accueilradio  actualités  musique  langue française  presse  pro
radio
Liste des rubriques
MFI HEBDO: Sport Liste des articles

28/06/2001

La chronique de Gérard Dreyfus : L’Afrique reste mal aimée

(MFI) Depuis des décennies et des décennies, il est toujours aussi difficile pour l’Afrique de faire entendre sa voix. Ses avocats sont encore trop souvent impuissants face à la bêtise et à l’acharnement de certains médias à ne pas chercher à comprendre. En partant en Afrique, hélas, beaucoup sont davantage à la recherche d’exotisme que de la réalité. Et puis si tout allait bien, on parlerait encore moins de l’Afrique, si cela est possible aujourd’hui.

Quand le maire de Toronto pète les plombs…

Pour bien me faire comprendre, j’ai retenu deux exemples récents. Le premier a pour cadre Toronto, l’une des villes candidates à l’organisation des Jeux olympiques de 2008 (le choix sera effectué par le CIO, le 13 juillet à Moscou). Le maire de la ville, Mel Lastman, devait se rendre à Monbasa pour promouvoir sa candidature à l’occasion de l’assemblée générale de l’ACNOA (Association des Comités nationaux olympiques d’Afrique). Peu avant son départ, il n’avait pas caché ses appréhensions à un journaliste très attentif qui se fit un devoir de rapporter ce qu’il avait entendu : « J’ai un peu peur d’aller là-bas, lui avait confié le maire, mais ma femme, elle, est vraiment nerveuse. Je me vois comme dans une marmite bouillante avec des indigènes dansant autour de moi ». Oh, bien sûr le maire s’est excusé. Certains pour prendre sa défense ont dit qu’il s’agissait d’un trait d’humour. D’autres ont parlé d’erreur, de faux pas, d’un incident. L’affaire n’a pas été beaucoup ébruitée, hormis dans le Toronto Star, « le maire est une catastrophe diplomatique, le cauchemar des relations publiques ». Les Canadiens pensent, à raison, que les membres africains du CIO se souviendront des paroles de leur maire au moment du vote. Ils pourraient également se demander pourquoi l’Afrique continue, ad vitam æternam, d’être la victime de clichés colonialistes. Sans doute un problème d’éducation.

Les vrais faux-papiers du Cameroun

Deuxième exemple : une chaîne de télévision française, à l’occasion du scandale des faux-papiers qui a ébranlé le football français, a envoyé une équipe effectuer un reportage dans les faubourgs de Douala. Là, au vu et au su de tous, il a été montré comment on pouvait obtenir, dans les plus brefs délais, un vrai passeport avec une fausse date de naissance. Les clubs européens veulent recruter des joueurs africains de plus en plus jeunes. Qu’à cela ne tienne, on mettra sur leurs papiers l’âge le plus approprié pour les séduire. Les journalistes en question sont même allés faire les poubelles de la Fédération camerounaise de football, et par miracle, dans un lot de vieilles licences, moisies par l’humidité, ils ont découvert celle de George Weah, du temps où il évoluait au Tonnerre de Yaoundé. Et, à leur stupéfaction, ils ont découvert qu’il avait un an de plus que l’âge qu’il avouait lorsqu’il était arrivé à Monaco, première escale de sa carrière européenne. Un an de plus, cela ne l’a pas empêché d’être Ballon d’or européen. Seul son talent était en cause. Et là, l’âge importe peu. Téléspectateur par hasard, le président de la CAF s’est montré courroucé de cette manière d’aller fouiller dans les poubelles pour faire du sensationnel. L’Afrique a triché parfois, nul n’en disconvient – le Nigeria avait en son temps été privé du championnat du monde juniors pour avoir falsifié des licences de joueurs, mais des pays d’autres continents l’avaient été également – mais dans ce cas précis, tout s’est passé comme si on avait voulu absoudre le football français de ses propres fautes dans l’affaire des faux-papiers. En lisant entre les lignes, si le scandale avait éclaté, la responsabilité en revenait à un joueur ukrainien, devenu mystérieusement grec, en plein championnat… et, à l’Afrique où il est si facile de se faire délivrer de fausses pièces d’identité.

Apprendre à se défendre

On peut continuer à accepter ce type de comportements sans répliquer. Non, pourtant, il n’y a pas une fatalité pour l’Afrique à être toujours considérée comme un continent à part. Le sport africain peut légitimement être fier de sa marche en avant depuis quarante ans. Ce n’est pas facile ; les pays ont bien d’autres priorités. Et s’ils avaient de quoi faire bouillir la marmite, ses champions seraient plus souvent encore sur la plus haute marche des podiums. Est-ce une raison pour accepter le dénigrement systématique, parce qu’on ne veut pas ou on ne sait pas répliquer. L’Afrique doit apprendre à se défendre et à contre-attaquer avec le même acharnement que certains mettent à la rabaisser. Ses médias devraient se faire entendre plus souvent, au risque, à leur tour d’asséner des vérités, et non des contre-vérités, pas toujours bonnes à entendre.

Gérard Dreyfus





retour

Qui sommes nous ?

Nos engagements

Les Filiales

RMC Moyen Orient

Radio Paris-Lisbonne

Delta RFI

RFI Sofia