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MFI HEBDO: Culture Société Liste des articles

16/08/2001

Chronique Livres

John Michael Coetzee : un maître au sommet de son art

(MFI) Le Sud-Africain Coetzee est un des plus grands romanciers de notre temps. Visionnaire à la manière d’un Kafka ou d’un Beckett, il raconte à travers une œuvre riche de romans, de récits autobiographiques et d’une centaine d’articles théoriques, « l’inquiétante étrangeté » du monde, présent et à venir ! Son dernier roman Disgrâce (Booker Prize 1999), paraît en français.


Mêlé à un scandale sexuel impliquant une étudiante de l’université du Cap où il enseigne la poésie romantique, le professeur David Lurie est radié de son poste. Il se réfugie chez sa fille Lucie. Introvertie et indépendante d’esprit, celle-ci a quitté la ville pour s’installer dans un arrière-pays sans charme particulier. Elle y vit entourée de ses chiens et gagne sa vie en vendant au marché les produits de sa ferme. Son voisin le plus proche est Petrus, un paysan noir qui travaillait autrefois dans sa ferme, mais qui a décidé de voler de ses propres ailes à la faveur des bouleversements politiques des années 90. Lucie vivait en bonne entente avec ses voisins jusqu’à l’arrivée de David dont la présence perturbe l’équilibre social précaire et le drame éclate. Trois gangsters noirs font irruption dans la ferme, violent Lucie et abattent ses chiens comme signature de leur haine.
Au grand désarroi de son père, Lucie refuse de porter plainte pour viol. Elle s’obstine d’autant plus que l’un de ses violeurs se révèle être un proche parent de Petrus. Il n’est pas impossible que l’attaque ait été commanditée par le fermier noir pour faire fuir sa voisine afin de s’approprier ses terres. Mais Lucie ne veut pas quitter cette campagne à laquelle elle est si viscéralement attachée. Elle est convaincue que l’agression perpétrée contre elle est le prix à payer pour les crimes commis contre la population noire pendant la conquête et l’apartheid. Elle va jusqu’à accepter la proposition de mariage que lui fait Petrus en échange de sa protection. « De quel droit pourrais-je vivre ici sans payer mon dû ? », répond-t-elle à son père qui, pur produit de la civilisation occidentale de droit, ne peut concevoir un ordre social basé sur la culpabilité et des allégeances féodales.
Disgrâce poursuit le travail d’interrogation de l’histoire qui est au cœur de l’œuvre de Coetzee. Comme dans ses précédents romans, le romancier sud-africain met en scène le déclin et la chute d’une certaine conception de l’histoire, sa mise à mal par la pratique impérialiste du pouvoir et enfin son effondrement devant la montée d’un pouvoir nouveau qui, paradoxalement, se révèle aussi patriarcal et hégémonique que l’ancien gouvernement afrikaner. Roman allégorique de cette confrontation de l’ancien et du moderne, Disgrâce raconte comment meurent les empires, apparemment moins sous l’effet des attaques extérieures que sous le poids de leurs propres faiblesses, rongés de l’intérieur. La « disgrâce » est ici celle de David Lurie et de sa génération dont l’humanisme libéral avait trouvé des accommodements avec l’inhumanisme de l’apartheid!
Pour autant, ce n’est pas un récit abstrait. L’art de Coetzee consiste à faire accéder ses lecteurs à ses obsessions à travers des personnages et des situations vraisemblables. Le symbolique et le réel sont habilement dosés pour rendre le récit convaincant. Les événements sont narrés avec une économie étonnante. Un minimum de mots, des allusions rapides à la haine entrevue par la victime dans les yeux des ses persécuteurs, suffisent à rendre concrète la violence, par exemple, de l’acte de viol qui est aussi la métaphore centrale de ce roman.
Magistral et cynique, Disgrâce est l’oeuvre d’un maître au sommet de son art.

J.M. Coetzee : Disgrâce. Editions du Seuil, 251 pages, 125 FF.

