(MFI) Qualification acquise, la bataille pour la direction des « Lions Indomptables » à la Coupe du monde fait rage. Certains rugissent en coulisses dans l’espoir que leurs cris seront entendus. D’autres laissent faire leurs agents. Les derniers ne pensent peut-être même pas qu’ils seront un jour sollicités...
S’il n’y a pas urgence absolue à désigner le successeur d’une troupe d’intérimaires, il faut cette fois que les décideurs ne se trompent pas et entérinent le choix qui permettrait enfin, douze ans après l’épopée italienne, de re-jouer dans la cour des Grands. Trouver un entraîneur digne de leur standing, ce doit être l’objectif prioritaire des « Lions Indomptables » et de leurs protecteurs.
Tout à la fois grands et petits
Observez, par curiosité, les statistiques de la Coupe du monde. Vous constaterez que le Cameroun côtoie les plus grandes nations du football mondial. Prenons, par exemple, pour référence, les trois dernières éditions, 90, 94 et 98. Le Cameroun n’en a raté aucune. Il est en très bonne compagnie aux côtés de l’Allemagne, de l’Argentine, de la Belgique, du Brésil, de la Corée du Sud, de l’Espagne et de l’Italie. Il fait mieux que l’Angleterre ou la France, tenante du titre. Si on prend maintenant pour repère 1982, date de la première participation des « Lions Indomptables » à une phase finale, ils n’ont été absents qu’une seule fois, en 1986. Qui a réalisé le sans-faute dans cette période ? L’Allemagne, l’Argentine, la Belgique, le Brésil, l’Espagne et l’Italie, soit quatre anciens vainqueurs, plus la Belgique et l’Espagne. Pas mal, non !
Le bilan, sur le terrain, est nettement moins brillant, hormis cette incroyable place de quart de finaliste en Italie. Les trois autres fois, dont les deux dernières, le Cameroun est resté planté à la fin du premier tour. Passe pour ses débuts en 82 (trois matches nuls dont un avec le futur champion du monde italien), mais 94 et 98 ont marqué un très net recul par rapport à 90, avec des équipes pourtant plus fortes. Ce ne sont donc pas les joueurs qui sont en cause, même s’ils passent pour être de sacrés cabochards, mais ceux qui les entourent, dirigeants et surtout entraîneurs. On ne va pas à la Coupe du monde de football comme on irait à un banal petit tournoi ; on ne va pas à la Coupe du monde pour faire un petit tour et compter ses sous. Si on n’a pas envie de la gagner, autant laisser sa place à plus ambitieux. Le Mondial c’est une équipe, une nation, un continent. Ce sont des responsabilités majeures à ne pas confier au premier venu.
Entraîneur strapontin
Or depuis 1990, le Cameroun a amusé la galerie avec une cohorte d’entraîneurs dont quelques-uns n’avaient exercé qu’au niveau d’une première division. Quatorze au total, du Turkmène Valeri Nepomniachi au Français Robert Corfou, en passant par Jules Frédéric Nyongha, Philippe Redon, à nouveau Jules Frédéric Nyongha, Léonard Nséké, Henri Michel, et puis encore Jules Frédéric Nyongha, le Belge Henri Depireux, Jean Manga Onguéné, Claude Leroy, Pierre Lechantre, Jean Paul Akono, et une deuxième fois Pierre Lechantre. Désolé, mais ce n’est pas de la sorte qu’on assure la continuité d’une équipe qui a la curieuse sensation d’être en permanence livrée à elle-même. Pas étonnant qu’on entende depuis longtemps cette antienne : « l’équipe du Cameroun ! mais elle n’a pas besoin d’entraîneur ! » Faux, archi-faux naturellement. Au contraire, après les potentialités entrevues à la CAN 2000 et aux Jeux olympiques, il lui faut enfin quelqu’un doté d’une solide expérience au plus haut niveau, si possible ayant déjà conduit une ou plusieurs équipes à un Mondial. Le principal obstacle est d’ordre financier. Un grand entraîneur coûte cher. Les mieux payés en Afrique sont en Afrique du Sud et au Maroc. Ce que ces deux pays ont fait, le Cameroun qui est garanti de toucher un solide pactole, l’année prochaine en Asie, peut se le permettre. Il est sûr de ne pas remettre en cause l’état de ses finances. L’enjeu vaut le sacrifice. Pour mémoire, le Cameroun a disputé quatorze rencontres en quatre phases finales, en a gagné trois, pour cinq nuls et six défaites. Sa différence de buts est assez largement négative (-11). Il est urgent d’abandonner la politique de l’entraîneur-strapontin (celui qu’on pousse de l’épaule parce que son siège se replie instantanément dès qu’on le quitte) pour restaurer l’autorité de celui qui doit avoir les pleins pouvoirs sur la composition de l'équipe et sur l’organisation du jeu.
« J’ai peur de voir les Camerounais naviguer comme le Nigeria après sa victoire aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996 », confiait après le match de la qualification, Tchanile Banna, l’entraîneur du Togo. « Je peux vous dire qu’en ce moment, ils prennent le même chemin ! » Avertissement sans frais, mais qu’on veut prendre très au sérieux, d’un entraîneur qui, parce qu’il est Africain, saisit mieux que quiconque les états d’âme d’une équipe. Il n’est pour sûr pas trop tard, à un peu moins d’un an de l’échéance. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec un homme qui ne parlait pas la langue du pays et qui était contraint de donner ses consignes via un interprète. Peut-être le Cameroun qui a, depuis, cédé à la tentation francophone, devrait-il changer un peu de culture. Latino, pourquoi pas.
Gérard Dreyfus