse-cour italiens Je leur ai fait un drôle de numéro. Qui t’a rendu si irrévérencieux Toi qui n’a jamais sorti les griffes ? Pour être brave, reste sérieux Et ne joue pas les grands escogriffes. Tes cris de guerre Cissé, Coly, Diao, Diop, Diouf Ne m’effraient guère Tes grosses pattes de lion feront plouf plouf. Prévenu de tant d’impertinence, Le lion s’en repartit au Mali, pays des hippopotames, Préparer sans arrogance mais en silence Le match du début de programme. Les plumes arc-en-ciel du plus beau des coqs Ne sont pas éternelles. Un jour vient où elles se transforment en toc Inévitable ritournelle. Le lion dit, au nom des prétendants : Aurais-tu l’audace de nous gouverner encore, Toute la nuit des temps Toi qui sans cesse picore ? Tous nous sommes d’accord Pour te passer sur le corps. Nullement impressionné par cette apostrophe de matamore, Le coq jura qu’il ne serait jamais, par un lion, mis à mort. Anesthésié comme un coq-en pâte A ne vouloir aux autres laisser que des miettes On finit par se réveiller à la hâte Et ne plus trouver de quoi festoyer dans son assiette.
Gérard Dreyfus
|