Tirthankar Chanda


Un jeune Sénégalais qui dérange

(MFI) Il y a sans doute plusieurs façons d’appréhender le livre de Mamadou Mahmoud N’Dongo, L’Errance de Sidiki Bâ (L’Harmattan). On peut être agacé par la confusion élevée en règle première et l’apparente gratuité de la démarche d’écriture. On peut aussi être séduit par la provocation de l’auteur et accepter l’invitation à l’errance, au voyage en pays de mémoire qu’il nous offre. L’Errance de Sidiki Bâ est, en effet, composé d’instants, de « strates » qui vont d’une à quinze lignes, qui se succèdent et se répondent, numérotés selon un ordre qui échappe au lecteur non initié. Une mosaïque d’incertitudes, de zones d’ombre et d’oublis, une mémoire tissée de méandres troubles. Une succession de fragments d’horreurs et de douleurs, comme autant de bribes de souvenirs rescapés des enfers d’un chaos primitif, d’une guerre qui n’est pas nommée. Au bouleversement et à la confusion qui s’en suivent, Mamadou Mahmoud N’Dongo répond avec les mêmes arguments, éparpillant, ici et là, des prénoms, quelques blessures et quelques cicatrices, en des lieux clos d’ombres et de secrets, forêts, corridor, excavation et maison abandonnée…
Après L’Histoire du fauteuil qui s’amourache d’une âme -dont le titre marquait déjà la singularité- le jeune Sénégalais (il est né à Pikine en 1970) Mamadou Mahmoud N’Dongo, signe là un deuxième livre, volontiers inclassable, qui ne manque pas d’élans poétiques et d’impertinences iconoclastes et dérangeantes.

Editions de L’Harmattan, 112 p. 65 FF.

Bernard Magnier


Fatou Diome : Dakar-Strasbourg, aller simple ?

(MFI) Fatou Diome, une jeune Sénégalaise aujourd’hui résidant dans l’est de la France, vient de faire une entrée littéraire, discrète et néanmoins remarquée, avec un recueil de quelque 96 pages réunissant six nouvelles dont l’une donne le titre (et la thématique !) à l’ensemble, La Préférence nationale (Editions Présence africaine).
Dans ce petit livre cinglant et efficace, Fatou Diome décline les déconvenues, les rejets et les humiliations subis par une jeune Africaine confrontée au mépris, à un racisme primaire ou plus subtilement décalé, en un mot à la bêtise, trop souvent ordinaire. Le personnage erre d’une situation à l’autre. Ici, les hésitations entre son mariage bien réel et les regrets d’un amour inaccompli avec le professeur qui lui fit passer son oral de bac. Là, une rencontre dans les rues d’un exil strasbourgeois, avec une Alsacienne qui ressemble à sa grand-mère sénégalaise. Ailleurs, son profil qui ne correspond pas aux attentes car si elle parle français, wolof, éventuellement sérère, elle n’entend rien à l’alsacien, ce qui se révèle rédhibitoire lorsque l'on veut être employée dans une boulangerie strasbourgeoise. De même que, de toute évidence, connaître Voltaire et les aventures de Cunégonde ou les théories de Pangloss n’aide guère à obtenir un emploi de femme de ménage...
Ainsi, à l’instar de ses consœurs Abibatou Traoré (Sidagamies) ou Nathalie Etoké (Une amour de sans-papiers), Fatou Diome, pour sa première publication, s’est emparée de sujets graves et douloureux et d’une immédiate actualité, qu’elle a choisi d’aborder sans faux fuyants et en termes crus et drus, distillant, ça et là, les formules incisives afin de mieux conspuer les travers et stigmatiser les comportements imbéciles.

Présence africaine, 96 p, 60 FF

B.M.

L’Azalaï d’Odette de Puigaudeau

(MFI) En janvier 1937, Odette de Puigaudeau accompagnée de son amie Marion Senones et de Khouirou leur cuisinier, entreprend un voyage qui les conduira depuis Nema en Mauritanie jusqu’au Maroc, en passant par Tombouctou. De ce périple, la voyageuse rapportera un témoignage Le Sel du désert (Editions Phébus) où elle notera ses impressions, ses enthousiasmes, ses déceptions (ainsi à propos de Tombouctou, une ville « où tout se vend même l’indication d’un chemin »), mais surtout tentera de dire l¹importance et le rôle du sel dans cette région.
Le but essentiel de leur voyage était, en effet, de rejoindre l’ « azalaï », cette immense migration annuelle qui conduit plusieurs milliers de chameaux vers Taoudeni où les nomades « échangent aux mines des monceaux de vivres contre des milliers de barres de sel gemme et rapportent ce sel aux négociants de Tombouctou et de Gao ». Un lent cheminement de quelque 25 à 30 km par jour ce « qui laisse aux voyageurs et à leurs montures dix-sept ou dix-huit heures de loisirs que les bêtes emploient à manger et les gens à boire du thé, à fumer, à chasser et surtout à bavarder »...
Comme elle avait pu le faire dans Tagant (réédité en 1993 par Phébus), Odette de Puigaudeau conjugue dans ce livre les anecdotes et les aléas du voyage, la précision des observations, le regard, tout à la fois proche et distant, qu’elle porte sur les personnes rencontrées. Décédée presque centenaire en 1991, Odette de Puigaudeau avait pris place aux côtés de ses illustres compagnes que furent, en d’autres lieux, Isabelle Eberhardt, Ella Maillart ou Alexandra David-Neel.

