(MFI) Le club anglais Derby County ne veut plus du défenseur nigérian Taribo West. Non pas qu’il ne soit pas satisfait de ses services. Ce serait même le contraire.
« Taribo a accompli un travail formidable pour notre équipe et il est aussi populaire chez ses coéquipiers que chez les supporteurs », reconnaît bien volontiers le manager Jim Smith. Mais, et tout est là, « ses engagements avec l’équipe du Nigeria ne permettent pas d’assurer de continuité au sein de notre collectif ». Cas typique de l’attitude des clubs professionnels européens qui répugnent à libérer leurs joueurs africains lorsque ces derniers sont sollicités par leur équipe nationale.
Les Lions Indomptables amputés de trois éléments
Dans ce bras de fer permanent entre clubs pros et joueurs africains, ces derniers sont bien souvent pris entre le marteau et l’enclume. Lors de son déplacement à Luanda, le 5 mai dernier, le Cameroun est allé affronter l’Angola sans trois de ses piliers, Rigobert Song, Marc Vivien Foe et Patrick Mboma. Avec ces trois atouts majeurs, les Lions Indomptables ne se seraient peut-être pas inclinés face à leur challenger. Que dire des Super Eagles du Nigeria qui, à chaque sortie, ne savent jamais qui va venir et qui va jouer avec son club : combien de matches ont donc joué les Taribo West, Celestine Babayaro, Nwankwo Kanu et autres Victor Agali ? On se souvient aussi des hésitations du capitaine des Bafana-Bafana, Lucas Radebe, contraint d’annoncer sa retraite de l’équipe nationale afin de mieux se consacrer à Leeds United, avant de revenir sur sa décision. Ce ne sont là que quelques exemples qui affectent surtout les pays de pointe dont les meilleurs joueurs évoluent tous en Europe. Entre l’argent de l’employeur et le sentiment, les joueurs n’ont souvent guère le choix. Ils sont presque tenus de se conformer à la volonté de ceux qui les paient. Au risque, à la première occasion, de se retrouver sans travail. Bien sûr, il serait souhaitable que les fédérations et les entraîneurs nationaux se défassent de cette habitude de battre constamment le rappel des joueurs expatriés ; mais si cette attitude pourrait se concevoir lors des matches éliminatoires de la CAN, elle est totalement exclue pour les matches de Coupe du Monde. A la limite, certains pays pourraient envisager une tournante entre CAN et Coupe du Monde. Car, au total, une équipe engagée dans les deux épreuves aura disputé, entre début avril 2000 et fin juillet 2001, dix-huit rencontres.
La FIFA étrangement muette
Conformément aux statuts de la FIFA et à ses articles 38, 39, 40, 41, 42 et 43, les clubs sont dans l’obligation de libérer leurs joueurs internationaux un maximum de sept fois dans l’année, sans compter les matches éliminatoires de Coupe du Monde, à la condition que l’association nationale leur en ait fait la demande quatorze jours avant le match. Le joueur doit, logiquement, être libéré quatre jours avant la rencontre et dispose d’un délai de quarante-huit heures pour regagner son club. Et si le club refuse de libérer le joueur, il encourt des sanctions. Qui ne sont jamais appliquées car les pays lésés répugnent à porter plainte auprès de la FIFA. Cette dernière ne semble d’ailleurs guère empressée d’appliquer ses propres règlements, elle qui, dans certaines circonstances, n’hésite jamais à condamner, à l’inverse, une fédération africaine lorsque cette dernière se met en contravention avec les règles. L’instance supérieure du football mondial planche depuis plusieurs années, depuis l’accession de Joseph Blatter à la magistrature suprême, sur une harmonisation des calendriers. Il serait temps qu’elle voit le jour, car de tous les continents, l’Afrique est celui qui est le plus pénalisé. La plupart des pros africains ne sont que des pions que l’on n’hésite pas à menacer en cas de désobéissance et auxquels on fait dire que, de leur propre volonté, ils ont décidé de ne pas se rendre à la convocation de l’équipe nationale.
Pas une question de choix
Les clubs, les joueurs, les associations nationales ont, chacun et chacune, des droits et des devoirs. Il ne s’agit pas de choisir entre club et équipe nationale, mais de pouvoir disputer toutes les rencontres. Cela suppose une adaptation des uns et des autres et aussi plus de responsabilité de la part des joueurs d’abord avides de signer un contrat sans regarder si la libération pour les matches de l’équipe nationale figure bien dans le contrat. Si l’harmonisation des calendriers entre l’Afrique et l’Europe est une nécessité absolue, il revient aux Fédérations de ne pas solliciter leur élite à tout bout de champ. Mais c’est une autre histoire. Un football national ne peut reposer sur un bataillon de joueurs pros expatriés. C’est une des données fondamentales du problème qui donne à penser que le football africain vit plus en Europe que sur son propre territoire.
Gérard Dreyfus