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16/05/2002
Afrique : à la recherche de l’argent des dictateurs déchus

(MFI) Appuyés par les Nations unies et plusieurs associations, les pays africains réclament le remboursement des fortunes suspectes placées par les dictateurs déchus dans les banques occidentales. Mais le sacro-saint secret bancaire, les artifices juridiques et l’habileté des familles compliquent la saisie des fonds.

Un milliard de dollars. C’est le chèque que les banques suisses s’apprêtent à délivrer au gouvernement nigérian. Epilogue amiable d’une bataille judiciaire qui a opposé l’Etat nigérian aux banques suisses et à la famille de Sani Abacha. Pour Lagos, l’homme qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant cinq ans avant de mourir en 1998 a délesté le Trésor public d’au moins 2,2 milliards de dollars. Il aurait notamment détourné une bonne partie des fonds devant servir à construire l’aciérie d’Ajokouta. Après trois ans de procédures, Lagos a dû accepter ce solde de tous comptes à moitié satisfaisant. Tandis que 100 millions de dollars seront restitués à la famille Abacha, l’origine frauduleuse de cette partie du magot n’ayant pas été formellement démontrée, selon l’Office fédéral de la justice suisse. Et le reste ? On ne le saura peut-être jamais. Prévoyant, le général nigérian avait réparti ses placements entre Genève, Zurich, le Luxembourg et le Lichtenstein. Or, en vertu de l’accord amiable, les autorités nigérianes se sont engagées à éteindre toute action judiciaire.

Le précédent Moussa Traoré : 2,4 milliards de dollars

Cette issue bancale n’est pas sans rappeler le marathon judiciaire que les banques ont imposé aux autorités maliennes, désireuses de mettre la main sur le pactole accumulé et placé en Suisse et à Monaco par l’ancien président Moussa Traoré. Il n’a pas fallu moins de six ans d’instruction pour que les cantons de Vaud, Zurich, Genève et Neufchâtel, concernés par les dépôts contestés, se décident à reverser au gouvernement de Bamako 2,4 milliards de dollars saisis sur différents comptes. Une première. Non sans une farouche résistance des établissements financiers, et même de certaines administrations publiques, soucieuses de sauvegarder l’image de discrétion de la Suisse, qui lui vaut d’accueillir l’équivalent de 564 milliards de dollars provenant du monde entier.
La même course de fonds attend les autorités de la République démocratique du Congo qui espèrent bien récupérer les 3,4 milliards de dollars identifiés en Suisse comme appartenant à l’ex-président Mobutu Sese Seko, qui a dirigé le pays pendant trente-deux ans. Cette somme, gelée, ne représente qu’une partie seulement de la fortune de l’ancien dictateur, évaluée entre 4 et 10 milliards de dollars selon les sources. Certaines pistes suivies par les services de renseignement allemands (BND) mèneraient au Lichtenstein et à des intermédiaires financiers qui s’étaient déjà illustrés auprès de l’ancien président philippin Marcos. Quant à récupérer les fonds actuellement bloqués, c’est une gageure que les dirigeants de Kinshasa sont loin d’avoir gagnée. Il faudra non seulement ferrailler avec l’armée d’avocats mobilisée par les banques, mais aussi compter avec la famille du dictateur disparu.


Le lien entre détournements et dépôts pas toujours établi

« Le problème, c’est que les gouvernants africains n’ont pas toujours la preuve formelle de la culpabilité de leurs prédécesseurs. Les liens entre détournements et dépôts dans les banques ne sont pas clairement établis, et comme tous les hommes au pouvoir en Afrique ne sont pas exempts de tout reproche, les procédures s’enlisent », analyse un avocat suisse. Exemple : la procédure engagée par le gouvernement Gueï contre l’ancien président Konan Bédié, accusé d’avoir détourné 24,8 millions de dollars d’aide médicale européenne vers des banques étrangères. Accuser ne suffit pas, il faut prouver : l’Office fédéral de la police (OFP) a jugé les informations fournies à l’époque par Abidjan insuffisantes. Certaines banques mentionnées dans les rapports envoyés n’existent pas… Un audit des comptes de Konan Bédié n’a révélé l’existence que de 3 à 4 millions de dollars. Du reste, les dirigeants qui en réclamaient la restitution ont, depuis, été déchus…
Toutefois, les affaires Traoré, Abacha et Bédié ont ouvert une brèche dans l’hermétique système bancaire suisse. Des hommes politiques et des ONG élèvent la voix pour dénoncer la collision entre banques et dirigeants véreux d’Afrique. « Sur les 820 milliards de francs d’avoirs étrangers en Suisse, 250 milliards proviennent des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique, dénonce Jean Ziegler. Dans 90 % des cas, il s’agit d’argent volé aux peuples les plus pauvres de la terre. Y compris une partie de l’aide que la Suisse dispense à ces populations par des voies officielles. »


Un début de moralisation

Désormais, l’Onu, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale s’en mêlent. Motif : « Les détournement renchérissent en moyenne de 10 % à 20 % les projets de développement », estiment les Nations unies qui multiplient les conférences anti-corruption. Les banques des paradis fiscaux européens s’attendent à la multiplication des actions judiciaires pour récupérer des fortunes personnelles oubliées, comme celles du Libérien Samuel Doe, du Rwandais Habyarimana ou de l’Angolais Savimbi. Sans parler de certains dirigeants encore en place, compromis dans des enquêtes internationales. La relative transparence que la Suisse, Monaco et le Luxembourg commencent à adopter n’est pas de mise dans les autres paradis fiscaux : îles anglo-normandes, îles Caïman, etc.
Tous les pays demandeurs n’obtiendront probablement pas le retour des sommes illégalement exportées. Seule consolation pour les populations spoliées : les transferts illégaux deviennent plus difficiles. Non seulement en raison des procédures de surveillance de l’argent sale en place depuis peu en Europe et aux Etats-Unis, mais aussi à cause des lois qui, dans des pays comme le Mali, le Bénin, le Mozambique ou le Burkina Faso, obligent les dirigeants politiques à déclarer leurs avoirs. Même si ces déclarations sont invérifiables, c’est déjà un symbole.


Yolande S. Kouamé

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