Phébus, 230 p., 129 FF

B.M.


Albert Camus par ceux qui l’aiment

(MFI) Publié il y a trente ans, un pamphlet du critique Jean-Jacques Brochier traitait Albert Camus de « philosophe pour classes terminales » . Ce n’est pas l’avis de trois auteurs, dont le philosophe André Comte-Sponville, qui présentent aujourd’hui une réflexion émouvante sur l’écrivain français. Camus, de l’absurde à l’amour est une œuvre de sympathie, de symbiose manifeste entre eux et celui qu’ils analysent en toute lucidité. Si, comme le souligne Comte-Sponville, « Camus n’est pas Aristote ni Kant », il apporte « une orientation nouvelle de la sensibilité et de l’intelligence humaine ». Loin d’être seulement un intellectuel, Camus « pense au plus près de la vie, au plus près de l’émotion ». Est-ce cela, si apprécié par la jeunesse, qu’on lui reprochera ?
A partir du livre Le Mythe de Sisyphe, Comte-Sponville explique combien l’absurde, chez Camus, ne conduit pas au désespoir et comment l’indifférence à l’avenir n’empêche pas la passion du présent. Laurent Bove, lui, analyse la force obscure de la vie et la recherche éperdue de la sagesse d’un Camus qui veut trouver la réponse dans une éthique de l’amour. Patrick Renou, enfin, exalte « la lumière plus vive qu’il a laissée dans chaque page », son « regard amical », la Méditerranée et la joie du Sud que nul mieux que lui n’a su exprimer. Contenant des photos de l’écrivain prises en 1958 ainsi que des lettres inédites écrites en 1944 à son ami Leynaud, ce petit livre donne au lecteur l’impression d’une soirée passée à parler d’un ami disparu.

André Comte-Sponville, Laurent Bove et Patrick Renou : Albert Camus, de l’absurde à l’amour.

Ed. La renaissance du livre, 117 p.

Moïra Sauvage

Naître fille : entre malédiction et amour

(MFI) Bébé abandonné sur une plage, Malika, « la bâtarde », portera toute sa vie le poids de ce geste. Adoptée par une famille, fugueuse à treize ans, elle se retrouve dans un asile où la société a parqué les rebelles, les vieilles et les déshonorées. D’une écriture parfois précieuse, le récit de Maïssa Bey, professeur de lettres dans un lycée algérien, mêle leurs histoires, recueillies par Malika entre deux méditations sur son propre destin. Mariage forçé, stérilité maudite, dur labeur de domestique chez les colons français, petite fille que son père, déçu de ne pas avoir de fils, décide d’ignorer, viol, répudiation… Ces drames répétés sont pourtant atténués, page après page, par un hymne à cet amour physique dont ces malheureuses ont rêvé toute leur vie.

Maïssa Bey : Cette fille-là. Ed. de l’Aube, 182 p., 110 FF.


M.S.

Tout savoir sur l’Islam

(MFI) Un dictionnaire pour les esprits curieux , musulmans ou non. Trois cent cinquante deux pages et quatre cents articles sont-ils suffisants pour faire le tour de la civilisation musulmane ? Bien évidemment non. Dans ce dictionnaire, le lecteur trouvera cependant de quoi s’initier ou approfondir ses connaissances sur une civilisation dont l’unité demeure malgré ses multiples facettes. Les peuples (des Arabes aux Kurdes ou aux Africains sans oublier l’Asie), mais aussi la religion (de Mahomet aux références fondamentales d’aujourd’hui), ou encore les grandes réalisations scientifiques, artistiques et politiques du monde islamique, sans oublier l’influence de l’Islam sur la formation de la culture européenne : rien n’a été négligé par l’auteur, conservateur à la Bibliothèque nationale de France.

Yves Thoraval : Dictionnaire de civilisation musulmane. Ed. Larousse, 342 p.

