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Corée du Sud
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«Notre» Coupe du monde
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Cerémonie d'ouverture en costume traditionnel ©AFP
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Quatorze ans après les Jeux olympiques de Séoul, le sud de la péninsule accueille donc un nouveau rendez-vous sportif d'envergure internationale. Les enjeux ne sont plus politiques cette fois, il s'agit plutôt de montrer que la Corée est sortie de la crise de 1997, tant sur le plan économique que social.
De notre correspondante à Séoul
«Dae Han Min Guk (République de Corée)! Dae Han Min Guk!». Sur un trottoir de Jongno, dans le centre historique de Séoul, des jeunes filles en mini-jupes crient à en perdre la voix. Très vite, un petit attroupement se forme et quelques passants se mettent à chanter avec elles, en frappant des mains. Il s'agit en fait de bénévoles qui enseignent au public les rengaines des supporters de l'équipe nationale de football.
Cette Coupe du monde ne sera, en effet, réussie qu'à condition que la population se mobilise. Contrairement aux Jeux olympiques de 1988, les autorités ont laissé le choix à leurs ressortissants. «Au moment des JO, le gouvernement était bien plus puissant qu'aujourd'hui», explique Kim Young-Kyoo, l'un des responsables de Kolon, l'entreprise coréenne chargée de la vente des produits dérivés du Mondial. «Il avait investi énormément d'argent, crée de nombreuses entreprises qui devaient garantir le bon déroulement de la compétition. Les autorités faisaient également pression sur la population tant et si bien que six mois avant la cérémonie d'ouverture, nous nagions déjà en pleine ambiance olympique».
Cette fois, les habitants du pays du matin clair et calme ont du se prendre en main. Le sentiment nationaliste omniprésent dans la péninsule, a servi de moteur. Le nombre d'adhésions au club des supporters des Diables Rouges, la sélection locale, constitue l'une des meilleures illustrations. Contre vingt personnes il y a cinq ans à sa création, il compte aujourd'hui 98 000 membres. La grande majorité d'entre eux ne connaissent pas grand-chose aux règles du football. Si ils sont là, c'est avant tout pour faire la fête et participer, en tous cas ils l'espèrent, à la victoire de leur équipe. La filiale de Korea Telecom spécialisée dans la téléphonie mobile, KTF, remporte d'ailleurs un succès sans précédent avec son slogan «Korea Team Fighting».
«Regarde son nez, regarde ses pommettes»
La compétition en elle-même n'intéresse guère la population coréenne, quasiment inculte dans le domaine du football. Pour preuve, les places pour les matchs des équipes étrangères méconnues ici se vendent difficilement. Si l'on ajoute les invendus retournés au comité coréen d'organisation du Mondial par les Fédérations étrangères aux billets boudés par les Coréens, 370.000 sièges sont encore à pourvoir, en grande majorité pour les rencontres du premier tour.
«Uli Nala ae», «dans notre pays», «Ulineun», «nous»... Les Coréens commencent la plupart de leurs phrases par cette formule qui illustre leur appartenance à un groupe, leur fierté d'en être et les maintient volontairement à l’écart du reste de la planète. En cette période de Coupe du monde, l'expression prend tout son sens. A cette occasion, il faut absolument donner une image irréprochable du sud de la péninsule. Pour impressionner les touristes, les autorités ont développé leurs infrastructures. Elles ont construit dix nouveaux stades pour la compétition, agrandi le réseau routier, bâti un nouvel aéroport dans la grande banlieue de Séoul, rénové trottoirs et bitume des grandes villes du pays. Des travaux qui ont également permis de relancer l’économie, touchée par la crise de 1997.
Mais l'opinion que les étrangers se feront du sud de la péninsule dépend aussi de l'accueil que ses habitants leur réserveront. Une grande «campagne de la gentillesse» a donc été menée par l'office du tourisme. Il s'agit d'enseigner aux Coréens quelques rudiments d'anglais, mais surtout de leur expliquer comment se comporter vis-à-vis des étrangers. L'idée peut surprendre, mais s'avère indispensable. Le sud de la péninsule abrite peu d'expatriés. Les «long-nez» restent donc des bêtes curieuses. Dans le métro notamment, les Coréens se ne privent pas de faire des commentaires sur leur physique. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les jeunes sont aussi bavards que leurs aînés. Puisque 360 000 visiteurs sont attendus pendant la période du Mondial, il était nécessaire de bousculer les idées reçues, notamment auprès des hôteliers, des restaurateurs et des chauffeurs de taxis.
Certes, cette Coupe du monde a avant tout pour objectif de redonner confiance au coréens, cinq ans après la crise qui a déstabilisé leur économie et leur société. Mais il faut espérer que la compétition participera aussi à faire évoluer les mentalités.
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Nathalie Tourret 02/06/2002
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