(MFI) A moins de trois mois du coup d’envoi de la 23ème Coupe d’Afrique des Nations, on ne peut pas ne pas nourrir quelques inquiétudes en matière de retransmission télévisée de la compétition. Toutes les conditions de bonne réception des images ne sont, en effet, pas garanties. Certaines zones pourraient être mal, voire pas du tout couvertes.
Depuis 1990, la société Canal France International (CFI) s’est chargée, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes versées au détenteur des droits (depuis 92, le groupe JC. Darmon), d’assurer les reportages de la Coupe d’Afrique en anglais et en français. N’ayant pas souhaité répondre à la proposition jugée trop élevée pour l’édition à venir, CFI a donc, d’elle-même, renoncé à offrir ce service aux chaînes qui sont ses partenaires. C’est une chaîne privée sud-africaine, TV Africa qui a pris la relève pour l’ensemble du continent, à l’exception des pays du Nord qui ont depuis toujours un statut à part. La chaîne à péage saoudienne, ART, a acquis ces droits spécifiques. Jusque-là, pas de quoi inquiéter les téléspectateurs, sinon ceux du Nord qui risquent de devoir payer un abonnement pour voir leurs équipes (Algérie, Egypte, Maroc, Tunisie), alors que dans le même temps, la FIFA recommande que les grandes compétitions soient retransmises sur les chaînes publiques gratuites. Il est quand même étonnant que ce qui vaudrait pour l’Europe, en particulier, ne le soit pas pour l’Afrique.
L’Afrique de l’Ouest sera-t-elle privée de CAN ?
L’inquiétude n’aurait pas lieu d’être pour le reste du continent si l’année 2001 n’avait pas donné un avant-goût de la CAN avec la Ligue des champions où, là encore, TV Africa a pris le relais de CFI. Les téléspectateurs de la partie ouest du continent peuvent témoigner de la réception épouvantable des images et des commentaires. Le Mali, par exemple, qui avait commencé à diffuser les matches, a arrêté en cours de compétition. Pareil dans d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, directement concernée avec l’ASEC d’Abidjan. Question : l’Afrique de l’ouest, pour des raisons techniques, sera-t-elle privée des images de la CAN ? Rappelons que la moitié des seize finalistes est originaire de cette zone géographique.
Pour ce qui concerne le Nord, le problème est différent : la Ligue des champions est bien diffusée par ART, ce qui revient à dire que les Tunisiens et les Egyptiens n’ont pas pu suivre en direct, sinon en payant, les prestations de l’Espérance et du National Al Ahly. Les Algériens représentés par le CR. Belouizdad ont décidé de passer outre les interdits. Une décision politique ne se discute pas.
Ajoutons que, comme à l’époque de CFI, les commentaires sont assurés par TV Africa depuis leurs studios à Johannesbourg. Pour des raisons économiques. Et que, à l’occasion de la CAN, les journalistes des pays engagés dans la compétition devront, une fois encore, laisser leur place à des confrères étrangers. N’y a-t-il pas quelque absurdité à laisser sur la touche les journalistes qui ont assuré la couverture de tous les matches de qualification. On peut comprendre leur légitime amertume de se voir privés en quelque sorte de la CAN. Et ce n’est pas nouveau.
Quelles solutions ? Certains pays concernés ont proposé à TV Africa de racheter les droits. Refus de cette dernière qui risque, dans cette hypothèse, de ne plus trouver d’annonceurs publicitaires. De toute façon, soit TV Africa trouve une solution pour que la CAN soit visible en Afrique de l’ouest, soit il est indispensable d’envisager une autre forme de diffusion, par un canal différent. Cette solution existe via l’ORTM (Office de radio-télévision malien) qui envoie le signal par satellite afin de couvrir l’ensemble de son territoire. Mais il ne s’agit que d’une faisabilité technique, car la question des droits demeure. A plus longue échéance, la meilleure solution serait de vendre les droits à chacun des pays et de créer, l’espace de la compétition, une chaîne sous l’égide de la CAF qui assurerait, en quatre langues (anglais, arabe, français et portugais), les reportages des rencontres pour les pays non-qualifiés. Reportages qui seraient assurés par des journalistes du continent. Une chaîne qui serait financée par l’ensemble des pays du continent, par la CAF et par des partenaires économiques qui seraient assurés d’y trouver leur compte.
Projet utopique ? Peut-être, mais il n’est pas bon de voir, au fil des éditions, la télévision et la presse africaines abandonner à d’autres ce qui est le rendez-vous sportif majeur de l’Afrique. La frustration ne sert pas le développement du football en Afrique qui est la vocation première de la CAF. La confédération doit reprendre en mains ce dossier et, probablement, créer un département publicité et télévision qui se chargerait de vendre ses compétitions directement, sans passer par des intermédiaires. Une politique qui est désormais celle de la FIFA, pour la publicité et le marketing, après la faillite de l’agence de marketing ISL (qui était également le partenaire de la CAF), et également du CIO qui a repris en mains les deux domaines. A plus ou moins brève échéance, le football africain ne pourra pas y échapper.
Gérard Dreyfus