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Football aux Etats-Unis
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Les Américains peu emballés par le «soccer»
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L'équipe de football des Etats-Unis à l'entrainement. © AFP
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Aux États-Unis, la Coupe du monde de football est reléguée dans les profondeurs des pages sports, loin derrière le basket ball, le baseball, le football américain ou le hockey sur glace. Les Américains sont peu intéressés par le soccer à la télévision, un sport qu'ils sont pourtant de plus en plus nombreux à pratiquer.
De notre correspondant à New York
Rien à faire. Le public américain continue à bouder ce sport étrange qui curieusement fascine le reste de la planète. Pour la quatrième fois d'affilée, l'équipe américaine de football, soccer comme on dit ici, participe à la Coupe du monde. Il s'agit d'une performance plutôt rare, partagée par seulement huit autres pays. Et pourtant, depuis le début de la Coupe du monde, les journaux, les radios et les télévisions ignorent superbement la compétition. L'événement est relégué dans les tréfonds des rubriques sport. A Las Vegas, on préfère parier sur la boxe ou le Super Bowl. Pour suivre les matchs en direct, il faut souvent se rabattre sur les chaînes hispanophones. Pour retrouver un peu de ferveur footbalistique, il faut se réfugier dans l'atmosphère confinée des pubs irlandais. Aux États-Unis, les vrais fans sont des immigrants ou leur descendants récents: britanniques, italiens, mexicains...
Plusieurs éléments peuvent expliquer le dédain du public américain. Ces derniers jours, il est beaucoup plus intéressé par les phases finales de la NBA (basket ball) et de la NHL (hockey). Dans un pays où gagner fait partie intégrante de la culture, l'équipe nationale a tout du looser. En 1998, alors que la France triomphait, l'équipe américaine pouvait se prévaloir du titre de bonne dernière. Ce bonnet d'âne a douché l'enthousiasme de ceux que la bonne performance de 1994, en sol américain, avait éveillé. Beaucoup d'Américains ne comprennent toujours pas les règles de ce sport, pourtant populaire dans les années 70, et estiment qu'il n'y a rien de plus ennuyeux à regarder, si ce n'est une partie d'échec («ils ne marquent jamais de buts»). Si on ajoute à cela que la plupart des matchs de la Coupe du monde se déroulent entre deux heures et sept heures du matin heure locale, on obtient le cocktail idéal pour un flop de l'audimat.
Et pourtant, 19 millions d'Américains pratiquent le soccer. Ces dix dernières années, la pratique de ce sport a augmenté aux États-Unis, plus que n'importe quel autre sport d'équipe. Après le basket ball, c'est le deuxième sport d'équipe le plus pratiqué du pays. Plus de sept millions de jeunes Américains de 6 à 17 ans jouent fréquemment au football -plus que le baseball! La moitié des joueurs sont des joueuses, suivant le brillant exemple de l'équipe féminine américaine qui a remporté la première place de la dernière Coupe du monde de football féminine contre la Chine et la seconde place aux JO de Sidney. Seul problème: ce succès renforce la perception (machiste) selon laquelle le soccer est «un sport de fille» où les contacts physiques sont réduits au minimum. Les hommes, les vrais, préfèrent donner libre cours à leur testostérone dans des sports de contact comme le football américain (le seul vrai football vu de ce côté de l'Atlantique) ou le hockey (où on peut échanger des coups de poing virils en toute impunité).
Aucune culture footballistique
Mais de même que la natation, le ski ou le vélo, le soccer ne fait pas recette à la télévision. Tous les joueurs américains ne sont pas des fans, loin de là. Il n'existe aux États-Unis aucune culture footballistique. Même si au cours de son histoire l'équipe américaine a remporté des victoires contre des équipes comme le Brésil, l'Argentine, l'Allemagne et l'Angleterre, le niveau général du jeu est médiocre. Le circuit professionnel est embryonnaire et les jeunes talents ne sont pas détectés et entraînés suffisamment tôt. L'aspect historique de la finale de la Coupe du monde de 1998 a échappé à beaucoup d'Américains. Alors qu'un tiers de la planète était rivé à son poste de télévision, seulement 5,7% des foyers Américains ont suivi l'événement -un score ridicule pour un play off de basket ball.
Malgré tout, il semble que ce sport ait un avenir au États-Unis, notamment auprès de la population hispanique: 35 millions de personnes aux États-Unis. Après la Coupe du monde de 1994 en sol américain, des ligues professionnelles de soccer ont été créées, pour les hommes et les femmes. Pour l'instant, elles perdent de l'argent et reposent entièrement sur quelques investisseurs, comme le milliardaire Philip Anschutz, mais l'équipe nationale de soccer joue désormais souvent devant près de 30 000 spectateurs, contre seulement 2000 à 3000 il y a quelques années. L'odeur de la victoire attire le public. En 1999, la finale de la Coupe du monde femmes contre la Chine avait rassemblé 40 millions d'Américains.
«Cette explosion est intimidante pour les autres ligues» a déclaré au New York Times Don Garber, président de la Major League Soccer. «Je ne suis pas sûr que les télévisions ou les ligues traditionnelles de sports sachent déjà exactement quoi penser du soccer. Mais j'ai le sentiment que cela va continuer à se développer aux Etats-Unis. A terme, je pense que le soccer va devenir plus important qu'un simple sport de niche» a pour sa part expliqué au quotidien Rick Burton, directeur du Warsaw Sports Marketing Center de l'université de l'Oregon. Les analystes prédisent que le football peu se placer d'ici quelques années en cinquième place du hit parade des sports favoris des Américains. Pour faire mieux, il faudrait un miracle de l'équipe américaine qui sera testée dès mercredi face au Portugal.
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Philippe BOLOPION 04/06/2002
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