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Chine
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La longue marche du foot
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L'équipe chinoise à l'entrainement. ©AFP
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Pour la première fois de son histoire, l’équipe chinoise de football participe à la Coupe du Monde, et l’événement est vécu comme historique.
De notre correspondant à Pékin
Depuis plusieurs mois, la Chine vit, parle, et pense foot, dans la rue, dans les journaux, dans les restaurants. Les noms des joueurs sont à toutes les lèvres, et les pronostics vont bon train. L’optimisme règne, mais sans illusions. D’après le plus récent classement FIFA, l’équipe chinoise est la plus mauvaise des cinquante équipes listées. La qualification pour le second tour s’annonce rude, car dès le premier tour Chine va affronter du 4 au 13 juin les équipes du Costa Rica, du Brésil et de la Turquie, les deux dernières étant statistiquement imbattables. «Je suis optimiste, pourtant je reste lucide, nos chances sont maigres de passer le premier tour. Mais nous avons un atout, c’est que nous n’avons rien à perdre», déclare l’entraîneur serbe Bora Milutinovic, alias «Milu, l’homme aux mains d’or » comme on l’appelle ici, manifestement peu convaincu par le «roi» Pelé qui a déclaré lors d’une visite récente à Pékin que la Chine «pourrait tout à fait» surprendre le Brésil.
En octobre dernier, la Chine décrochait son premier ticket pour la rencontre mondiale grâce à Milu. C’est la cinquième Coupe du monde consécutive pour laquelle il parvient à faire qualifier une équipe pour la première fois: Mexique en 1986, Costa Rica en 1990, États-Unis en 1994 et Nigeria en 1998. Quels que soient les résultats cette fois-ci «Milu», choisi «l’étranger préféré des Chinois» selon les sondages, sera parvenu à briser quarante-quatre ans de frustration des fans chinois. Car accéder en Coupe du Monde, c’est aussi être reconnu comme une grande nation sportive. «Peu importent les résultats, l’essentiel c’est que nous en soyons», dit Wang Zhanjun, président de l’Association des supporters de Pékin.
Les supporters meilleurs que les joueurs
Ailleurs sur la planète, on ignore souvent l’immense engouement pour le ballon rond en Chine, pays plutôt réputé pour son ping-pong ou son volley-ball. Avec deux millions de supporters encartés (dont un cinquième de femmes), et plusieurs dizaines de millions de fans, la Chine est le pays du monde où il y a le plus d’amateurs de football. A chaque match de championnat, les stades sont pleins à craquer, comme celui de Shanghai (80 000 places), ou de Pékin (60 000 places), et si la qualité du jeu reste modeste, les supporters sont très motivés.
«Le public est meilleur que les joueurs» ironise Wang, qui sait que malgré tout l'équipe chinoise peut créer la surprise. «Pour nous, c’est comme une rencontre à domicile, nous sommes habitués au climat et au fuseau horaire. Et il y aura davantage de supporters rouge et blancs [couleurs de l’équipe de Chine, ndlr] que d’autres pays aux matches du premier tour, c’est un soutien qui va compter». Le gouvernement sud-coréen attend en effet plus de cent mille Chinois pour l’occasion, dont environ soixante mille venus de Chine populaire.
Mais beaucoup de fans de Chine continentale devront suivre leur équipe devant le petit écran, incapables de payer le prix exorbitant demandé par les agences agrées pour organiser le déplacement. Il faut en effet prévoir 10 000 à 27 000 yuans (environ 1 400 à 3 800 euros) pour un ensemble incluant billet aller-retour, un à trois matchs, et l’hébergement. Une fortune quand on sait que le revenu urbain moyen annuel est de 6 500 yuans. D’autre part, l’ambassade sud-coréenne demande une lourde caution aux voyageurs, pour décourager l’immigration illégale. «C’est une occasion unique, et je préfère m’endetter plutôt que de rater cela» explique Lin Xiao, supportrice invétérée et serveuse dans un restaurant. Comme la plupart des Chinois qui vont faire le déplacement, elle économise et emprunte à ses proches depuis des mois, depuis qu’elle sait que «son» équipe va participer à la Coupe.
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Abel Ségrétin 03/06/2002
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