M.S.

Sciences : des réponses à vos questions

(MFI) Pourquoi le sang est-il rouge ? Est-il vrai qu’on grandit en dormant ? Quel est l’âge de l’univers ? Qu’appelle-t-on « cellules kamikazes » ? D’où viennent les virus ? Quelle est la différence entre un microbe, une bactérie, un virus, un parasite, un champignon ? Pourquoi mange-t-on plus de sucre lorsqu’on n’a pas le moral ? Ce livre apporte des réponses claires à une foule de questions que nous nous posons tous les jours ou soulevées par l’actualité, dans les domaines de prédilection de la science : Notre corps et notre cerveau ; les risques sanitaires ; les grandes maladies… et les petits maux ; les progrès de la médecine. Notre univers : l’espace habité ; vu de notre terre ; les aléas climatiques ; notre environnement. L’animal, si proche de nous. Nos questions les plus fondamentales. Nos questions les plus quotidiennes. La technologie au service de l’environnement. La technologie au service de tous nos besoins.
Saviez-vous, par exemple, que les cigarettes « light » ne sont pas moins nocives que les autres, malgré l’ambiguïté entretenue par l’industrie du tabac : de fait, le taux de goudron, cancérigène, est mesuré sur des « robots à fumer » au rythme… d’une bouffée à la minute ! Ce qui est évidemment beaucoup moins que la moyenne des fumeurs. Les réponses sont synthétiques, concrètes et claires. Au total, pas moins de 329 questions sont traitées. Ce livre peut donc être utile… à condition de s’informer aussi par ailleurs. Car les rédacteurs, tous spécialistes dans leurs domaines, traitent parfois de sujets controversés à juste titre sans même évoquer le débat. Cas des réponses concernant, par exemple, le téléphone portable, le four à micro-ondes, ou les lignes à haute tension. De même, dans le domaine de la santé, parler d’ulcère gastrique et de son traitement, sans mentionner l’alimentation et le facteur stress donne l’image d’une médecine devenue parfois bien limitée.

Henriette Sarraseca

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les sciences. Bayard Compact, 610 p., 119 FF.


Un très beau livre de cuisine réunionnaise

(MFI) Ce très beau livre grand format de cuisine réunionnaise mérite d’être signalé car cette cuisine riche et diverse est trop peu connue. Dans sa préface, Caroline Iva nous rappelle que « les Réunionnais sont les descendants d’Africains, d’Indiens, de Chinois, de Malgaches, d’Orientaux et d’Européens, et [que leur] cuisine est à l’image de ce métissage, composée de saveurs subtiles et de noms lointains et évocateurs : rougails, espadou, massalé, caloupilé, cari, etc. » Autre originalité du livre : chaque recette - il y en a 102 - est présentée sur une double page, au moyen de nombreuses photos couleurs légendées. La lecture est donc réduite au minimum et les cuisiniers confirmés comme les débutants pourront suivre et réaliser pas à pas un succulent civet zourite (pieuvre), un rougail pilchards, un cari bichiques (alevins) ou, pour les graines de chefs, un feuilleté aux fruits des îles. Très réussi.

La cuisine réunionnaise par l’image. Editions Orphie coll. Saveurs des îles, 238 pages.

H.S.


Nouvelle collection « pour comprendre l’actualité »

(MFI) Avec quatre titres lancés en parallèle, Larousse inaugure une collection pratique qui « veut faire de l’histoire contemporaine un outil pour comprendre l’actualité ». Les thèmes : Communisme, les logiques d’un système ; l’Avènement d’une superpuissance : l’Amérique ; Femmes : un siècle d’émancipation féminine ; Peurs privées, angoisses publiques : un siècle de violences en France. Chaque ouvrage est divisé en trois parties : les événements et périodes déterminantes ; des portraits de grandes figures ; bilans et débats. Ensemble plutôt réussi : les volumes sont maniables, bien illustrés, les photos bien choisies, les textes concis, clairs. Dommage que le titre consacré au communisme ne contienne aucune référence à l’Afrique. L’histoire des femmes et de leur émancipation en Occident est bien retracée, ainsi que celle des Etats-Unis, où l’on retrouve entre autres, les grandes figures de W.E.B. du Bois et Martin Luther King. Une collection qui pourrait être utile surtout à des étudiants.

Collection 20/21, d’un siècle à l’autre. Ed. Larousse, chaque ouvra

H.S.





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